Il n’y a pas de costume indien

Le régime vestimentaire d’une réserve sioux (1868-1968)

DOI : 10.54390/modespratiques.325

p. 258-279

Plan

Texte

Il y a vraisemblablement toujours eu de la mode chez les Indiens d’Amérique, du moins si l’on entend par là une variation stylistique du vêtement dans le temps et dans l’espace. La recherche anthropologique a dès le début du xxe siècle mis en évidence la circulation de coupes et de motifs ornementaux entre groupes tribaux, par exemple dans les Grandes Plaines américaines, qui a permis de distinguer – à grands traits – des périodes dans un passé qui était loin d’être immobile. Avant comme après le « contact » avec les Européens, motifs et techniques se sont transmis entre groupes, non sans prendre en compte au passage des droits de propriété personnels1.

Dès les premières décennies qui ont suivi le « contact », « Blancs » et « Indiens » ont prêté une attention toute particulière à leurs vêtements et parures respectives. Les échanges commerciaux et les mariages ont occasionné l’apparition de costumes composites où se sont formés des goûts indigènes pour les importations européennes, résultant dans une sélection des tissus, coupes et assortiments répondant à des critères particuliers. Dès le xviiie siècle, ces goûts affirmés ont permis de constituer un véritable marché indien dans certaines industries comme celle de la couverture, et ce jusqu’au cœur du xxe siècle2.

Qu’on la définisse simplement comme une variation stylistique dans le temps ou plus spécifiquement comme une spécificité européenne associant dans un renouvellement périodique consommateurs, commerçants, publicitaires et industriels, la mode n’a pas donc attendu le xxe siècle pour pénétrer dans la vie des familles et des groupes indiens. Si la période contemporaine vaut qu’on s’y arrête particulièrement, c’est parce qu’elle nous permet de voir à quelles conditions des populations soumises et reléguées dans des réserves ont pu continuer de s’approprier la mode euro-américaine, malgré l’isolement géographique (relatif), la pauvreté (fréquente), et le paternalisme (omniprésent) de l’État fédéral américain et des Églises chrétiennes qui s’étendait volontiers au vêtement. Il ne s’agit pas ici de décrire abstraitement un costume ou une mode indienne « de réserve », et ce d’abord parce que tous les groupes indiens, même s’ils sont soumis à des conditions de vie similaires, ne partent pas du même point.

Une enquête à l’échelle d’une réserve, celle du territoire sioux de Standing Rock, situé à cheval sur les États du Dakota du Nord et du Dakota du Sud, permet de saisir la création de traditions vestimentaires locales ancrées dans des cultures spécifiques et de mettre en évidence comment, dans la vie quotidienne des individus, sont négociées les pressions que les Euro-américains exercent sur le costume des Indiens. Vêtement rural, de pauvre, à la mode, ou passéiste : le vêtement indien dans les réserves est tout cela à la fois. Mais, ayant renoncé à l’idée qu’il y aurait un style ou une mode spécifique aisés à définir une fois pour toutes, nous voudrions observer, dans les réserves, comment s’est développé un régime vestimentaire particulier, né de la colonisation. Car en général ce n’est pas le vêtement lui-même qui y est indien, ni même ses composantes, mais ses pratiques, la manière dont il joue dans les relations sociales et la vie des individus, au sein des sociétés très spécifiques des réserves.

Un agent de « civilisation »

De la masse ordonnée qui vient se faire recenser à Fort Yates, au siège de l’agence du Bureau des Affaires Indiennes (B.I.A.), n’émergent d’abord que des chapeaux. En cette année de la décennie 1880, la réserve de Standing Rock regroupe plus de 3 000 Lakotas et Dakotas, des Sioux, récemment « pacifiés ». Le photographe D. F. Barry, venu de la ville de Bismarck, située à 100 kilomètres au nord, dans le territoire du Dakota, en tire un portrait de groupe solennel. Au centre de la photographie, la table où est assis le recenseur, l’agent du B.I.A., en veste et melon. Derrière lui, sa femme qui est aussi son interprète, chapeautée comme lui. Au bout de la table un des chefs lakotas de la réserve, John Grass, aux traits peu visibles sous son chapeau de paille. Debout, appuyé à une deuxième table, un autre chef, Gall. Derrière les deux leaders, leurs femmes.

L’habit de citoyen

Le recensement est l’occasion d’affirmer un rang et de mettre en scène un ordre. Celui-ci, à l’évidence, est vestimentaire. Hors des personnages centraux, peu sont identifiables, d’autant que les costumes se ressemblent. Les femmes, enveloppées dans leurs couvertures sont-elles à l’écart ? Mais alors que les hommes prennent toute la place sur le cliché, un groupe d’entre elles, revêtues de tabliers, apparaît clairement sur le côté droit : ce sont les employées du pensionnat de Fort Yates, à côté desquelles on a placé, en rang d’oignon et en costume d’écoliers identiques, leurs élèves. Ces enfants et leurs maîtresses viennent représenter l’avant-garde de la civilisation. La correction de leur mise atteste le sérieux des enseignants du B.I.A. Elle montre toute l’importance, pour l’État américain, de la conformité vestimentaire d’une population qu’on disait encore il y a peu à demi-nue, peinturlurée et emplumée3. Le vêtement de type européen est gage de paix et d’assimilation, il les signale ou les anticipe. Pantalon, chapeau, gilet, chemise et veste forment au demeurant un ensemble qu’on appelle, lorsqu’il est porté par les Indiens, « l’habit de citoyen ». Autant dire un drapeau blanc – ou le symbole d’une sujétion, car l’essentiel des vêtements portés par les Indiens au premier plan leur ont sans doute été donnés par l’État au titre des indemnités qu’ils perçoivent pour avoir cédé certaines de leurs terres, par traité. Dans le fond de l’image, on voit les policiers indiens qui surveillent le bon déroulement des opérations. Ici et là, un uniforme de soldat. Mêlés à ceux qui sont venus se faire recenser, des Blancs, hommes et femmes, qui habitent le fort ou l’agence, et posent (parfois) dans les costumes variés de l’employé, du pionnier, du fonctionnaire.

Dans ce contexte colonial, tous les vêtements visibles seraient-ils des uniformes ? En tout cas le vêtement distingue Indiens et non-Indiens. Même en habits de citoyens, les Indiens ne « passent » pas pour blancs. Il est également évident pour les groupes en présence qu’il y a une manière « indienne » de s’habiller qui distingue Sioux et colons et redouble. Même si le « style » indien se caractérise avant tout par sa diversité, on identifie un article distinctif : la couverture. C’est ce dont témoigne, près de cinquante ans plus tard, Mme Aaron Wells, femme d’un agent « sang-mêlé » du B.I.A. : « les Indiens portaient toutes sortes de vêtements, salopettes, chemises (la plupart laissaient dépasser leurs pans de chemises pardessus leurs pantalons), chaussures ou mocassins, surplus militaires, pantalons, leggings, chaps en peaux tannées. Certains coiffaient leur tête de chapeaux, d’autres de casquettes ou de tissus. Ils étaient tous habillés différemment, à ceci près qu’ils portaient tous des couvertures sur leurs épaules, y compris les hommes4. » Ce n’est pas seulement que les Indiens s’habilleraient en Indiens, selon une mode qui leur serait propre ; ils témoigneraient aussi d’un individualisme qui ferait de chaque costume une composition particulière et idiosyncratique.

Effectivement, la masse bien groupée de cette photographie dissimule des individus dont le vêtement n’est jamais identique. Le cliché révèle, à la loupe, ce qui peut sembler relever de régimes vestimentaires différents. Des visages et des corps sont drapés dans des couvertures, des pieds chaussés de mocassins, des chapeaux coiffés de plumes, des toques de fourrure, de turbans. Certains habits de citoyens sont plus raffinés que d’autres. La variation du vêtement s’associe parfois à des indices clairs d’indianité. Au premier plan, à la droite de l’agent, un homme présente un calumet et un enfant tient une poignée de flèches. Loin derrière, un guerrier tient à la main une hache de guerre. D’autres restent à distance.

Des vêtements porteurs d’histoires

Cette diversité vestimentaire n’est pas seulement affaire d’humeur, de prise de position en faveur ou contre la civilisation, ou de distinction sociale. Elle correspond à des modes de production et d’acquisition divers. Les vêtements peuvent certes être reçus de l’État à la suite d’un traité, ils peuvent aussi avoir été faits à la main avec peaux ou tissus achetés aux marchands indépendants – mais agrées par le B.I.A. – dont les magasins sont installés à Fort Yates. Lorsque la réserve de Standing Rock est créée, entre 1869 et 1873, les Lakotas et Dakotas ont déjà derrière eux plusieurs décennies de contacts et d’échanges avec les Euro-américains, dans lequel le vêtement joue une part importante, comme prise de guerre, objet d’échange, de don, d’imitation5. Le vêtement est plus qu’un symptôme d’acculturation ou d’adhésion au nouveau régime : il est le produit des trajectoires individuelles diverses, même si elles aboutissent toutes à la réserve. Ce que la réserve met à l’épreuve, ce n’est pas un « vêtement indien » éternel et soudain mis à mal, mais l’évolution de la marge de manœuvre laissée aux individus pour continuer d’utiliser ce qu’ils portent pour se définir, les uns par rapport aux autres, et par rapport aux Blancs.

