Abolir la mode

Enquête sur la Révolution culturelle chinoise et la répression des « tenues extravagantes »

DOI : 10.54390/modespratiques.350

p. 124-144

Plan

Texte

Sans titre

Image

© Bahia Alecki

À la veille de la « Révolution culturelle », la presse du pays lança une attaque en règle contre les « tenues extravagantes1 ». C’était un signe qui annonçait les « quatre vieilleries » auxquelles allait s’attaquer la Révolution culturelle. Vite, les rues se sont remplies de Gardes rouges qui mesuraient les jambes de pantalons et les cheveux des passants. En raison de leur coiffure, des gens ordinaires étaient soumis à des séances de critique et contraints de défiler dans la rue après qu’on leur eût tondu la moitié du crâne, mis les vêtements en lambeaux ou fait porter de grands chapeaux en papier, au point de provoquer quotidiennement des suicides. C’est ainsi que la violence et la peur se sont étendues à l’échelle du pays2. Il apparaît avec le recul que les expéditions punitives des autorités, à l’échelle de tout le pays, contre « les tenues extravagantes » ont été le premier coup de tonnerre de la Révolution culturelle.

Pendant les 17 années qui suivirent, « tenue extravagante » allait rester un terme déshonorant3. Ce n’est que le 13 décembre 1983, lors de la réunion des secrétaires de la Ligue des Jeunesses communistes des provinces et régions autonomes organisée à l’échelle nationale sous la direction de son Premier Secrétaire Hu Yaobang que le terme serait réhabilité au cours d’un discours sur la « pollution spirituelle » où Hu déclara : « Le premier point [dans le nettoyage de la pollution spirituelle] est celui de la tenue, de la façon de se vêtir. La façon actuelle de s’habiller est-elle bonne ou mauvaise ? Pour moi elle est mauvaise, y compris la vôtre aujourd’hui. Nos vêtements actuels ne sont pas corrects : une seule couleur, un seul style. Parler de tenue extravagante n’est pas correct. Les étrangers qui voient nos camarades femmes porter des pantalons considèrent aussi qu’il s’agit d’une tenue extravagante4. »

« Peau sociale5 », le corps et ses objets d’ornement questionnent le domaine idéal de l’intime et de l’espace public dans sa structure et son dynamisme. Le vêtement relève à l’origine des affaires privées des gens ordinaires dans leur activité quotidienne. Comment, dans un contexte historique particulier, devient-il un outil de la lutte des classes et de la répression ? Comment peut-on établir un lien entre « tenue extravagante » et « pollution spirituelle » ? À quoi correspondait concrètement une « tenue extravagante » à l’époque ? Et une « tenue révolutionnaire » ? Comment établir un lien entre l’habillement et la révolution ? Dans les circonstances du pouvoir, de la culture, de l’histoire et de la société particulières à la Révolution culturelle, quelles étaient les interactions entre individu et État, entre individu et politique ? Dans la manifestation de son agentivité humaine (human agency), comment l’individu est-il investi ou dépouillé de ses droits6 ? Les matériaux pour répondre à cette question sont les chroniques locales, les archives, les articles et essais d’intellectuels, ainsi que les articles de périodiques et de journaux influents, mais aussi des documents venus de regards étrangers.

Nous avons croisé ces discours très contrôlés avec des enquêtes sur le terrain, principalement des entretiens approfondis avec des citadins résidant dans la province du Guangdong [dont la capitale est Canton] pendant la Révolution culturelle, ainsi que quelques photographies de la vie quotidienne pendant cette période7. Sur le modèle de Norman Denzin dans The Comparative Life History8, nous avons choisi d’interroger des personnes âgées de quarante-cinq à quatre-vingts ans qui travaillaient ou étudiaient dans le Guangdong pendant la Révolution culturelle, à l’exception d’un Chinois originaire du Guangdong qui était alors en mission en Afrique.

