La photographie peut-elle faire patrimoine ? Dès sa naissance et tout au long du xixe siècle la question se pose aux familles bourgeoises. Si le patrimoine est, selon Littré, un « bien d’héritage qui descend, suivant les lois, des pères et mères à leurs enfants », le portrait photographique a tout pour entrer dans son giron. Les testaments le confirment. Le statut de la photographie est cependant incertain ; par sa nature d’image flottante et multiple, le droit ne sait qu’en faire. En 1869, on énonce à propos d’un procès les termes juridiques du débat : « Il serait bien temps de savoir si les portraits de famille sont des meubles ou des marchandises saisissables. » Le texte souligne que si en théorie ils ne sont pas saisissables et sont placés extra-bona dans les inventaires après décès, « les marchands de bric-à-brac ont [pourtant] une riche collection d’ancêtres à fournir […] : des pères, des mères, des époux, des épouses, des enfants bruns ou blonds. […] Je pense toujours malgré moi […] que c’étaient là des souvenirs précieux pour de pauvres veuves, pour des orphelins […] ; toutes les larmes ne sont pas fausses derrière les convois funèbres1». Pour les portraits photographiques, l’hésitation est d’autant plus forte que la société ne leur reconnaît pas de matérialité au sens mobilier. En tant que « souvenirs de famille », ils sont « inaliéniables », mais relèvent des « papiers de famille ».
Papiers ou mobiliers ? Le déclassement du daguerréotype par le tirage sur papier confirme la nature du portrait photographique : il demeure « dans le monde à l’état de souvenirs de famille » pour reprendre l’heureuse expression d’un observateur de l’Exposition universelle de 18622. L’image de métal rassure, d’autant que vernie, on la croit « inaltérable et indestructible3 ». L’arrivée de la photographie sur papier pose la question à neuf : peut-elle traverser le temps et assurer la postérité nécessaire aux patrimoines familiaux ?
À l’heure où la notion de monuments historiques se construit, réunir et conserver des biens, y compris culturels, à transmettre aux descendants devient une obsession. Ces images doivent entrer dans l’héritage par leurs qualités matérielles et esthétiques, autrement dit par leur présence qui saura s’imposer dans l’avenir. D’où ces myriades de photographies bricolées, sous cadre, assemblées avec des cheveux, repeintes, transférées sur céramique… qui sont comme autant de machines à voyager dans le passé et le futur4. Ces objets polymorphes sont partout au xixe siècle, même si, par le jeu des disciplines et des conservations, ces images sont davantage présentes chez les antiquaires et les brocantes que dans les musées. Objets bavards, ils sont peu documentés, paradoxalement souvent anonymes. À côté des archives privées – mémoires, comptabilités ou testaments –, les brevets articulent textes et objets-images. En l’espèce, ils inventent peu mais disent à la fois l’attente sociale et permettent de retrouver les modes d’emploi et par là les pratiques attachées aux objets. Les bricolages eux-mêmes, à la croisée de l’émotion et du patrimoine, en témoignent parce qu’ils matérialisent les liens construits entre portraits et sentiments – du souvenir à la dévotion aux aïeux. Ils disent l’espoir de porter ces émotions dans le futur.
Tombeaux photographiques
François Joseph Desfrançois rédige son testament en 1884. Il est ordinaire : actions et biens immobiliers légués et liste sans fin de sabres japonais, petites cuillères et meubles qu’il offre « en souvenir » de lui-même. Directeur adjoint d’une compagnie d’assurances, il sait que l’avenir est incertain. Il a donc une « concession à perpétuité […] au cimetière de l’Est à Paris », à côté de la tombe de son fils, et désigne son légataire pour « la garde des papiers de famille et manuscrits ». « Ma volonté, poursuit-il, est que ces souvenirs comprenant bustes, portraits et albums ne soient pas dispersés et restent à la disposition de tous les membres de la famille […]. J’engage fortement mes neveux à s’entendre pour constituer des archives de famille […]. J’ai toujours été frappé, en le regrettant, de la négligence des familles qui ne savent rien de leur propre histoire5. » Dans ces albums, se trouve sans aucun doute la photographie de la tombe de son fils. Photographies et espaces s’emboîtent.
Horizon de celles et ceux qui s’inquiètent de leur postérité, la tombe est le monument familial par excellence. La photographie de tombe devient récurrente [Fig. 1], prolongeant une culture qui, à partir du milieu du siècle, lie monuments historiques et photographie et remplace le « dernier portrait » sur le lit de mort. En miroir, les portraits sur les tombes excitent les imaginations industrielles. Le buste funéraire est le plus digne des portraits et on imagine même avec le timide développement de la crémation, de mouler les cendres mêlées à du plâtre et du silicate de potasse. Ce « portrait en bas-relief », précise l’inventeur en 1892, peut être « encadré, ou bien l’objet peut être conservé dans un étui ou petit meuble ad hoc, sur lequel on peut graver […] une épitaphe ou autre inscription relative au défunt6 ». Il rejoint aussi les cimetières où les portraits se multiplient pour donner un visage au corps dans la tombe, les marbriers proposant de faire les « statues, bustes, portraits d’après photographies, en granit, en marbre7 ». On s’incline à la fois devant la pierre tombale, le corps gisant et le portrait.