David F. Barry, “Census taking at Standing Rock Agency”, années 1880.

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© Denver Public Library.

W. H. Jackson, Portraits of American Indians

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Collection In The Possession Of The U.S. Geological Survey Of The Territories, c. 1876, Yale Collection of Western Americana, Beinecke Rare Book and Manuscripts.

Avant de décrire les contraintes que fait peser la réserve sur les choix vestimentaires, il importe d’expliquer ce qu’on entend ici par « individualisme ». Très tôt, les observateurs non indiens ont remarqué à la fois l’importance extrême du vêtement et de la parure chez les Lakotas, et la relation entre vêtement et histoire personnelle. La peau de bison que portent hommes et femmes en hiver, et qui sert de manteau, est décorée, pour les premiers, de motifs et de dessins reflétant leurs exploits de chasse ou de guerre. Le vêtement met ainsi en scène les prouesses de son possesseur. Associé aux tatouages et accessoires (plumes, colliers), à son cheval (peint) et à son tipi (décoré lui aussi de motifs de chasse ou de guerre), il est une possession on ne peut plus personnelle, et souvent directement liée au nom même de l’individu, lui-même commémoration d’un exploit. Les éléments de vêtement et de parure reflètent aussi l’appartenance à des groupes constitués, des sociétés de guerriers ou de chefs par exemple, auxquels sont attachés devoirs et privilèges. De ce lien entre exploits individuels, statut et vêtement, la coiffe dans laquelle chaque plume signale un « coup », c’est-à-dire un exploit homologué, est le symbole le plus fort, et le plus connu des non-Indiens6. Si vêtement masculin et féminin sont clairement distincts, ce n’est pas parce que le second suivrait un régime différent. Pour les femmes aussi, les motifs des robes sont hérités ou acquis à la suite d’expériences personnelles, notamment de rêves. Elles peuvent d’ailleurs également narrer les exploits de parents mâles7. Le caractère central du vêtement dans la définition sociale des individus apparaît clairement dans son usage en situation périlleuse. Un guerrier peut partir au combat revêtu de ses plus beaux habits pour provoquer l’ennemi ou mourir avec les symboles de sa dignité8. Le corps d’un chef sera également habillé de ses plus beaux habits à sa mort9.

“Graduating Class, 1912, Carlisle Indian School”, publiée dans The Red Man, vol. 4, no 9, mai 1912.

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Le vêtement lakota est ainsi le produit et le vecteur d’une compétition pour les honneurs, et de la nécessité de se « faire un nom », pour soi et pour sa famille. Il est aussi profondément biographique, en ce qu’il est associé à des épisodes de vie qu’il commémore ou remémore à son porteur comme à ceux qu’il croise, ce qui en fait un support de récits ou de chants qui en expliquent l’origine et la signification. Produit dans le cadre familial et décoré par les porteurs eux-mêmes, il pourrait difficilement être plus personnel. Pourtant, parce qu’il s’inscrit dans une culture des Plaines centrée sur la guerre et la chasse à cheval dont les représentants s’opposent vigoureusement aux Euro-américains venus de l’Est, il devient aussi un symbole d’indianité générique pour ces derniers au cours des premières décennies du xixe siècle. Une critique américaine du « dandysme » sioux se développe, qui va de la moquerie à peine perceptible à une satire de la vanité sauvage. L’ironie est par exemple très présente chez les soldats, qui ridiculisent les coquetteries de « petites filles » des guerriers sioux10.

À l’aube de la relégation en réserve, dans les années 1860, le mode de production de ce costume est déjà mixte. L’essentiel est encore fabriqué dans le cadre familial, essentiellement à partir de matériaux animaux, mais manteaux, chemises, chapeaux et surtout couvertures, issus des usines d’Europe de l’Ouest et des États-Unis, ont commencé de faire leur apparition dans le costume lakota depuis la fin du xviiie siècle. Comme cela a été le cas ailleurs plus à l’est en Amérique deux siècles plus tôt, l’introduction de nouveaux vêtements n’est suivie que très partiellement de celles de nouvelles normes vestimentaires. Elle ne suppose même pas la fréquentation de Blancs, les marchandises transitant par des intermédiaires indiens. De plus, même en coton, les robes commencent par respecter le patron des vêtements de peaux11. Quant aux articles de prestige, donnés en cadeaux par les Blancs, ils font l’objet d’usages essentiellement cérémoniels.

Avant/après

Ce sont les chefs qui, les premiers, font l’objet de tentatives américaines de changer leur costume. D’abord, une nouvelle pièce (chapeau, chemise, veste, etc.), donnée ou échangée, est simplement ajoutée au costume, pour un usage pas toujours durable. Les chefs indiens en visite à Washington pour négocier traités et accords repartent chargés de cadeaux, parmi lesquels des costumes complets, souvent militaires et toujours à la dernière mode. Au cours des mêmes séjours, ils se laissent tirer le portrait, seuls ou en groupe, dans leurs nouveaux habits. La pratique associe photographie et reconnaissance par l’État de leur statut de chef, ce dont témoigne le vêtement. Le voyage à Washington contribue aussi à incorporer le regard désapprobateur voire humiliant porté sur le vêtement indien par les Blancs, notamment la honte de le porter devant les non-Indiens12. Même s’il est souvent abandonné après le retour au pays, le vêtement « blanc » se charge ainsi d’une signification politique et d’une charge émotionnelle fortes.

Lorsque les populations lakotas sont contraintes de gagner les réserves au cours de plusieurs campagnes militaires, entre 1868 et 1882, le vêtement est clairement identifié comme un des enjeux des rapports sociaux, et non plus seulement diplomatiques ou guerriers, qui vont être noués entre Indiens et non-Indiens, mais aussi entre Indiens eux-mêmes. Les individus issus de couples « mixtes » (Indien-Blanc), appelés « sang-mêlés », voient leur identité personnelle et collective liée à leur usage du vêtement blanc. Plus généralement, dans les réminiscences ultérieures des Lakotas « sang-mêlés » ou « sang-pur », l’installation sur la réserve est étroitement associée au fait de « devenir blanc », qui passe lui-même par des actes symboliques parmi lesquels le fait d’arborer un vêtement « blanc » ou de se couper les cheveux13. C’est en partie résolution personnelle, en partie réponse aux demandes pressantes des Américains, qui pensent la réserve comme un espace de transition vers la civilisation. Même si la date varie en fonction des individus, il y a bien un avant et un après dans les itinéraires individuels et collectifs, délimités par l’adoption, même partielle, du costume euro-américain. Pour les femmes, la transition semble s’être faite en douceur, le tissu ayant été déjà largement approprié et les robes respectant les canons indiens. Pour les hommes, on trouve par contre des interprétations de cet événement comme une forme de mort symbolique, du moins de dégradation et d’émasculation, en tout cas comme un renoncement à une vie libre. Le vêtement de citoyen n’est en effet que la forme la plus prestigieuse d’un changement vestimentaire lié à l’adoption de ce qui, pour les hommes lakotas, est souvent considéré comme un mode de vie féminin : l’agriculture. Le costume des Indiens forcés de s’installer sur les réserves incorpore rapidement des vêtements de travail agricole comme la salopette. Il devient ainsi le support et le moyen d’une forme d’ingénierie sociale pilotée par l’État américain et soutenue par les Églises chrétiennes, qui promeuvent le travail comme outil de rédemption et d’incorporation à la majorité blanche de la population américaine. La photographie d’Indiens en habits de citoyens se banalise alors. Son interprétation fonctionne elle aussi suivant le schéma « avant/après », soit parce qu’elle sous-entend la transformation : on montre un Indien en costume « blanc », c’est donc qu’il a abandonné son mode de vie « sauvage » et avec lui son vêtement traditionnel ; soit parce qu’elle la met en scène : dans les pensionnats ouverts pour les jeunes Indiens, les premiers arrivés font l’objet d’une photographie « en sauvages », puis d’une autre en uniforme d’étudiants.

Publicité pour “The Big Store” (Fort Yates)

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Sioux County pioneer, 28 mai 1915, p. 1

Frank B. Fiske, “The Big Store”, années 1900

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Société historique du Dakota du Nord, 1952-0428.