Au cours de nos entretiens, nous avons, en partant du particulier pour aller vers le général, demandé à nos interlocuteurs leur point de vue sur leur habillement et celui de leur entourage (famille, collègues et amis) ainsi que sur les « tenues extravagantes », puis leur avons demandé quel était leur habillement quotidien et celui de leur entourage pendant la Révolution culturelle, ainsi que leurs impressions sur les « tenues extravagantes » et les histoires qu’ils pouvaient nous raconter à ce sujet. En nous appuyant sur l’expérience de Nicolas Herpin et Liliale Kasparian, enquêtant sur l’habillement en 19839, nous avons invité nos interlocuteurs à commenter l’habillement et la mode telle qu’elle apparaissait sur leurs photographies (personnelles ou de famille) prises pendant cette période.

« Tenues extravagantes » ?

La circulaire émise le 16 mai 1966 par le Comité central du Parti sur la Révolution culturelle – la « circulaire du 16 mai » – appelait à la lutte contre le « féodalisme », le « capitalisme » et le « révisionnisme ». Pour simplifier, le « capitalisme » désignait l’Occident, le « féodalisme » le passé et le « révisionnisme » les autres pays communistes. C’est ainsi que « féodalisme », « capitalisme » (ou « bourgeoisie ») et « révisionnisme » sont devenus les cibles de la Révolution culturelle, et l’habillement en fut une des premières. Les robes russes de type blazy étaient « révisionnistes », les costumes à l’occidentale « bourgeois », les qipao des nuisances résiduelles « féodalistes », et tout vêtement un peu bariolé était une « tenue extravagante ».

Pendant la Révolution culturelle, pratiquement tous les citadins, y compris dans le Guangdong, portaient uniformément une « tenue révolutionnaire ». Quel que soit l’âge, la profession, l’identité, le statut voire le sexe, la population était habillée de façon très homogène et sa tenue quotidienne consistait principalement en vêtements militaires, bleus de travail, vêtements à col Mao (sous leurs quatre formes), tenues Lénine ou tenues de Gardes rouges. La production de tissus et de vêtements subissait alors l’influence d’une ligne très radicale, et beaucoup de tissus et de styles appréciés des gens portaient le sceau infamant de « quatre vieilleries », certains motifs étant jugés « contre-révolutionnaires ». Les quatre couleurs gris, noir, bleu et kaki (qualifiée de « jaune » par les Cantonais) étaient les principaux tons en vogue chez les dirigeants ; chez les citadins cantonais, la mode était au coton mélangé, à la toile kaki et au denim.

Qu’était donc alors une « tenue extravagante » ? Pendant les dix années de la Révolution culturelle, la définition a varié selon les régions et les périodes. À Shanghai, entre 1969 et 1973, les « tenues extravagantes » rassemblaient principalement les cols huntun, les cols siumai, les pantalons moulants noirs, les grands cols rabattus ou pointus, les revers larges, les grandes poches plaquées, les gros boutons, les chemises de femme en nylon transparent et les pantalons à pattes d’éléphant10. À entendre les témoins, quatre types principaux de « tenues extravagantes » sont identifiables dans la région du Guangdong pendant la Révolution culturelle.

Homme portant une « tenue extravagante », chemise colorée de style hong-kongais, vers 1970.

Image

© Collection particulière.

Pantalons pattes d’éléphant et culottes prolétariennes « tête de buffle11 »

Les niutouku, ou pantalons « tête de buffle », sont généralement portés par les Chinois du Sud pour travailler dans les rizières. Il s’agit d’une sorte de culotte à jambes courtes en tissu grossier, sans poches et sans ceinture mais ceinte par un élastique et d’une forme rappelant une tête de buffle, pratique pour s’agenouiller ou s’accroupir dans les rizières. Dans le nord du Guangdong, les paysans Zhuang affectionnent cette sorte de pantalon, porté indifféremment par les deux sexes. Il est également très courant dans le sud du pays, où il peut aussi servir de sous-vêtement. Dans la région de Shanghai, il est appelé « slip » (sanjiaoku), et Lu Xun l’évoque dans son essai Nüdiao (Le Fantôme de la femme pendue12) : « En fait, le niutouku n’est pas seulement porté par les paysans, cette culotte est également portée en ville. Elle se porte de façon plutôt spéciale : en la mettant, on la saisit de chaque côté des deux mains, un pli à gauche un pli à droite, et on retrousse le haut avant de nouer la ceinture. Le haut de la culotte est large, le fond profond, les jambes larges, et la longueur dépend de la saison13. » Pendant la Révolution culturelle, une sorte de niutouku appelé « niutouku prolétarien » était en vogue auprès des Cantonais. En réalité, il s’agissait de pantalons de costumes, à jambes étroites, à pattes d’éléphant ou de jeans, qu’ils faisaient venir par leurs proches de Hong-kong, Macao, Taiwan ou de pays étrangers, pour les retailler en « niutoukus prolétariens ». Les jambes des pantalons à pattes d’éléphant étant longues et larges et celles des niutoukus courtes et étroites, et la consommation de tissu étant contrôlée (chaque personne n’ayant droit qu’à 5,5 m par an), on comprend que, sous cette pression, la population du Guangdong était contrainte de retailler ses « pantalons bourgeois » neufs pour en faire des « culottes prolétariennes ».