La photographie trouve sa place dans cette patrimonialisation du sentiment familial. Une inquiétude naît cependant quant à sa résistance. Des dizaines de dispositifs visent dès les années 1870 à les protéger des intempéries. Lebrun et Cazaux peuvent ainsi écrire :
« Au lieu d’une pierre ou d’un marbre retraçant sévèrement le nom et la date d’un défunt, vous reproduisez sa photographie, sa physionomie, ses traits, sa ressemblance, le froid qu’inspire ordinairement la terre des morts disparaît pour faire place à une douce illusion […]. La photographie n’est-elle pas un présent de la providence pour perpétuer notre souvenir dans nos familles, surtout lorsque cette photographie est incrustée dans le monument qui doit recevoir les restes mortels8 ? »
Fig. 1 : Anonyme, Photographie de la tombe de l’enfant Tassart avec médaillon en céramique, Pas-de-Calais, 1924
Collection Manuel Charpy.
L’invention est modeste : un verre scellé par « un ciment-pierre, de façon à intercepter totalement l’action de l’air ». Toutes les techniques de « représentation commémorative » veulent « conserver » le portrait des intempéries9. Noël Tiran, artiste-peintre de Marseille, revient ainsi trois ans après constater dans un cimetière la permanence des photographies protégées par ses « médaillons artistiques inaltérables10 ». La région marseillaise riche en pratiques de dévotion l’est aussi en inventeurs de « médaillons artistiques inaltérables et incassables11 ». Le cadre fait corps avec la tombe, comme cette dernière incarne le corps enfoui. Les nombreux fabricants à la recherche d’une matière inaltérable font des essais en caoutchouc mais il s’effrite au soleil et évoque de plus en plus le monde du sexe12. C’est l’aluminium, inoxydable et autorisé par un rescrit papal dès 1866, qui entre dans les cimetières sous forme de fleurs, de vases et de cadres. Ces derniers permettent le plus souvent, force du multiple, de changer « les photographies [qui] se détériorent assez rapidement au soleil et à l’humidité13 » [Fig. 2 et 3].
Fig. 2 : Émile Olive, (sans lieu), « Cadre funéraire pour photographie »
INPI, 1BB146702, brevet et addition, 22 février 1882.
Fig. 3 : Jean-Baptiste Riche Lépinette et Yvin Rabilloud, Lyon, avenue de Saxe 66, « Introduction instantanée des photographies dans les médaillons funéraires »
INPI, 1BB169064, brevet de 15 ans, 22 mai 1885.
Cependant, à l’âge du monument historique, rien n’est plus sûr que le minéral pour commémorer le passé14. Malgré les essais sur le granit, la lave ou le marbre, le collodion ne tient pas, cantonnant la technique aux bibelots d’intérieur15. La solution qui s’impose dès les années 1850 est celle de la « photographie vitrifiée » ou « émaillée » [Fig. 4]. La cuisson détruit le papier et conserve les grains d’argent pour faire des « peintures indélébiles sur porcelaine16 ». Succès rapide pour Lafon de Camarsac, rue de la Paix : en 1868, il a réalisé déjà près de 10 000 portraits sur biscuit17 [Fig. 5]. Mathieu-Deroche, boulevard des Capucines, fait lui des « miniatures inaltérables » : la photographie, « devenue indélébile, résiste aussi bien à l’épreuve du temps qu’à celle de tous les agents de détérioration18 ». Ces portraits prennent place sur les tombes comme sur la couverture des albums. La technique trouve un temps sa place sur les monuments domestiques, à la suite de l’industrie qui transfère des photographies sur vaisselle, bibelot, vitrail19… Mathieu-Deroche propose assiettes, théières et tasses avec portraits. Si boire ou manger dans ses ancêtres est inconvenant, cette vaisselle est exposée jusque dans les années 188020. Mais alors que ces objets sont de plus en plus considérés comme vulgaires, les portraits en médaillons émaillés s’installent dans les cimetières21.
Fig. 4 : Photographie vitrifiée « d’après le procédé Gougenheim et Forest » en médaillon sur album de photographies, 1881
Photographie d’Alphonse Liébert, boulevard des Capucines, Paris, Collection Manuel Charpy.
Fig. 5 : Porcelaine avec portraits émaillés, atelier de Lafon de Camarsac, 1862-1864
Paris, no 37-1864. © Londres, Victoria and Albert Museum.