En terre indienne, ce sont d’abord les missionnaires qui entreprennent d’enseigner aux Lakotas les normes vestimentaires liées à ces nouveaux costumes. L’identité des religieux est elle-même intimement liée à l’habit qui permet aux Indiens de les identifier, et notamment de distinguer les « robes noires » catholiques des « robes blanches » épiscopaliennes. Les missionnaires ne font d’ailleurs pas mystère du rôle d’une véritable « conversion vestimentaire » dans leur conception de l’évangélisation. S’y ajoute des éléments nouveaux en terre indienne : pour leurs ouailles dans les réserves, privées de ressources et qui se tournent vers eux comme vers des figures paternelles dispensatrices, les missionnaires sont souvent des sources de nourriture et de vêtements autant que l’État. Ils échangent ceux-ci contre l’observance du service religieux ou le respect de normes sociales chrétiennes, comme celles qui ont trait au mariage14. La renonciation aux symboles de la masculinité lakota est avant tout encouragée comme une renonciation à un mode de vie païen, mais les missionnaires mettent aussi le vêtement au service d’une réforme plus intérieure. Dans la droite ligne d’une éducation middle class, ils font du soin du vêtement un reflet de la valeur morale des individus. Propreté et repassage deviennent ainsi des critères de la fréquentation de leurs écoles mais aussi de l’Église. Dans ces deux cadres, le vêtement fait l’objet d’un enseignement et d’une incorporation qui mêlent étroitement éthique du travail et rituels chrétiens. Dès les années 1880, des associations chrétiennes séparant hommes et femmes servent également à promouvoir un nouveau type de distinction des genres par le vêtement. Le châle et le foulard, déjà présents chez les femmes lakotas, deviennent ainsi un symbole de respectabilité chrétien. Pour elles, les associations promues par les Églises sont aussi des lieux où est pratiquée la couture, les vêtements produits faisant l’objet d’un rapport aux autorités religieuses, ou de concours dans les foires agricoles. L’Église est aussi le lieu de promotion d’un vêtement « du dimanche15 ». Compter le nombre d’Indiens vêtus comme des Blancs et évaluer leur production de vêtements à la mode américaine représente un moyen élémentaire d’évaluer l’efficacité du travail « civilisateur », et pas seulement pour les Églises16.

Car pour le B.I.A. aussi, montrer des Indiens en habits de citoyens est un moyen puissant de contrer les critiques qui dénoncent le coût de son action et son inefficacité, en prenant pour preuve les corps encore « à demi nus » des Indiens à sa garde17. Entre 1868 et la fin du xixe siècle, l’État remplace peu à peu les groupes religieux comme instigateurs principaux d’une politique de civilisation des Indiens dans les réserves lakotas. Il dispose pour cela du bâton de la force armée, comme de la carotte que représente la distribution de biens. Sans se substituer entièrement à la charité des Églises, l’agent du B.I.A. assume un rôle de dispensateur comparable à celui du missionnaire, mais appuyé sur un budget bien plus considérable. Le recensement auquel se prêtent les individus rassemblés sur la photographie de D. F. Barry permet d’ailleurs d’évaluer les besoins de la réserve, et il s’accompagne vraisemblablement d’une distribution de rations alimentaires mais aussi de vêtements ou de coupons de tissu. La conversion vestimentaire est donc comprise par les Indiens comme l’élément d’une transaction qui les lie à l’État et qui oblige l’État envers eux. Pour les Lakotas, c’est l’article 8 d’un traité signé à Fort Laramie en 1868 qui stipule le droit « pour chaque mâle de plus de 14 ans, à un costume de laine, bonne et robuste, comprenant manteau, pantalon, chemise de flanelle et pair de chaussettes faites main. Pour chaque femme de plus de 12 ans, une chemise de flanelle ou le matériau permettant d’en tailler une, une paire de bas en laines, 12 yards de calicot, et 12 autres de cotons domestiques (cotton domestics). Pour les garçons et les filles d’âge inférieur, la quantité de flanelle et de coton nécessaire à la confection de ce type de costume, et d’une paire de bas18. » Comme dans le cas des missionnaires, ce droit à une attention vestimentaire est d’abord ressenti comme un lien à des pères symboliques : agent de la réserve, président des États-Unis, tenus de nourrir et habiller leurs enfants indiens. Mais ce lien fait très vite l’objet de fortes restrictions, au prétexte de développer l’indépendance économique et l’esprit d’entreprise des Lakotas.

Nouvelles expressions de l’individualité

Les moments de grands rassemblements sont des occasions de mettre en scène ces changements. Mais c’est dans les écoles du B.I.A. que l’on enseigne l’usage orthodoxe des habits et des tissus « blancs », et la morale qui s’y rattache. L’enseignement de la couture, en particulier, est conçu comme le moyen d’enseigner l’économie et la création d’un capital. Il est lié à une « science domestique » qui prétend former les jeunes femmes à un usage rationnel des ressources ménagères, supposant l’usage de l’anglais, de l’écrit, du chiffre et du livre dans la préparation des patrons et des comptes.

Il est censé également inculquer un nouvel individualisme, fondé sur les performances au travail et l’idée d’une autonomie vis-à-vis des largesses de l’État. On y encourage de nouvelles attitudes par rapport au corps, qui valorise propreté et droiture19. Des repoussoirs sont construits : drapé de la couverture, emmaillotement des enfants, vêtement sale, froissé, déchiré, ou flottant parce que distribué par l’État ou les églises20. Le « raffinement du goût » est conçu comme un processus d’amélioration de soi, mais étroitement limité : le mode de vie dans lequel le vêtement doit s’insérer est rural, l’horizon la « nature sauvage » (wilderness) des Grandes Plaines. La modernité vestimentaire, autrement dit le sens de la mode, est donc paradoxalement tenue à distance. Les fonctionnaires et enseignants du B.I.A. sont eux-mêmes soumis à des normes de représentation qui rendent impérative une sobriété vestimentaire pour tous, et pour les femmes en particulier. Le stéréotype du sauvage « à la dernière mode », né des visites à Washington, pèse, de même que la critique de la vanité vestimentaire indienne, et la promotion de l’autarcie, qui s’accompagne d’un rejet des transactions financières avec les marchands « blancs ». Comme en d’autres contextes coloniaux, les Indiens trop assimilés peuvent également paraître menaçants – surtout les « sang-mêlés21 ». Malgré les critiques de ceux qui soulignent le confort de certains articles vestimentaires indiens, comme les mocassins22, l’insistance sur l’adoption du costume complet ne sera jamais vraiment abandonnée dans les écoles de l’État. L’homme indien « revenu à la couverture » après son passage par l’école demeure jusqu’aux années 1920 le symbole de l’échec de l’assimilation.

Des plumes sur un chapeau : bricolages indiens

Faut-il en conclure pour autant que toute adoption du vêtement « blanc » est le produit d’une contrainte, ou même que les significations qui lui sont attachées par fonctionnaires et missionnaires sont universellement adoptées par ceux qu’ils visent ? Les témoignages insistant sur la diversité des styles suggèrent que, malgré la contrainte, voire à travers elle, le vêtement continue de refléter des choix individuels qui ne sont pas seulement négatifs. De même que certains font le choix conscient de « devenir blanc », de même le vêtement qu’ils adoptent indique une conception particulière de ce qu’est « être blanc ». Les plumes sur les chapeaux ne sont pas nécessairement des symboles de résistance ; elles sont les signes que de nombreux individus inventent une manière d’être indien et blanc en même temps, que le vêtement, en d’autres termes, permet sous certaines conditions de concilier l’inconciliable. C’est vrai aussi de ceux dont l’occupation professionnelle implique le port d’un uniforme et qui pourraient sembler les moins à même d’exprimer une différence à travers leur vêtement. D’une part, les Indiens qui deviennent policiers, soldats, ou membres d’un des nombreux clergés chrétiens présents dans la réserve ne se voient pas imposer leur vêtement : ils choisissent de le porter, et de braver, ce faisant, l’éventuelle hostilité de leurs parents et voisins23. Choix de la profession et choix d’un vêtement sont intimement liés. D’autre part, la distinction que permet le vêtement religieux ou l’uniforme militaire dépasse la valeur d’affirmation d’un engagement du côté des « Blancs ». Elle permet de recréer des statuts en partie informés par des valeurs indiennes. Le changement vestimentaire peut ainsi permettre d’étonnantes continuités.