F., cinquante-sept ans, niveau lycée, actuellement cadre en retraite, a été envoyé dans une brigade de production à Dongguan pendant la Révolution culturelle. Ce témoin direct nous raconte :

« J’avais un frère et une tante à Hong-kong, ainsi que des parents à Macao. Parmi les vêtements qu’ils m’avaient offerts, l’un deux portait une étiquette en anglais sur le col. [Nous] l’avons enlevée. En bref, nous ne voulions pas d’une mentalité occidentale dans nos cerveaux, d’une mentalité bourgeoise, qui nous aurait corrompus à terme, aurait fait de nous des « révisionnistes », c’est pourquoi il nous fallait, par l’étude, être en permanence sur nos gardes. Le tissu était rare et nous n’aurions pas pu nous permettre de refuser un pantalon à pattes d’éléphant, il nous le fallait, alors nous le retaillions. Ou alors, nous décousions entièrement le pantalon pour le refaire. Nous avions alors une expression qui disait “refaire un niutouku pour le porter”14 ».

La mère et la sœur de F. ont également retaillé des pantalons à pattes d’éléphant pour en faire des pantalons de costume plus adaptés à la norme chinoise :

À l’époque, certaines mentalités suivaient la vague, elles ne pouvaient pas être comme maintenant, très avancées et tout ça, ces gens ne vous acceptaient pas, vous méprisaient… vous regardaient de travers, ou vous considéraient comme des voyous. À l’époque la mentalité était comme ça. Par exemple, nous avions rapporté des pantalons à pattes d’éléphant. En fait, c’étaient des pantalons de costume, mais avec les jambes évasées, en forme de trompette. Après les avoir rapportées, ma mère et ma sœur ont découpé les jambes pour faire un pantalon de costume à jambes droites. À l’époque, si les vêtements rapportés de l’étranger avaient des étiquettes, il fallait les retirer des cols15.

H., soixante-treize ans, niveau école primaire, responsable d’atelier dans une usine d’acide sulfurique de Guangzhou et secrétaire adjointe du comité de Parti au moment de la Révolution culturelle, a été nommée en octobre 1968 cadre d’une équipe de rééducation à la campagne à Conghua (Guangdong), où elle est restée 13 mois. Elle est actuellement retraitée. Elle nous a rapporté une histoire qu’elle a entendue :

Je ne l’ai pas vu moi-même, mais quelqu’un est venu me dire qu’il s’était fait découper son pantalon à pattes d’éléphant alors qu’il marchait dans la rue. Je ne sais pas comment ça a pu arriver. À ce moment-là, des gens étaient chargés de surveiller les rues et affectés spécialement au découpage des « tenues extravagantes », c’est-à-dire de ces sortes de vêtements très courts et très étroits, et surtout des pantalons à pattes d’éléphant. Mais cela arrivait rarement alors, et seules une ou deux personnes de toute notre grande usine ont eu leurs vêtements découpés, parce qu’à ce moment-là les gens étaient plutôt honnêtes. De toute façon, ceux qui s’étaient fait couper leurs habits ne recommençaient pas, c’était perdre la face de façon cinglante16.