Des centaines de techniques de vitrification pour l’« art funéraire » se font jour22. Le souci est explicite : nos « images photographiques, écrivent un agent d’assurance et un pharmacien associés, ne craignent ni l’humidité, ni la poussière, ni les taches […]. Un portrait, un groupe de famille passera sans altération à tous les descendants. […] Il en sera de même pour les documents précieux qu’une famille ou une ville voudrait rendre impérissables [et qui] seront plus durables que les monuments eux-mêmes23 ». L’émotion patrimoniale fonctionne devant l’image à la fois délicate et « permanente », « contre laquelle le feu ni le temps ne peuvent rien24 ». Les « émaux vitrifiés absolument indestructibles » deviennent ordinaires chez les photographes, en particulier dans les régions de céramique25.
L’élément est central dans la personnalisation des « dernières demeures » qui s’uniformisent du fait des cercueils standard et des stèles produites industriellement26. L’émotion patrimoniale est prise entre conformisme social et individualité : « Désormais, écrit un inventeur, la piété filiale, l’amour, la reconnaissance ou la charité ne pourront mieux s’exprimer qu’en scellant sur la tombe du défunt regretté ou de la défunte chérie une photographie destinée à […] solliciter au visiteur une larme27. »
Portraits immobiliers
Le corps à corps avec les ancêtres se fait aussi plus proche. Dans un siècle qui codifie le deuil et oblige les femmes à le porter, les ancêtres deviennent portatifs, rejouant les miniatures sur ivoire du xviiie siècle28. Étuis en cuir et velours protègent les daguerréotypes puis les portraits vitrifiés avant d’abriter les populaires ferrotypes ou tintypes. De minuscules cadres articulés permettent d’emporter une galerie d’ancêtres et dès les années 1850 apparaissent les « portraits-bijoux29 ». Au centre des transmissions familiales, les bijoux en or et argent doivent assurer la conservation et la transmission des micro-photographies30. Les aïeux sont emportés avec soi, dans les portefeuilles, les sacs à main et les habits masculins qui ressemblent à des meubles à tiroirs. Minuscules, ils sont souvent regardés à la loupe et semblent ainsi dans un passé lointain. Bijoutiers, photographes et « émailleurs-portraitistes » confectionnent « bracelets-tiroirs », « caches-portraits » sur broches, médaillons ou épingles, pour porter avec soi des portraits escamotés31. La rubrique « objets perdus » aux quatrièmes pages des journaux en est pleine dès le milieu du siècle. En mai 1879, La Liberté publie : « Bonne récompense. Perdu le 15 courant dans le parcours de la place de l’Opéra, les boulevards et le faubourg Saint-Martin un bracelet en or avec un médaillon avec photographie entourée de cheveux blonds32. » Ces annonces par centaines, jusque dans la presse populaire et régionale, précisent volontiers : « souvenir de famille33 ». Les récompenses promises confirment l’attachement à ces bijoux.
Pourtant, la seconde demeure des portraits d’ancêtres est bien, avec le cimetière, la maison. Cadres et albums y sont comme des tombeaux familiaux. Seules, les photographies sont lourdement encadrées en plâtre doré, en velours, en caoutchouc, en bois durci… pour faire corps avec le décor des appartements. Les sous-verre protègent des intempéries, de la poussière et donnent à voir tout en interdisant de toucher. Le verre devient la matière du souvenir. Dès les années 1830, il préserve les estampes anciennes et les collections privées en vitrine. Les daguerréotypes sont sous un verre bombé, qui évite les reflets tout en limitant l’oxydation due aux gaz d’éclairage34. En complément, la pénombre des intérieurs créée par les doubles rideaux protège les images des effets de la lumière. Aux lourds cadres répondent, dès les années 1840, des presse-papiers de cristal pour mettre les portraits « à l’abri de toute destruction35 ». Les ancêtres habitent un monument en dur tout en étant suspendus dans l’espace et par là dans le temps. Rien de surprenant à ce qu’êtres perdus et histoires personnelles apparaissent aux « voyants ou voyantes extra-lucides » à travers une « boule de cristal36 ». Matière des instruments d’optiques, le verre donne à observer le passé comme le lointain37 [Fig. 6].
Fig. 6 : Presse-papier photographique, fin des années 1850
Ateliers Lagriffe, rue Saint-Honoré. © Paris, Société d’histoire du théâtre.
Les autels familiaux finissent sous cloches, d’abord présentes pour protéger les bibelots de la poussière et des fumées intérieures. Au milieu du siècle, des boîtes vitrées et capitonnées à l’image des cercueils accueillent des vanités faites de bouquets de mariées, de bijoux et de portraits. Par ces compositions mises hors du temps, les portraits doivent passer de génération en génération et jusque dans les milieux populaires, où les cloches deviennent courantes après 188038.