Dans le cas des Lakotas, le vêtement clérical, bien qu’étranger, est par exemple très vite investi d’une valeur qui doit beaucoup à des schèmes d’interprétation autochtones. Son porteur n’est pas seulement respectable parce qu’il s’appuie sur le pouvoir des Blancs. Il est aussi empreint d’une sacralité indienne. Certes, tous ne la respectent pas. En 1889-1890, à Standing Rock comme ailleurs dans les Plaines, la révolte de la Danse des Esprits, partie de l’Utah, se manifeste par l’adoption de « chemises des esprits » et le rejet de l’habit blanc24, même si le matériau choisi pour le nouveau rituel, du coton, vient lui-même des non-Indiens. La répression qui s’en suit, en 1890, ne mène pas seulement à la mort de Sitting Bull et au massacre de Wounded Knee. Elle renforce aussi le contrôle qui pèse sur les danses, principale occasion d’arborer des vêtements indiens maintenant devenus « traditionnels », c’est-à-dire symbolisant la vie d’avant les réserves. En même temps, les négociations avec l’État américain qui précèdent cet épisode de conflit indiquent des appropriations-assimilations indiennes de représentations blanches du vêtement. En 1888, un chef yanktonai peut ainsi désigner les négociateurs blancs comme « revêtus de la puissance d’en haut », expression particulièrement riche puisqu’elle applique une citation des Évangiles (Luc 24:49) à des représentants de l’État, et fait signe vers une conception lakota associant pouvoir, sacralité, et vêtement25. L’adoption d’un vêtement « blanc » a beau être pensée comme une forme de conversion, elle n’écrase pas toutes les significations antérieurement associées au vêtement. L’uniforme de policier peut ainsi, dans certains cas, être interprété comme une marque de distinction comparable à celles auxquelles avaient droit les membres des sociétés de guerriers qui structuraient la sociabilité des hommes lakotas avant la relégation en réserve.

Frank B. Fiske, “Josephine Gates Kelly”, années 1900.

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© Société historique du Dakota du Nord, 1952-1051.

Frank B. Fiske, “Harry Poor Dog and Rose High Cat wedding”, 1931.

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© Société historique du Dakota du Nord, 1952-0615.

The Big Store

La possibilité de choisir un vêtement et donc de construire des normes vestimentaires s’accélère au début du xxe siècle. Alors fermement installée dans le système scolaire, la norme associant vêtement blanc, respectabilité middle class et sobriété rurale est pourtant très vite mise à mal dans les réserves. D’une part, la possibilité de contrôler le vêtement des Lakotas repose plus sur leur pauvreté que sur l’efficacité pédagogique du B.I.A. D’autre part, ce contrôle est sérieusement limité par l’existence de modèles alternatifs et d’une offre d’achat sur laquelle le service fédéral n’a pas toujours prise. Certes, la plupart des achats faits par les Indiens doivent être approuvés par l’agent du B.I.A. Il n’empêche. Les pensionnats situés hors des réserves et à proximité des métropoles de l’Est servent de pépinières pour l’importation de modes vestimentaires urbaines. À Standing Rock, à partir des années 1910, la présence de colons et de marchands transforme la société de la réserve, et procure à ses habitants de nouveaux modèles et contre-modèles, et de nouvelles sources d’approvisionnement qui permettent à certains individus d’accéder à une consommation plus complexe.

Ce changement démographique renforce la division géographique entre Indiens vivant à proximité de colons blancs et Indiens plus isolés. Mais pour tous les Indiens capables de transformer leurs ressources foncières ou leur labeur en argent, Fort Yates, relié à la ville moyenne de Bismarck par un service de diligence régulier et par le train, devient le lieu d’approvisionnement en biens venus de Saint Paul-Minneapolis ou Chicago. Une boutique en particulier, The Big Store, concentre tissus, confection, chaussures et châles. Loin d’être exclusivement destinée aux Blancs, elle propose son luxe à tous. Agréée par le B.I.A., elle est un lieu d’achat régulier pour tous les Indiens qui se rendent en ville « pour affaire », c’est-à-dire pour recevoir du dit Bureau l’argent qui leur est dû et procéder à leurs achats. En 1910, une familière des lieux rapporte avec fierté l’offre vestimentaire dans la ville, ses « soieries délicates, chaussures d’excellente qualité, et bons vêtements », et prend soin de signaler que c’est d’abord sur le manteau d’une femme indienne qu’elle a repéré le pli latéral caractéristique de la mode cette année-là – même si, à la différence des « blanches », les « indiennes » ne portent pas de chapeaux et sont toutes vêtues d’un châle26. Le texte n’est pas innocent : il invite les Blancs de l’Est à reconnaître le caractère éminent civilisé d’une région qu’ils associent encore – à tort selon l’auteure – à la sauvagerie, voire à y émigrer. Malgré l’isolement et le sentiment « d’être sur une île », la mode est là, signalant la continuité avec le monde urbain : c’est donc que la « Frontière » n’existe plus. L’auteure, fille d’un marchand local, bien que partisane, est bien informée. Les exemples d’Indiens au fait de la mode ont laissé des traces.

“Family in front of their house”, 1938, RG 75.

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© Archives nationales des États-Unis.

“Indian women and young girls in front of tents”, 1938, RG 75.

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© Archives nationales des États-Unis.

À plumes et à fleurs

Josephine Gates Kelly offre un bon exemple de la manière dont le vêtement peut refléter la maitrise de codes vestimentaires que déploient alors certains Indiens de Standing Rock. Née en 1888, petite-fille d’un chef installé dans le nord de la réserve dont la fille a épousé un « sang-mêlé », elle fréquente pendant sept ans un pensionnat de l’Est. À son retour elle travaille dans l’administration de l’un des comtés créés sur le territoire de la réserve, devient employée d’un autre sang-mêlé, son beau-frère, dont la boutique est située dans une autre ville à majorité blanche de la réserve, McIntosh, et s’y marie à un Irlandais27. Cette trajectoire de « sang-mêlé » en situation d’utiliser éducation et relation familiales pour bénéficier, comme ses parents avant elle, des rares emplois non administratifs de la réserve, se traduit en images. La photographie qui la représente dans les années 1900 en grand chapeau à plumes et à fleurs, robe ajustée à col serré, veston à revers brodé est à l’évidence une production de prestige. Gates Kelly ne possède peut-être pas tous les vêtements qu’elle porte. En revanche, elle en connaît l’usage : la photo révèle sa maîtrise du vêtement comme objet de représentation. Nul motif indien ne vient l’identifier comme sioux. Seul un médaillon, qui semble être gravé à ses initiales, signale discrètement son identité personnelle. Mais la photographie lui permet de se mettre en scène dans sa correspondance ou à l’intérieur du foyer familial, où se trouvent déjà les photos en « habits indiens » de sa mère, ou en « habit de citoyen » de son père, issue du même studio de photographie de Fort Yates. Dans le cas de Josephine, la pratique, développée au pensionnat où d’autres photos d’elle ont été prises, vient dans la réserve à l’appui de distinctions vestimentaires qu’elle redouble et pérennise (car le vêtement riche, comme la prospérité qu’il signale, peut disparaître, être vendu ou rendu à son propriétaire). Mais le médium n’implique pas l’usage du vêtement « blanc » : d’autres que Gates Kelly font le choix de se laisser représenter en robe indienne décorée de coquillage et colliers d’os – voire y sont encouragés par des photographes blancs.

La pauvreté vestimentaire pour identité ?

Charité d’État

Quarante ans après le recensement de Fort Yates, l’irruption coloniale d’un vêtement et d’un mode de vie étranger a-t-elle créé une distinction fondamentale entre Indiens capables de manipuler les codes et d’étoffer leurs garde-robes et les autres ? Il est clair que tous n’accèdent pas également – si tant est qu’ils le souhaitent – à l’offre vestimentaire qui leur est faite. Au moment où Josephine Gates Kelly se fait photographier, d’autres habitants de la réserve en sont réduits à mendier leur vêtement. William Cross habite à Wakpala, dans le sud du territoire. En 1914, il s’adresse aux plus hautes autorités du B.I.A. « Je suis un simple Indien (ikce wicasa lakota) », explique-t-il, avant de détailler son costume composite : mocassins, bas, pantalon (rapiécé), maillot de corps et chemise (trouvés, il ne dit pas où), veston (donné par un missionnaire), manteau (prêté à une connaissance et perdu par elle), pardessus (donné par « des blancs »), gants (en cuir de cheval). Il demande des vêtements pour lui-même et une robe et un châle pour sa femme28. Sa démarche correspond à un stéréotype social entretenu et manipulé à l’occasion par Blancs et Indiens : le vieil Indien, isolé et appauvri, qui ne pourrait survivre sans les subsides de l’État. Alors que d’autres parviennent effectivement, au seuil des années 1920, à s’émanciper du vêtement donné par le gouvernement fédéral, celui-ci apparaît de plus en plus comme une forme de secours nécessaire pour toute une partie de la population de la réserve qui ne parvient pas à tirer profit du nouveau mode de vie agricole. Les pensionnats dans ou hors de la réserve jouent le rôle de services sociaux de substitution. De nombreuses familles y envoient les enfants pour qu’ils mangent correctement et y soient bien habillés et, de leur côté, les directeurs de ces institutions veillent à l’occasion à ce que leurs élèves n’usent pas les vêtements qui leur sont fournis, pour pouvoir les ramener chez eux aux vacances annuelles29.