C’est la situation particulière du Guangdong, voisin de Hong-kong, Macao et Taiwan, qui a permis aux pantalons à pattes d’éléphant de pénétrer plus qu’ailleurs dans la population. Ce pantalon est devenu l’incarnation des « tenues extravagantes ». Il a rencontré dès son apparition le mépris et l’hostilité des « masses révolutionnaires ». Il condamnait à être montré du doigt et taxé d’« immoralité ». Porter un pantalon à pattes d’éléphant était un acte politique et le signe d’une « quête d’un mode de vie bourgeois », « débraillé » ou « ambigu ».

Aux yeux de beaucoup, ceux qui en portaient étaient des gredins, des voyous, à tout le moins des asociaux. Le pantalon à pattes d’éléphant est presque devenu la marque de la délinquance juvénile.

Sans aucun doute, l’apparition du pantalon à pattes d’éléphant a eu un effet subversif par rapport à l’habillement légitime de l’époque. Pourquoi, plutôt qu’un autre vêtement, s’est-il retrouvé en première ligne dans la guerre entre tradition et nouvelle vague ? Les raisons sont de trois ordres : tout d’abord, la position de la braguette effaçait la différence entre hommes et femmes. Avant son apparition, les pantalons de femmes s’ouvraient tous sur le côté droit, alors que le pantalon à pattes d’éléphant s’ouvrait toujours par devant, quel que soit le sexe. Ensuite, sa taille basse, sa fourche courte et son fond moulant mettaient en valeur les lignes du corps, enfreignant les normes communes de l’époque qui voulaient des vêtements plutôt larges et flottants. Enfin, la jambe était étroite en haut et large en bas, évasée progressivement à partir du genou pour créer une forme en trompette très marquée. Pour certaines personnes âgées, cette forme apparaissait androgyne et contre-nature.

C’est pourquoi, dans le contexte politique et social de la Révolution culturelle, le pantalon à pattes d’éléphant, qui défiait l’ordre vestimentaire en vigueur, était considéré comme un danger. Les retouches de ce pantalon par la population démontrent le lien étroit entre vêtement, loyauté politique et appartenance de classe. En déclarant que les étiquettes des produits étrangers devaient être coupées parce que « nous ne voulions pas d’une mentalité étrangère dans nos cerveaux, d’une mentalité bourgeoise qui nous aurait corrompus à terme, aurait fait de nous des “révisionnistes” », l’un de nos interlocuteurs montre qu’un objet de la vie quotidienne porte une appartenance de classe, autrement dit qu’il y avait une stricte équivalence entre consommations et identité sociale. Par ailleurs, une interlocutrice considère qu’à l’époque, les gens ordinaires étaient plutôt « honnêtes », c’est-à-dire soumis à l’ordre vestimentaire en vigueur. Derrière cette soumission se cachent le pouvoir et la domination absolus des autorités sur l’ordre vestimentaire officiel. Enfin, la sanction sociale17 contre les « tenues extravagantes » est étroitement liée à la notion de « face ». « L’arbre vit de son écorce, l’homme vit de sa face », dit un proverbe chinois, ce qui suffit à expliquer la force de dissuasion qu’est pour les Chinois le fait de perdre la face.

Le diamètre d’une bouteille d’alcool de riz de Jiujiang18

B., cinquante-six ans, diplômé du premier cycle du secondaire, artiste-militaire pendant la Révolution culturelle, actuellement fonctionnaire, raconte :

Pendant la Révolution culturelle, les femmes qui portaient des vêtements militaires se trouvaient une allure révolutionnaire, et les filles portaient ces tenues plutôt que des jupes. Le pantalon ne devait pas être étroit, il devait pouvoir laisser passer une bouteille d’alcool de riz de Jiujiang pour être dans la norme, si les jambes de pantalon étaient serrées, elles devaient être coupées, et des employés étaient chargés de maintenir l’ordre. Les pantalons moulants étaient appelés « caleçons bourgeois », ils étaient interdits, on devait impérativement pouvoir y enfiler une bouteille pour que ce soit un vêtement révolutionnaire. C’est pourquoi les gens des deux sexes portaient des tenues militaires, du type de l’Armée Populaire de Libération, et ça ne les gênait pas. Les hommes trouvaient que cela donnait aux femmes un air dynamique, volontaire, travailleur et courageux, très décent et très révolutionnaire19.