Dans le même temps, l’album en général devient le lieu de la collection des souvenirs : keepsakes, herbiers aux allures d’autobiographies, collections de mots d’amies… Avec les cartes de visites et des « cartes albums », les albums photographiques deviennent la pierre angulaire de la mémoire familiale. Leur monumentalité doit contrebalancer dès les années 1850 la fragilité du tirage sur papier. En cuir, en velours ou en mosaïque de marbre, leurs pages épaisses sont fermées par une quincaillerie de bronze, les apparentant ainsi au mobilier39. Ironie de Commerson dans Le Tintamarre qui écrit :
« Du portrait-carte est né l’album de photographie, qui offre plus d’un point de ressemblance avec les concessions à perpétuité qu’on voit dans les cimetières, et où chaque membre de la famille à sa place. En se plaçant au point de vue du souvenir, du culte de la famille, on admet volontiers l’album de photographie sanctuaire réservé aux parents, aux intimes [que] l’on entasse40. »
Les fabricants inventent des manières de les manipuler : les présentoirs en forme d’ange ou de chevalets soulignent leur dignité et en font des mobiliers41. Des paravents et des éventails, évoquant l’intimité rêvée du xviiie siècle, se déplient pour étaler en un geste l’histoire familiale42, ou imite de vieux livres comme l’« album paravent dit de Famille43 ». Après 1870, Giroux, Tahan et quantité d’ébénistes et de grands magasins offrent ces petits meubles ouvragés « dit porte-souvenir44 » ou « album-bonbonnière45 ». Mobiliers, ils consolident la mémoire ; mobiles, ils relèvent de l’intime. Ambiguïté de ces formes qui exposent et protègent du regard. Un maroquinier précise en 1876 que son album de « luxe » est « supporté sur un chevalet-pupitre, la lecture des photographies […] est rendue très facile et très attrayante, d’un autre côté lorsque l’album est fermé, il est […] cadenassé par un fermoir à clef, à l’abri de l’indiscrétion des domestiques46 » [Fig. 7].
Fig. 7 : Charles-Félix Pagella, négociant, dépôt par Jules Mathieu, Paris, 45 rue Saint-Sébastien, « Genre d'album-souvenir ou album-collection »
INPI, 1BB78347, brevet de 15 ans, 5 novembre 1867.
L’ambiguïté se retrouve dans les espaces où sont présentés ces portraits, déterminants pour la mise en patrimoine des objets47. De l’antichambre au salon se déploient les portraits d’aïeux, y compris les daguerréotypes, car désuets et devenus une forme d’antiquité. Pour le reste, les photographies seules sont du côté des espaces de l’intimité48. Le maître et la maîtresse de maison confirme en 1887 que le « charmant fouillis des souvenirs du cœur », comprenant « photographies » et « portraits de famille », trouve sa place dans les chambres et à la rigueur dans le cabinet de travail49. Ermance Dufaux, sévère, souligne pourtant en 1883 : « La place des portraits de famille est au salon [mais] les photographies resteront dans l’album ; à peine s’il est fait exception pour deux ou trois des plus notables ; encore l’élégance du cadre doit-elle sauver la vulgarité de ce genre de portrait50. » Les dignes albums monumentaux sont eux sur une commode ou un guéridon du salon51.
Gestes et rituels d’un patrimoine
Tous ces objets deviennent patrimoines dès lors qu’ils appellent et réifient rituels et émotions. La bourgeoisie est confiante dans leur capacité à fixer des pratiques et des gestes. Pour protéger les photographies dans les cimetières, Salmon Miller crée ainsi en 1884 un système amovible qui ferme le cadre sur lequel se lie l’inscription : « Regardez-moi et ensuite recouvrez ma face52. » Le geste est protecteur. De la même manière, un album-mémorial ne se consulte pas comme un ouvrage ordinaire. Se multiplient les albums avec loupes de numismates qui obligent à s’approcher, accentuant le face à face avec les visages du passé53 [Fig. 8], ou encore avec des boîtes à musique se déclenchant à l’ouverture de l’album54. Grand succès de ces mélodies du souvenir tant elles rendent l’image plus émouvante encore.
Fig. 8 : Maurice Brun, agent d'affaires et directeur de l'office du commerce, Paris, 6 rue Villedo, « Album photographique miniature à verre grossissant »
INPI, 1BB056803, brevet de 15 ans, 29 décembre 1862.