Le vêtement en Dépression

Dès 1921, alors que les prix agricoles élevés de la Première Guerre mondiale ne sont plus qu’un souvenir, l’économie de Standing Rock entre en récession, le nombre des ceux qui ont besoin de ces aides s’accroit, et l’enjeu que représente le vêtement des Indiens à Standing Rock change pour s’articuler autour de leur pauvreté. Tous portent le vêtement blanc, mais le nombre de ceux qui le doivent à la charité de l’État ne diminue pas, voire augmente pendant les années maigres de la décennie 1920 et plus encore avec la Grande Dépression. En quelques années, certains individus perdent leur indépendance financière et changent de rapport au vêtement. En 1931, Harry Poor Dog est encore capable de porter (et de se faire prêter comme en témoigne peut-être le revers du pantalon) costume et chaussures cirées qui lui permettent de déployer une respectabilité chrétienne et middle class devant les marches de l’Église où il se marie. Deux ans plus tard, ce n’est plus le cas. Poor Dog écrit à Lynn Frazier, représentant du Dakota du Nord au Congrès, pour demander nourriture et vêtement. Dès 1932 déjà il a reçu couverture, sous-vêtements, chaussettes, mitaines et gants, pull, bas, chaussures, culotte bouffante pour femmes, et coupons de tissus imprimés, pour lui et sa famille. Cette assistance est donnée par l’État, sous forme de surplus militaires, et par la Croix rouge. Il en demande plus30.

La Grande Dépression voit l’aboutissement d’un long processus, qui débute à la fin des années 1910, de décrochement des exploitations agricoles indiennes qui ne suffisent plus à nourrir les familles. Suspecté de se tourner indûment vers l’État, Poor Dog n’est plus, pour l’agent local du B.I.A., un Indien qu’il faut aider à se convertir à la civilisation, mais un individu soupçonné de profiter d’un système de sécurité sociale réservé aux Indiens dont l’agence fédérale s’efforce de limiter l’accès aux seuls indigents alors que les besoins se multiplient. Les employés du B.I.A. accusent volontiers leurs ouailles indiennes de dépenser leurs faibles pécules dans des achats somptuaires comme les bas de soie. L’Indien « revenu à la couverture » est remplacé par l’Indien « dépendant », incapable de se passer d’une aide extérieure pour survivre.

Deux photos prises à Standing Rock en 1938 dans le cadre d’une enquête du Sénat mettent en évidence cette pauvreté vestimentaire en la liant, selon une tradition qui date du début du siècle, au délabrement ou au caractère primitif du logement. Dans le premier cas, le photographe réalise un portrait de famille qui rapproche les Indiens des millions d’autres Américains pauvres et ruraux touchés par la sécheresse, immortalisés par les photographes mobilisés par les agences fédérales comme Dorothea Lange par la Farm Security Administration31. La maison à ossature recouverte de lattes, symbole d’assimilation jusque dans les années 1920, à présent en mauvais état, est devenue symbole de pauvreté rurale, tout comme les robes imprimées des femmes ou les salopettes des hommes. Dans le deuxième cas, l’assimilation entre vêtement et logement est plus complète encore : la tente qui abrite une mère de famille et ses deux filles est isolée tant bien que mal avec une couverture, et c’est également avec une couverture que cette femme se protège du froid. Autrefois symbole de résistance passive au progrès, la couverture devient alors symbole d’un scandale : l’abandon supposé des Indiens par l’État, leur régression sociale, et leur marginalisation au sein de la nation américaine.

Le régime vestimentaire de la réserve

Et pourtant, à côté d’une approche sociologique liant occupation, patrimoine et revenu, et vêtement, ou strictement économique, articulant conjoncture et vêtement, on voudrait insister ici sur l’existence d’un régime vestimentaire propre à la réserve, qui n’est réductible ni à des choix stratégiques personnels, ni à des questions de pauvreté, et qui se révèle pleinement aux anthropologues entre les années 1930 et 1950.

Frank B. Fiske, “Josephine Gates Kelly”, années 1940  ?

Image

© Société historique du Dakota du Nord, 1952-2040.

Le point de vue des anthropologues

La pionnière de l’attention aux changements culturels, Margaret Mead, publie en 1932 une ethnographie des Indiens Omaha, où elle se montre particulièrement attentive aux questions vestimentaires32. Bien que consciente des problèmes liés à la pauvreté, Mead replace les vêtements dans des événements sociaux qui complexifient la vision simpliste qu’en ont les agents du B.I.A., obsédés par l’idée d’une déchéance indienne exprimée par le vêtement. Certes, elle débusque avant tout dans la diversité vestimentaire le signe d’une dissolution culturelle : les cultures indiennes « pures » sont réduites à des survivances, à des valeurs qui opèrent encore malgré la pression des non-Indiens. Mais Mead est également attentive à la manière dont un contrôle social se met en place pour imposer une norme vestimentaire originale. Lors des danses collectives, les jeunes, qui valorisent la mode « blanche » et prennent soin de le montrer à leurs aînés pour mieux affirmer leur indépendance, abandonnent temporairement leur costume de confection, « soudain devenu trop visible et inapproprié », et adoptent celui de leurs mères et de leurs pères. Le costume indien d’avant la réserve est toujours montré et fait l’objet de « démonstrations » visant à déployer une identité indienne – ainsi dans le second portrait de Josephine Gates Kelly, qui date des années 1940, une époque où elle devient la présidente du conseil tribal de la réserve, et où elle arbore une robe de peau à motifs perlés sans doute héritée de sa mère, experte de cette technique. Ces héritages familiaux sont conservés précieusement. Mais le costume des premières générations à adopter le vêtement blanc est à son tour considéré comme « traditionnel ». Alors que dans le passé, le matériau importé était adapté à la coupe indienne, c’est maintenant l’inverse : les vêtements peuvent dorénavant respecter la mode « blanche » mais être conçus en matériaux indiens, et donc considérés comme traditionnels33.

Old ways, new ways

À Standing Rock, Ella Deloria, anthropologue sioux écrivant dans les années 1930, a laissé des notes révélatrices de la manière dont ce régime vestimentaire générationnel « fonctionne » émotionnellement. Elle décrit le fatalisme des plus âgés vis-à-vis de modes vestimentaires, qu’ils n’approuvent pas mais sont impuissants à contrôler, mais également leur capacité à exercer un certain contrôle par le ridicule lorsque une jeune femme passe à la hâte sur ses vêtements modernes une robe « à l’ancienne34 ». Bien qu’elle considère ce type de contrôle social comme en pleine régression au moment où elle écrit, la remarque de Deloria confirme un phénomène noté par les agents du B.I.A. : l’adoption de vêtements, quels qu’ils soient, est étroitement liée à l’insertion sociale des personnes dans les micro-sociétés des villages de la réserve, sociétés qui imposent à leurs membres un contrôle par le ridicule et la honte. De plus, ces derniers s’exercent selon des normes différentes en fonction des générations. Plus qu’une dissolution du contrôle social, c’est sa fragmentation que les observateurs mettent en avant : la conformité du vêtement est avant tout déterminée et imposée par un groupe de pairs générationnels, plus que par les proches. La honte d’avoir des parents trop familiers des « anciennes pratiques » (old ways) oriente ainsi le comportement des enfants à l’école à un âge précoce35. La mode est apprise dans les magazines36. Le port du châle devient petit à petit un signe d’âge37. Suivant une trajectoire également observable chez leurs voisins non indiens, le vêtement de travail « cow-boy » avec pantalon en denim bleu, chemise, bottes et chapeau, se détache peu à peu d’un mode de vie centré sur les chevaux et le bétail pour devenir le vêtement de la masculinité rurale, lui-même soumis à des modes38. Plus cachée encore, mais non moins réelle est la persistance de notions divergentes sur le confort, qui explique la persistance du mocassin après la Seconde Guerre mondiale ou encore le refus persistant du chapeau pour les femmes39.

Cette diversité générationnelle est particulièrement frappante dans la photographie du mariage d’Harry Poor Dog. Sur un cliché qui fait la part belle aux femmes, on voit derrière les mariés se déployer différents usages du châle, enveloppant le corps comme une couverture, enserrant les enfants pour mieux les porter, confondu avec écharpes et foulards dont on s’entoure la tête. L’uniformité vestimentaire, moins perceptible chez les quelques hommes présents, laisse aussi deviner des décrochements générationnels. Derrière la mariée, une jeune femme porte un foulard de couleur claire qui ne couvre que le haut de sa tête, et son châle laisse voir un autre foulard de même teinte noué autour de son cou. Les enfants, surtout, introduisent une note dissonante pour qui voudrait voir ces femmes étroitement contrôlées par la « tradition ». Endimanchés de manteaux clairs qui contrastent avec les châles noirs de leurs parentes, de bas, bottines et bonnets achetés chez le marchand local, les enfants donnent une idée de l’orientation affective du vêtement. Les femmes d’un âge moyen ou avancé s’en tiennent à la norme vestimentaire née aux premiers temps de la relégation en réserve, mais n’en refusent pas pour autant à leurs enfants et petits-enfants un bien de luxe qui les rapproche de la norme de la classe moyenne américaine40. Les écoles constituent bien des microcosmes suscitant leurs propres règles, où s’exerce toujours l’autorité des maîtres qui valorise propreté, repassage et assortiments harmonieux. Elles n’auraient pas cependant la capacité à imposer la compétition vestimentaire si les générations précédentes ne rentraient pas dans le jeu, ce qu’elles font avant même que les enfants n’atteignent l’âge scolaire. Gâter les enfants relève de l’intersection complexe de valeurs autochtones et importées. En accord avec une valeur lakota, rien n’est refusé aux enfants ; mais ces témoignages d’affection les insère dans le même temps dans un mode de consommation non lakota.

Elvis et Miss Indian America

Après la Deuxième Guerre mondiale, alors que les réserves indiennes ne profitent pas de la prospérité qui permet au reste du pays de renouer avec la consommation, cette compétition autour des enfants se durcit au sein des écoles. L’opposition entre enfants jugés mal habillés par leurs pairs et enfants à la mode y recoupe différences sociales et raciales. L’enfant habillé de vêtements trop associés au mode de vie rural peut y être taxé d’« Indien » ou de « squaw » par ses pairs « sang-mêlé » à la mode41. Dans les années 1960, le vêtement cristallise ainsi les tensions entre ceux qui parviennent à jouer le jeu de la mode et ceux qui, à chaque entrée scolaire, doivent encore demander l’aide du B.I.A. pour compléter leur garde-robe42. Dix ans avant le mouvement du « Red Power » qui s’associe très vite à un usage spectaculaire d’éléments de costume indien empruntés à différentes générations (plumes, bandanas, chemises brodées, chapeau de cowboy, etc.), un visiteur de passage à Fort Yates en 1957 s’étonne de trouver chez les adolescents de la ville un « double parfait d’Elvis Presley », coupes de cheveux « banane » et « pantalons flottants », ce qui le conduit à douter de l’identité des enfants qu’il rencontre : « Il fallait un effort considérable pour se rendre compte qu’ils étaient indiens. » Et d’ajouter : « Ils ressemblent plus aux enfants les mieux lotis des quartiers pauvres des grandes villes » – un contraste pour lui saisissant avec les Pueblos du Sud-Ouest qu’il connaît mieux et dont le costume, « blanc » lui aussi serait en revanche déconnecté de la mode jeune43. En réalité, cette connexion à des circuits nationaux n’affecte pas les seules jeunes, ni le seul vêtement « blanc ». C’est aussi dans les années 1950 que se formalise, dans les powwows, un circuit de promotion du vêtement indien « traditionnel » qui aboutit à la création d’un concours de « Miss Indian America », remporté en 1954 et 1955 par des habitantes de Standing Rock. Loin de disparaître, le régime vestimentaire fixé dans les années 1930 survit. Si la mode bouscule les vieilles générations, elle est aussi parfaitement intégrée aux relations sociales dans la réserve.

Parler de régime vestimentaire de réserve ne revient pas à essentialiser le costume indien, ni à tracer un itinéraire d’assimilation à des normes nationales irrésistibles. Vêtement rural et de travail, vêtement de pauvre, à la mode ou « traditionnel », l’habit des habitants de Standing Rock est soumis à des variations temporelles fortes, entre prospérité et dépression, temps de fête et temps ordinaire, école et vie domestique. La colonisation contribue fortement à ce régime. La promotion du vêtement blanc dans les Églises, les écoles, les sociétés de couture, les foires se poursuit jusqu’aux années 1970 et même au-delà. Elle s’inscrit d’abord dans un projet de civilisation qui devient ensuite un projet de développement d’acteurs économiques indépendants et de bons citoyens américains. Mais, on l’a vu, cette pression externe ne supprime jamais la possibilité de choix, d’aménagements, de sélections, même quand elle aboutit à une paupérisation parfois dramatique comme dans les années 1930. S’il n’y a pas de vêtement indien, il y a bien une variété de manières de concevoir le rôle social du vêtement dans la réserve, qui suit étroitement les lignes de faille traversant des sociétés perturbées par l’apparition d’un nouvel individualisme et d’une marginalisation économique grandissante à partir de l’entre-deux-guerres. Le vêtement fait ainsi l’objet d’une forte variation interindividuelle et intergénérationnelle. Mais la réserve n’est pas tant caractérisée par un isolement, jamais total et très tôt rompu par l’arrivée du chemin de fer et avec lui des dernières modes urbaines comme de Blancs qui les portent, que par une appropriation complexe de celles-ci, dont témoigne la photographie. Ce régime vestimentaire n’est pas seulement temporel ; il est aussi affectif, pris dans le déploiement des relations de parenté, le désir de démontrer une maîtrise des codes blancs, ou de témoigner d’une réussite personnelle. Il est aussi social : dès la création de la réserve, les individus et groupes de la réserve identifiés comme « sang-mêlés » s’approprient la légitimité vestimentaire des Blancs. Tous participent pourtant d’une manière ou d’une autre à la préservation des savoir-faire vestimentaires hérités comme à la création d’un costume traditionnel sur la base du vêtement blanc et de techniques de couture apprises à l’école, tout en sachant revêtir, dans certains contextes, des costumes « indiens » qui ne sont pas seulement du folklore. La réserve, île d’un archipel indien au sein des États-Unis mais aussi point ultime d’avancée d’un mode de vie américain dans « l’Ouest », est un espace social original. Et ces contradictions sont autant résolues qu’aggravées par le vêtement.

1 Sur les styles tribaux dans les Plaines, voir Candace S. Greene « Art Until 1990 », in William C. Sturtevant, Handbook of North American Indians

2 Pour un exemple de ces échanges dans l’Empire français d’Amérique du Nord, voir Sophie White, Wild Frenchmen and Frenchified Indians: Material

3 L’association entre nudité, danses, paganisme et agressivité est notamment liée aux descriptions de cérémonies depuis le début du xixe siècle. Cf

4 Mme Aaron C. Wells, « Indians, Sioux » dans le dossier « Wells, Aaron C. », boîte 21, State Agency Records 2 Historical Data Project Pioneer

5 Pour un épisode de guerre et d’appropriation, voir le conflit de 1862 dans le Minnesota dans Gary Clayton Anderson, Little Crow: spokesman for the

6 Clark Wissler, “Decorative Art of the Sioux Indians”, Bulletin of the American Museum of Natural History, vol. 17, New York, 1904, p. 259-275.

7 Sur les robes de femmes célébrant les exploits d’un parent mâle, voir Frances Densmore, Teton Sioux Music, Washngton, D.C., Government Printing

8 Frances Densmore, Teton Sioux Music, p. 320.

9 David I. Bushnell, Burials of the Algonquian, Siouan and Caddoan Tribes, Bureau of American Ethnology, Bulletin LXXXIII, Washington, DC, 1927, p. 

10 Albert J. Brackett, « The Sioux or Dakota Indians », Smithsonian Institution Report, Washington, DC, 1876, p. 468-469 ; « The Resurrected Soldier.

11 Clark Wissler, Structural basis to the decoration of costumes Among the Plains Indians, Anthropological papers of the AMNH, vol. 17, no 3; New

12 Herman J. Viola, Diplomats in Buckskins; A History Of Indian Delegations in Washington City, University of Oklahoma Press, Norman, 1995, p/

13 Henry Murphy, « History of Henry Has Holy », p. 3, Henry Murphy Collection, 1926-1928 [Biographical sketches of Indians.] MSS 20063, SHSND.

14 Thomas W. Foley, Father Francis M. Craft, Missionary to the Sioux, Lincoln, University of Nebraska Press, 2002, p. 13.

15 David J. Clements, Built on a Firm Foundation: Standing Rock Centenary, 1873-1973, Commemorative Booklet, Catholic Indian, Fort Yates, ND, 1973, p

16 United States, Office of Indian Affairs, Annual report of the commissioner of Indian affairs, for the year 1903, Washington, DC, GPO, 1903, p. 118

17 Territory of Dakota, Department of immigration and statistics, 1887. Resources of Dakota, Sioux Falls, SD, Argus Leader Company, 1887, p. 252-253.