Dans le doute, l’émotion s’apprend. Louise d’Alq guide en 1885 la petite bourgeoisie :
« L’album est comme un agenda animé. En le feuilletant, on [se] retrouve devant ces figures connues, aimées parfois, parfois aussi indifférentes […]. Celui-ci est mort jeune ; il a laissé des regrets… […] Ah ! comme celle-ci était jolie alors ! […] C’est ainsi que nous revoyons ce cher passé, que nous évoquons des souvenirs55. »
En 1892, Louis Alphonse Davanne, chimiste et photographe depuis les années 1850, loue « les douces émotions […] éprouvées à feuilleter l’album où se retrouvent les sites parcourus et admirés, les portraits amis, les images des disparus tracées par cette lumière même que reflétaient leurs visages aimés56 ». Le siècle promeut la vénération des êtres perdus comme des ancêtres par l’image. Il faut dire qu’à partir des années 1880, toute une génération fait l’expérience de contempler des aïeux qu’elle n’a pas connus, construisant un nouveau rapport au temps.
Si la consultation de la photographie de mariage est un « cours de science généalogique », celle de l’album et son existence même le sont aussi57. Mais si le patrimoine enseigne l’histoire, il doit aussi transmettre une expérience émotionnelle du passé, tout aussi distinctive. L’album fait système avec les traces du passé accumulées dans les intérieurs, en particulier les antiquités couvertes de patine, ce « voile du temps58 ». S’étonnera-t-on alors de voir des albums néogothiques ou Rococo et couverts de patine artificielle ?
Reste que la fragilité des mémoires individuelles inquiète ; les familles veulent faire archives en accompagnant les images de textes. Un rentier d’Ivry-sur-Seine décrit en 1866 son « album généalogique-livre des familles », qui répond aux attentes du public qui sont aussi les siennes59. « Il ne remplacera pas, écrit-il, l’album photographique que l’on dépose sur les meubles du salon, ce sera un livre d’intérêt privé renfermant outre les portraits […], les archives de cette famille, son histoire […]. Cet album pourra être remis aux époux le jour du mariage. » Et de détailler les indications à porter : dates de mariages, de naissances, de décès, « transcriptions d’actes anciens de l’état civil et de diplômes », « tableaux généalogiques », papiers notariés, titres d’ouvrages, inventions… Entre chaque feuille, pouvant accueillir quatre portraits photographiques, sont disposés des feuillets réglés sur lesquels sont portées les informations. Comme dans les arbres généalogiques, un cercle est colorié en noir au « décès de la personne ». Un système de lettres et de numéros lie portraits et documents. Précision importante : les portraits doivent être collés pour être « inamovibles » ; l’histoire doit être scellée.
Car ce qui fait patrimoine, c’est la confiance dans sa transmission intacte. Cloches ou albums, grâce à leur mobilité, doivent être transmis. C’est aussi le cas des maisons de poupées avec portraits photographiques miniatures, conservées et transmises. Difficile de ne pas penser à Walter Benjamin notant que le xixe siècle « a considéré l’appartement comme un étui pour l’homme ; il a si profondément encastré celui-ci dans l’appartement, avec tous ses accessoires, que l’on croirait voir l’intérieur d’une boîte à compas […]. Est-il en effet un objet pour lequel le xixe siècle n’ait pas inventé de boîtier et d’étui60 ? ». Alors que du berceau au cercueil les corps s’emboîtent dans des étuis, les photographies s’enchâssent dans le mobilier.
Des photographies en reliques
La puissance du portrait photographique réside dans la possibilité de distribuer des multiples dans les branches d’une famille pour en matérialiser les liens réels et imaginaires. Pour la famille, il est un des flux « qui maintiennent son unité » avec « le sang, l’argent, les sentiments, les secrets, la mémoire61 ». Cependant, un objet patrimonial ne peut être, par définition, reproductible. À côté des autels uniques, des bricolages convertissent ces multiples en uniques. Le résultat ne coïncide ni avec les disciplines historiques, ni avec les catégories muséales – d’où leur présence aujourd’hui sur les seuls étals des marchés aux puces. Mais dans les années 1860, ils ne sont pas encore regardés comme des souvenirs naïfs. Photographes, papetiers et encadreurs proposent d’« habiller » les photographies, de fleurs ou de vêtements miniatures62. Les images gagnent en matérialité : le patrimoine doit convoquer une présence pour demeurer et émouvoir.
Ce sont les cheveux, seules reliques imputrescibles des corps, qui l’emportent. C’est vrai pour les bijoux-médaillons de l’industrie des « travaux en cheveux » qui, à partir des années 1830, tresse bracelets et colliers avec les cheveux des absents ou des défunts63. Lemonnier, « artiste en cheveux » du boulevard des Italiens, fait le « bijou qui se souvient » avec une photographie64. Il rencontre le succès comme bijou « de deuil » avec les bijoux noirs65. La pratique se diffuse jusque dans les campagnes, entre pratiques des ex-voto et des reliquaires66 [Fig. 9].
Fig. 9 : Bijou-médaillon avec broche.
Photographie d’un enfant et cheveux. Collection Manuel Charpy.