18 Article 12 du « Treaty with the Sioux ‒ Brulé, Oglala, Miniconjou, Yanktonai Hunkpapa, Blackfeet, Cuthead, Two Kettle, Sans Arcs, and Santee ‒ and

19 Estelle Reel, CourseofstudyfortheIndian schools of the United States. Industrial and Literary, Washington, DC, GPO, 1901, p. 231-255.

20 Contre l’emmaillotement des enfants, voir Department of the Interior, Office of Indian Affairs, Indian babies, How to Keep Them Well, Washington

21 Pour un exemple de cette ambivalence dans l’empire colonial français, voir par exemple, Emmanuelle Saada « Entre “assimilation” et “décivilisation

22 Elaine Goodale Eastman, Sister to the Sioux. The Memoirs of Elaine Goodale Eastman: 1885-1891, Lincoln, Nebraska, University of Nebraska Press

23 Pour un exemple des difficultés rencontrées par la famille d’un prêtre épiscopalien, cf. Ella C. Deloria à Franz Boas, 21 août 1928, Franz Boas

24 James Mooney, “The Ghost Dance Religion and the Sioux Outbreak of 1890”, 14th Annual Report of the Bureau of American Ethnology, Part 2

25 U.S. Congress, Senate, Letter from the Secretary of the Interior, Transmitting, in Response to Senate Resolution of December 13, 1888, Report

26 “Pushing Palefaces ready to invade the Standing Rock reservation”, Chicago Daily Tribune, 3 avril 1910, p. 10.

27 Sur la carrière de Gates Kelly, see Susan Power, “Josephine Gates Kelly: Standing Rock Sioux Tribal leader”, On Second Thought, Spring 2011, p. 12

28 William Cross et alii à Cato Sells, 27 décembre 1914, dossier 138139, boîte 339, entrée 723, Central Classified Files 1907-1939, Standing Rock

29 “Extract from Report Date June 19, 1918, of C. M. Knight, Inspector, on the Standing Rock School (part IV)”, dossier personnel d’Ewald C. 

30 L. C. Lippert à Commissioner, 8 octobre 1933, et « Assistance Given Harry Poor Dog and Family », [25 juin 1933], dossier 25929, boîte 340, entrée 

31 Cara A. Finnegan, Picturing Poverty: Print Culture and FSA Photographs, Washington, D.C.: Smithsonian Books, 2003.

32 Margaret Mead, The Changing Culture ok An Indian Tribe, New York, Capricorn Books, 1966 [1932], en particulier p. 159-163.

33 Ella Deloria, The Dakota Way of Life, p. 85, boîte 1 “Dakota Ethnography”, Ella Deloria Archive http://zia.aisri.in-diana.edu/deloria_archive/

34 Ella Deloria, “Additional Notes the teton-Dakota (Suggested in p by the Mekeel Monograph)”, p. 32 51, boîte 3 “Dakota Ethnography”, Deloria

35 Ella Deloria, “Additional Not” p. 36.

36 Gordon Macgregor et al., War Without Weapons: A Study of the Sety and Personality Development of Pine Ridge Sioux, Chicago, Universi Chicago Press

37 Oscar Elden Johnson, Kinship i Contemporay Yanktonai-Dakota Indian Community, M.A. Thesis, University of Minnesota, Minneapolis, MN, 1950, p. 73.

38 Sur le costume cow-boy des jeunes Indiens, voir North Dakota: A Guide To the Northern Prairie State. Prepared by Federal Writers' Project of the

39 Johnson, op. cit., p. 72 ; sur le vêtement blanc comme inconfortable, voir Elaine Jahner, Spatial categories in Sioux folk narrative, PhD thesis

40 Johnson, op. cit., p. 98.

41 C’est du moins ce que laisse deviner le recoupement d’entretiens réalisés à Standing Rock dans les années 1990 par Rose High Bear (collection “

42 “Monthly progress Report, Branch of Welfare, Standing Rock Agency, August 1965”, dossier “Aberdeen Area Office Progress Reports”, boîte 7, Office

43 “Report on Meeting With Indian Youth at Brigham Young University and Fort Yates”, dossier 2, boîte 3 Charles E. Minton Papers, Dept. of Rare Books

Notes

1 Sur les styles tribaux dans les Plaines, voir Candace S. Greene « Art Until 1990 », in William C. Sturtevant, Handbook of North American Indians, vol. 13, no 2, Plains, Raymond J. De Mallie (dir.), Washington, Smithsonian Institution, 2001, p. 1046-1048 ; sur les évolutions historiques du costume indien, Clark Wissler, Costumes of the Plains Indians, Anthropological papers of the AMNH, v. 17, no 2, Washington, GPO, 1915, p. 84-89, et John C. Ewers, Plains Indian History and Culture: Essays on Continuity and Change, Norman, Univ. of Oklahoma Press, 1997, p. 119-149.

2 Pour un exemple de ces échanges dans l’Empire français d’Amérique du Nord, voir Sophie White, Wild Frenchmen and Frenchified Indians: Material Culture and Race in Colonial Louisiana, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2012. Sur les couvertures, voir en particulier Robert W. Kapoun, Charles J. Lohrmann, Language of the Robe: American Indian Trade Blankets, Salt Lake City, Gibbs Smith, 1997, et W. R. Swagerty, “Indian trade Blankets in th Pacific Northewst. History and Symbolism of a Unique North American Tradition”, Columbia, The Magazine of Northwest History, Summer 2002, vol. 16, no 2.

3 L’association entre nudité, danses, paganisme et agressivité est notamment liée aux descriptions de cérémonies depuis le début du xixe siècle. Cf. une des premières descriptions de la Sun Dance comme prélude à la guerre dans Clyde Holler, Black Elk’s Religion: The Sun Dance and Lakota Catholicism, Syracuse, University of Syracuse Press. 1995, p. 50-62.

4 Mme Aaron C. Wells, « Indians, Sioux » dans le dossier « Wells, Aaron C. », boîte 21, State Agency Records 2 Historical Data Project Pioneer Biography, MSS 30529, State Historical Society of North Dakota, Bismarck, ND [SHSND]. Toutes les traductions de l’anglais sont de l’auteur.

5 Pour un épisode de guerre et d’appropriation, voir le conflit de 1862 dans le Minnesota dans Gary Clayton Anderson, Little Crow: spokesman for the Sioux, St. Paul, Minnesota Historical Society Press, 1986, p. 162-179.

6 Clark Wissler, “Decorative Art of the Sioux Indians”, Bulletin of the American Museum of Natural History, vol. 17, New York, 1904, p. 259-275.

7 Sur les robes de femmes célébrant les exploits d’un parent mâle, voir Frances Densmore, Teton Sioux Music, Washngton, D.C., Government Printing Office [GPO], 1918, p. 367 [plate 55] ; sur la transmission de motifs entre femmes, Frances Densmore, A collection of specimens from the Teton Sioux, Museum of the American Indian, Heye Foundation, v.11 no 3, 1948, p. 194.

8 Frances Densmore, Teton Sioux Music, p. 320.

9 David I. Bushnell, Burials of the Algonquian, Siouan and Caddoan Tribes, Bureau of American Ethnology, Bulletin LXXXIII, Washington, DC, 1927, p. 38.

10 Albert J. Brackett, « The Sioux or Dakota Indians », Smithsonian Institution Report, Washington, DC, 1876, p. 468-469 ; « The Resurrected Soldier. A Romance of Dakota », [Fort Rice] Frontier scout, 14 septembre 1865, p. 1 et 4.

11 Clark Wissler, Structural basis to the decoration of costumes Among the Plains Indians, Anthropological papers of the AMNH, vol. 17, no 3; New York, (1915-1916), p. 39-114.

12 Herman J. Viola, Diplomats in Buckskins; A History Of Indian Delegations in Washington City, University of Oklahoma Press, Norman, 1995, p/ 117-120.

13 Henry Murphy, « History of Henry Has Holy », p. 3, Henry Murphy Collection, 1926-1928 [Biographical sketches of Indians.] MSS 20063, SHSND.

14 Thomas W. Foley, Father Francis M. Craft, Missionary to the Sioux, Lincoln, University of Nebraska Press, 2002, p. 13.

15 David J. Clements, Built on a Firm Foundation: Standing Rock Centenary, 1873-1973, Commemorative Booklet, Catholic Indian, Fort Yates, ND, 1973, p. 39; et Marielle Frigge, “Ancient way in a new land Benedictine education in the Great Plains”, Great Plains Quarterly, vol. 3, 2003, p. 322-340, p. 239.

16 United States, Office of Indian Affairs, Annual report of the commissioner of Indian affairs, for the year 1903, Washington, DC, GPO, 1903, p. 118; pour un autre exemple de pratique de dénombrement des individus en « habits de citoyen », cf. « Report of Visits to Homes, Standing Rock Agency, 1907 », Standing Rock Agency records, RG 75, NARA, Kansas City, Missouri.