Pour les intérieurs, des « portraits-ornements » sont aussi fabriqués afin de « perpétuer un double souvenir dans les familles », comme le note un dessinateur en cheveux installé à Montmartre67. La pratique est pérenne, preuve de son efficace. Parmi des dizaines d’autres, Henri Brassinne met au point en 1878 un système d’« ornementation des portraits photographiques […] avec des cheveux et des poils » piqués dans le papier68. Double avantage : un réalisme « exact » et « une valeur comme souvenir qu’une photographie pure et simple ne saurait avoir ». Ces images-reliques proposent un « patrimoine héréditaire », terme de droit qui devient médical vers 1900, et un « patrimoine génétique », science des années 1910 qui étudie les phénomènes de l’hérédité. Héritage et hérédité : le patrimoine des familles voudrait être tout entier dans ces montages dépositaires de l’apparence et de quelque chose du corps perdu. La Première Guerre mondiale fait disparaître ces assemblages devenus populaires : la mort massive et les corps abîmés éloignent la possibilité des reliques.
Montages de la mémoire
Dans l’économie d’un patrimoine à venir, on s’inquiète de savoir comment la photographie traverse le temps. On veut s’assurer de son caractère « inaltérable », de sa résistance aux atmosphères acides, à la lumière, et à son propre processus chimique. La technique la plus ordinaire, mise au point en 1855 par le chimiste Poitevin, consiste à remplacer les grains d’argent par du bichromate et du charbon69. Affaire de patrimoine familial comme collectif, l’« altérabilité fâcheuse des images photographiques actuelles, écrit Despaquis en 1866, est la cause de leur bannissement absolu de toutes les collections sérieuses ». Chefs-d’œuvre comme portraits n’ont de sens que s’ils bravent le temps par leur « parfaite stabilité », comme « reproduction éternelle70 ». Les améliorations des « épreuves inaltérables au charbon » les rendent ordinaires71. En 1890, le Comptoir du Progrès universel qui se consacre aux produits à la mode annonce : « Beaucoup de personnes voyant les ravages faits par le temps aux photographies de personnes qui leur sont chères, s’empressent […] d’en faire faire un agrandissement inaltérable au charbon72. » Le fragile support inquiète néanmoins lui aussi car, même calandré, le carton de Bristol demeure du papier, si bien que des ateliers le dissimulent sous de la gouache ou de l’aquarelle73. Ce sont finalement les collages de morceaux de photographies sur bois, souvent du palissandre comme les beaux meubles, qui l’emportent. Ils associent têtes et mains découpées dans une photographie aux vêtements et décors brossés à l’huile. Une femme se fait un nom : la peintre Dugardin, rue du faubourg Saint-Honoré. Elle développe un atelier de petites mains dès les années 186074. « Il suffit de donner une photographie pour avoir un portrait peint à l’huile » en indiquant la couleur des yeux, des cheveux et du teint [Fig. 10]. Ils deviennent populaires à la fin du siècle. L’Auvergnat de Paris offre ainsi « un splendide portrait peint à l’huile, par un artiste de Paris, bien connu, M. Dugardin. […] La Photographie étant détériorée n’est pas rendue. Délai de la livraison du portrait : un mois à un mois et demi75». Mêmes annonces dans le Mercure de France76 ou Le Parti ouvrier77, signe de la large adoption de cette forme. Devant ce succès, le fils de Dugardin ouvre la Société de reproductions artistiques, boulevard Rochechouart, promettant ainsi aux clients de « posséder un portrait d’une valeur artistique78 ». Nombre d’entreprises produisent ces portraits en série à l’aide de rapins pour leur donner une valeur « artistique » et une valeur en tant que bien79. Sur tous ces montages, et dès les années 1850, les signes de l’art sont surlignés : touche affirmée et signature – à la façon de l’enseigne de Nadar – géante et inspirée80.
Fig. 10 : Portrait réalisé par Louise Dugardin, 84, faubourg Saint-Honoré, milieu des années 1850
Photographies et peinture à l’huile sur bois. Collection Manuel Charpy.
On le devine, ces bricolages permettent de réécrire l’histoire familiale, et ce d’autant plus qu’ils permettent de choisir les décors en arrière-plan. La photo-peinture, peinture faite d’après un tirage photographique sur toile, permet d’aller plus loin encore. En 1865, Le Monde illustré se félicite de trouver dans les ateliers de Disdéri, qui pratique cette technique, « le portrait très-ressemblant d’un jeune homme mort récemment, pour lequel le peintre n’a eu d’autres indications qu’une photographie et les détails donnés par la mère ». Elle permet de « faire de charmants tableaux de genre » avec par exemple « la mère assise au coin de sa cheminée » ou « le grand-père chargé de jouets », ce qui doit permettre à la famille de « collectionner ainsi les archives vivantes de ses joies81 ». Dugardin comme Disdéri savent que le patrimoine est une réécriture.