17 Territory of Dakota, Department of immigration and statistics, 1887. Resources of Dakota, Sioux Falls, SD, Argus Leader Company, 1887, p. 252-253.

18 Article 12 du « Treaty with the Sioux ‒ Brulé, Oglala, Miniconjou, Yanktonai Hunkpapa, Blackfeet, Cuthead, Two Kettle, Sans Arcs, and Santee ‒ and Arapaho, 1868 » (Treaty of Fort Laramie, 1868). 15 Stat. [United States Statutes at Large] 635, April 29, 1868.

19 Estelle Reel, Course of study for the Indian schools of the United States. Industrial and Literary, Washington, DC, GPO, 1901, p. 231-255.

20 Contre l’emmaillotement des enfants, voir Department of the Interior, Office of Indian Affairs, Indian babies, How to Keep Them Well, Washington, DC,GPO, 1916, p. 15-16.

21 Pour un exemple de cette ambivalence dans l’empire colonial français, voir par exemple, Emmanuelle Saada « Entre “assimilation” et “décivilisation” : l’imitation et le projet colonial républicain », Terrain, vol. 44, mars 2005, « Imitation et Anthropologie », p. 19-38 ; sur la méfiance envers les sang-mêlé, voir, en particulier pour les Sioux, Thomas N. Ingersoll, To Intermix with Our White Brothers: Indian Mixed Bloods in the United States from Earliest Times to the Indian Removals, Albuquerque, University of New Mexico Press, 2005, p. 244.

22 Elaine Goodale Eastman, Sister to the Sioux. The Memoirs of Elaine Goodale Eastman: 1885-1891, Lincoln, Nebraska, University of Nebraska Press, 1978, p. 43.

23 Pour un exemple des difficultés rencontrées par la famille d’un prêtre épiscopalien, cf. Ella C. Deloria à Franz Boas, 21 août 1928, Franz Boas Papers, American Philosophical Society, Philadelphia.

24 James Mooney, “The Ghost Dance Religion and the Sioux Outbreak of 1890”, 14th Annual Report of the Bureau of American Ethnology, Part 2, Washington, DC, 1896, p. 772, 788-791 et 916.

25 U.S. Congress, Senate, Letter from the Secretary of the Interior, Transmitting, in Response to Senate Resolution of December 13, 1888, Report Relative to Opening a Part of the Sioux Reservation, 50th Cong., 2d sess., 1888-89, S. Ex. Doc. 17, Serial 2682, p. 157, Washington, DC, GPO, 1889.

26 “Pushing Palefaces ready to invade the Standing Rock reservation”, Chicago Daily Tribune, 3 avril 1910, p. 10.

27 Sur la carrière de Gates Kelly, see Susan Power, “Josephine Gates Kelly: Standing Rock Sioux Tribal leader”, On Second Thought, Spring 2011, p. 12-21.

28 William Cross et alii à Cato Sells, 27 décembre 1914, dossier 138139, boîte 339, entrée 723, Central Classified Files 1907-1939, Standing Rock Agency [SRA], RG 75, Archives nationales, Washington [NARA-DC].

29 “Extract from Report Date June 19, 1918, of C. M. Knight, Inspector, on the Standing Rock School (part IV)”, dossier personnel d’Ewald C. Witzleben, National Personnel Records Center, Saint-Louis, Missouri.

30 L. C. Lippert à Commissioner, 8 octobre 1933, et « Assistance Given Harry Poor Dog and Family », [25 juin 1933], dossier 25929, boîte 340, entrée 723, Central Classified Files, 1907-1939, SRA, NARA-DC.

31 Cara A. Finnegan, Picturing Poverty: Print Culture and FSA Photographs, Washington, D.C.: Smithsonian Books, 2003.

32 Margaret Mead, The Changing Culture ok An Indian Tribe, New York, Capricorn Books, 1966 [1932], en particulier p. 159-163.

33 Ella Deloria, The Dakota Way of Life, p. 85, boîte 1 “Dakota Ethnography”, Ella Deloria Archive http://zia.aisri.in-diana.edu/deloria_archive/index.php.

34 Ella Deloria, “Additional Notes the teton-Dakota (Suggested in p by the Mekeel Monograph)”, p. 32 51, boîte 3 “Dakota Ethnography”, Deloria Archive.

35 Ella Deloria, “Additional Not” p. 36.

36 Gordon Macgregor et al., War Without Weapons: A Study of the Sety and Personality Development of Pine Ridge Sioux, Chicago, Universi Chicago Press, 1946, p. 128.

37 Oscar Elden Johnson, Kinship i Contemporay Yanktonai-Dakota Indian Community, M.A. Thesis, University of Minnesota, Minneapolis, MN, 1950, p. 73.

38 Sur le costume cow-boy des jeunes Indiens, voir North Dakota: A Guide To the Northern Prairie State. Prepared by Federal Writers' Project of the Works Progress Administration for the State of North Dakota, Fargo, ND, Knight Printing Company, 1938, p. 317 et William McKissack Chapman, Remember the Wind, a prairie memoir, Philadelphia, Lippincott, 1965.

39 Johnson, op. cit., p. 72 ; sur le vêtement blanc comme inconfortable, voir Elaine Jahner, Spatial categories in Sioux folk narrative, PhD thesis, Indiana University, Bloomington, IN, 1975, p. 33 et “Back to Blanket”, la nouvelle d’Alice Marriott, The Ten Grandmothers, Norman, University of Oklahoma press, 1948, p. 238-250.

40 Johnson, op. cit., p. 98.

41 C’est du moins ce que laisse deviner le recoupement d’entretiens réalisés à Standing Rock dans les années 1990 par Rose High Bear (collection “Wisdom of the Elders”) et de Murray L. Wax, Rosalie H. Wax et Robert V. Dumont Jr. “Formal Education in an American Indian Community”, An SSSP Monograph, Supplement to Social Problems, vol. 11, no 4, Spring 1964, p. 42-53, centré sur la réserve lakota de Pine Ridge.

42 “Monthly progress Report, Branch of Welfare, Standing Rock Agency, August 1965”, dossier “Aberdeen Area Office Progress Reports”, boîte 7, Office of Indian Affairs, Division of Social Services, RG 75, NARA-DC.

43 “Report on Meeting With Indian Youth at Brigham Young University and Fort Yates”, dossier 2, boîte 3 Charles E. Minton Papers, Dept. of Rare Books and Special Collections Princeton University Library, Princeton, NJ.

Illustrations

David F. Barry, “Census taking at Standing Rock Agency”, années 1880.

David F. Barry, “Census taking at Standing Rock Agency”, années 1880.

© Denver Public Library.

W. H. Jackson, Portraits of American Indians

W. H. Jackson, Portraits of American Indians

Collection In The Possession Of The U.S. Geological Survey Of The Territories, c. 1876, Yale Collection of Western Americana, Beinecke Rare Book and Manuscripts.

“Graduating Class, 1912, Carlisle Indian School”, publiée dans The Red Man, vol. 4, no 9, mai 1912.

“Graduating Class, 1912, Carlisle Indian School”, publiée dans The Red Man, vol. 4, no 9, mai 1912.

Publicité pour “The Big Store” (Fort Yates)

Publicité pour “The Big Store” (Fort Yates)

Sioux County pioneer, 28 mai 1915, p. 1

Frank B. Fiske, “The Big Store”, années 1900

Frank B. Fiske, “The Big Store”, années 1900

Société historique du Dakota du Nord, 1952-0428.

Frank B. Fiske, “Josephine Gates Kelly”, années 1900.

Frank B. Fiske, “Josephine Gates Kelly”, années 1900.

© Société historique du Dakota du Nord, 1952-1051.

Frank B. Fiske, “Harry Poor Dog and Rose High Cat wedding”, 1931.

Frank B. Fiske, “Harry Poor Dog and Rose High Cat wedding”, 1931.

© Société historique du Dakota du Nord, 1952-0615.

“Family in front of their house”, 1938, RG 75.

“Family in front of their house”, 1938, RG 75.

© Archives nationales des États-Unis.

“Indian women and young girls in front of tents”, 1938, RG 75.

“Indian women and young girls in front of tents”, 1938, RG 75.

© Archives nationales des États-Unis.

Frank B. Fiske, “Josephine Gates Kelly”, années 1940  ?

Frank B. Fiske, “Josephine Gates Kelly”, années 1940  ?

© Société historique du Dakota du Nord, 1952-2040.

Citer cet article

Référence papier

Thomas Grillot, « Il n’y a pas de costume indien », Modes pratiques, 2 | 2017, 258-279.

Référence électronique

Thomas Grillot, « Il n’y a pas de costume indien », Modes pratiques [En ligne], 2 | 2017, mis en ligne le 20 février 2023, consulté le 19 avril 2024. URL : https://devisu.inha.fr/modespratiques/325

Auteur

Thomas Grillot

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