De la matière et de la ressemblance
Ces techniques disent que les traditionnels portraits peints des galeries aristocratiques demeurent bien l’horizon des mémoires familiales. On cherche donc tôt à transposer des photographies entières sur toile. Se multiplient les brevets pour convertir les photographies en simili-peintures82. Dès l’Exposition universelle de 1855, une trentaine de photographes fait des épreuves « sur toile » et les traités se multiplient83. Rouchon met par exemple au point la « xylo-stéréo-chromie », « reproduction des portraits sur toiles avec des couleurs à l’huile », présentant portraits de l’Empereur et « tableaux religieux et d’histoire84 ». Ces procédés trouvent des applications commerciales. Jean-Nicolas Truchelut, à côté de la Bourse, devient photographe après avoir été peintre et « galvanoplaste » pour daguerréotypes. Il se lance dans l’industrie des « grands portraits peints à l’huile sur toile sans autre modèle qu’un portrait carte ». Vernis, ils sont « indestructibles », car « chacun sait à combien de causes diverses de destruction sont sujettes les photographies sur papier85 ». L’apprêt de cire ou de blanc de baleine simulant la matière picturale fait le succès commercial du procédé. Tous les procédés visent à s’écarter de la lisse photographie en imitant « les marques du pinceau, comme un tableau ordinaire à la main fait à l’huile86 ». Une quasi-grisaille évoquant l’esthétique néoclassique et les couleurs fanées par le temps suffit [Fig. 11].
Fig. 11 : Portrait peint à l'huile grâce au procédé Truchelut, vers 1870
Atelier Truchelut, rue de Grammont, huile sur toile, 65 × 54 cm. Collection Manuel Charpy.
Mais en l’espèce, le rêve est aussi industriel. Comme le suggère un article publicitaire dans Le Monde illustré en 1865, alors que le portrait à l’huile nécessite plusieurs rendez-vous, une seule pose chez Disdéri suffit avec la « photo-peinture ». « L’épreuve obtenue, on l’amplifie sur toile [et l’] artiste de talent qui, travaillant sur une esquisse d’une exactitude mathématique [donne] en dix ou douze jours un portrait […] pour lequel un peintre ordinaire aurait demandé un mois87. » Et de signaler ce qui toujours vaut pour preuve de la fidélité et de la dignité de la technique : elle sert à copier les tableaux les plus alambiqués comme la Smalah de Vernet. Signes de dignité : à la vitrine de Disdéri trônent les photo-peintures d’Abdelkader, de Rossini et du prince Napoléon. L’avantage de ces « photo-peintures » est aussi de recourir à une main-d’œuvre bon marché, sans formation artistique88. Dans la Marne, Ulysse Delaunay trouve en 1873 le moyen de faire des tirages au charbon sur des supports déjà peints. Il est explicite : cela permet « en quelques minutes [de] barbouiller une quantité d’épreuves qui seront parfaites89 ». Ces procédés, qui ne réclament pas d’artiste, peuvent se diffuser jusque dans les petits ateliers populaires parisiens comme dans ceux de province pour créer dans la forme des beaux-arts des « musées des familles90 ». Découflé et Dutkiewiwicz espèrent quant à eux produire des photo-peintures « au rythme de deux par jour par opérateur91 ». Le Courrier de Lyon affirme en 1882 que l’atelier de Joguet, dont on parle « dans les familles », livre « 50 douzaines de portraits par jour92 ».
Ces procédés vont jusqu’à gagner les « passe-temps artistiques » après 1880. Le détaillant de matériel Bourgeois commercialise la « photominiature » à réaliser chez soi. Une photographie collée sur un verre est poncée et vernie pour la rendre transparente, puis l’image est peinte au revers. Le Livre de la femme d’intérieur célèbre cette pratique « qui n’exige aucune connaissance du dessin » pour faire « d’après des photographies, de ravissants portraits imitant les miniatures sur ivoire93 » [Fig. 12].
Fig. 12 : Portrait réalisé en photominiature et vernis « préservatif », vers 1880
Maison Bourgeois, Collection Manuel Charpy.
Mais l’horizon collectif reste le tableau entièrement peint, dissimulant la photographie, dans ce moment où, comme l’a noté Michel Foucault, « les photographes faisaient des pseudo-tableaux ; les peintres utilisaient des photos comme des esquisses. […] On aimait peut-être moins les tableaux et les plaques sensibles que les images elles-mêmes, leur migration et leur perversion, leur travestissement, leur différence déguisée94 ». Dans le monde du portrait, la peinture d’après photographie est vite populaire. Le Cri du peuple annonce en 1887 offrir à ses lecteurs, contre 5 francs, une photographie et des indications sur les cheveux, les yeux et le teint, « un portrait à l’huile d’une ressemblance garantie et d’une valeur réelle de 20 fr.95 ». Le Conservateur commande ses portraits à des « peintres de talent, dont les ouvrages ont été admis et médaillés aux expositions annuelles de peinture de Paris96 ». Les journaux nationaux, comme les feuilles régionales qui offrent cette prime, insistent sur le fait qu’il s’agit de « vraies peintures », et non d’« agrandissements coloriés97 ». C’est que de très nombreux peintres de quartiers en mal de commandes font aussi la « reproduction de portraits à l’huile d’après la photographie ou le daguerréotype98 ». Le Dictionnaire du commerce note en 1901 qu’un « portrait agrandi sur toile ou sur papier est d’un grand secours au peintre ou au dessinateur jaloux de conserver fidèlement la ressemblance99 ». À l’occasion d’un décès, on porte volontiers une photographie chez le peintre : la mémoire d’un aïeul réclame la noblesse de la peinture100. De grandes maisons prospèrent sous la houlette de nécessaires « peintres ». Tanquerey, qui se fait connaître en peignant la vie des Parisiens en Normandie, crée la Société artistique de portraits qui inonde la France de ses tirages au charbon repassés au fusain. Prospèrent des maisons plus populaires comme Paris-peinture101 boulevard Magenta ou le Comptoir du progrès universel qui annonce que ses « portraits peints à l’huile sur panneau bois, d’après photographie, [sont] d’une grande perfection d’exécution et d’une ressemblance absolue ». Révolution annoncée : « Chacun peut ainsi se constituer une intéressante galerie de portraits de famille peints à l’huile, annonce le Comptoir du progrès, et grâce à la modicité de nos prix, à la portée des bourses les plus modestes102. » À peu de frais, les photographies deviennent galerie aristocratique [Fig. 13].
Fig. 13 : Portrait à l’huile d’après photographie (conservée au dos du tableau), 1910-1920
Paris, Collection Cayla-Karsenti.
Derrière ces conversions, l’enjeu est aussi esthétique. La « mathématique » ressemblance n’est en fait pas recherchée. Cette question de la « ressemblance » photographique fait l’objet d’un chapitre dans tous les traités de photographie. Elle est toute idéale, d’autant plus quand il s’agit de créer une image pour l’éternité. Outre le choix de l’âge, la retouche est centrale, en particulier pour les tombeaux. Les photographes-émailleurs soulignent que c’est le « pinceau d’un artiste [qui] repasse les traits de l’épreuve103 ». Le flou de la cuisson est recherché, car il « assouplit les lignes, fond les demi-teintes, et, avec son concours, on crée des miniatures qui peuvent supporter l’examen à la loupe104 ». Toutes les techniques intègrent une retouche105. À regarder ces portraits bricolés, il s’agit de les rendre nébuleux, flottant dans l’éther du souvenir. Un portrait, pour devenir monument familial, doit être sans âge tout en étant daté, doit souligner les traits distinctifs de l’individu tout en les sublimant.
Conclusion
Le patrimoine est avant tout une affaire de famille, au départ « ensemble des biens et des droits hérités du père ». Il n’est pas indifférent que le xixe siècle, qui glorifie les monuments domestiques du souvenir, invente dans le même temps le monument historique en particulier en France. La transmission des images que l’on rêve « inaltérables » y est centrale pour inscrire l’individu dans un arbre généalogique et peupler les imaginaires d’une foule, le plus souvent d’inconnus. Les rêves des portraits génétiques, empilement de portraits d’une famille qui donne les « traits moyens » et qui permet même de découvrir des aïeux qui n’ont jamais été photographiés, dit ce désir de faire image à l’échelle des familles106 [Fig. 14].
Fig. 14 : Arbre généalogique de la famille Mulliez (alors fileur de laine), 1887
Fonds Cayez/29/Album C8, Lille, bibliothèque municipale.
Mais à l’âge de la pierre – tout autant que de la vapeur et de l’acier –, on est confiant dans la matérialité pour inviter – forcer ? – à la commémoration, conscient que rien n’est moins sûr que la postérité au sein des familles. Pour empêcher que des pans entiers de la mémoire familiale ne s’effondrent, les images sont converties en objets, d’autant plus les photographies qu’on croit fragiles et virtuelles. Les objets hybrides qui en résultent sont autant de sémaphores ébouriffés de sens et de fonctions mnésiques.
La peur de la déshérence conduit à faire des objets encombrants au sens strict. Hériter de ces images-objets est une charge avec son lot rêvé de gestes et d’émotions. Une orthopédie de la commémoration s’affirme ici : dans sa poche, chez soi, devant la tombe, le portrait doit émouvoir. Via les mediums, la bourgeoisie se parle à elle-même. « Une photographie de famille est apportée sur la table » raconte le témoin convaincu d’une séance de spiritisme en 1909. L’esprit est convoqué. Résultat sans ambiguïté : « L’examen du plat couvert de noir de fumée permet d’y lire les mots suivants : “Respectez les morts” en grec, langue ignorée du médium107. » Les portraits patrimonialisés obligent.