Brigade rurale, 1968.

Image

© Collection particulière.

Le découpage des jambes de pantalon évoque des souvenirs précis chez beaucoup de nos interlocuteurs. La largeur fixée pour les jambes de pantalon était d’environ 25 cm. Dès que des membres du service d’ordre découvraient des bas de pantalon plus étroits, ils les coupaient immédiatement, puis les mesuraient avec une bouteille d’alcool de riz de Jiujiang qui servait de toise. M., soixante-deux ans, de niveau scolaire collège, actuellement ouvrière en retraite, travaillait dans une filature de coton de Guangzhou. Elle se souvient :

Pendant la Révolution culturelle, il y avait des Gardes Rouges sur les marchés et dans les rues pour arrêter les passants qui portaient des pantalons moulants. Il était interdit de porter des pantalons serrés. Les Gardes rouges barraient le passage de ces personnes, puis enfilaient une bouteille d’alcool de riz dans le pantalon, qu’ils coupaient si la bouteille ne passait pas, parce que la règle imposait des jambes de pantalon d’au moins 20 ou 25 cm de large. Des Gardes rouges se tenaient dans les rues et dans les petits magasins. Dès qu’ils voyaient des gens dont le pantalon n’était pas conforme à la règle, ils y enfilaient une bouteille d’alcool de riz et coupaient les jambes de pantalon avec des ciseaux si la bouteille ne passait pas. Tout le monde avait peur et mettait des pantalons à jambes larges20.

Si, à l’occasion, il prenait à quelqu’un l’envie de porter ces vêtements étroits, il était accusé publiquement de rechercher « un mode de vie bourgeois » et souvent durement humilié, au point parfois de se suicider. Z., cinquante ans, de niveau collège, a fait partie d’une brigade de propagande dans une exploitation forestière au début de 1971. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires en 1973, elle a commencé à enseigner dans une école primaire du canton, avant de terminer sa carrière comme ouvrière dans une usine de Guangzhou. Elle était écolière au début de la Révolution culturelle et se souvient :

À l’école, nous avions un professeur d’éducation physique qui s’appelait Zeng, une personne très bien. Il portait un pantalon tuyau de poêle qu’un de ses parents de Hong-kong lui avait offert. Le haut-parleur de l’école nous a appelés à venir sur le terrain de sport, et nous avons entendu le directeur de l’école crier : « Silence tout le monde, du calme ! Les masses révolutionnaires ont dit d’exclure l’enfant de propriétaires fonciers ZSQ de notre école ! ». Le professeur Zeng a alors été traîné sur l’estrade, puis les Gardes rouges ont taillé une croix dans ses cheveux et lui ont fait porter un écriteau. Lors de la séance de luttes et de critiques publiques, les élèves, les professeurs et certaines personnes en colère qui avaient été exploitées par ses parents lui jetaient de l’encre dans le cou. Il s’est ensuite coupé les veines, mais a pu être sauvé après avoir été emmené à l’hôpital. Par la suite, alors que les enseignants étaient convoqués en Formation pendant les congés scolaires, il s’est pendu21.

Pendant la Révolution culturelle, la population était contrainte d’uniformiser son style de vie, ceux qui s’y pliaient étaient cités en exemple et ceux qui résistaient ou se révoltaient étaient humiliés, ce qui constituait une sanction sociale puissante. Les « tenues extravagantes » se définissaient par opposition aux vêtements « légitimes », orthodoxes, correspondant à l’« éducation pénétrée des principes du Parti ». Cette marque d’infamie, dont le résultat se traduisait par la discrimination et le mépris voire la persécution de toutes les forces de la société, conduisait les porteurs à obéir et à se conformer aux normes vestimentaires en vigueur22.

Cols châles et nœuds papillon ou la classe révélée

D, soixante ans, ouvrier de chantier naval à Guangzhou, est actuellement en retraite. Voici ses souvenirs au sujet des punitions infligées par les Gardes rouges aux ouvriers qui osaient porter des cols châles :

Sun Peidong À l’époque, si on voulait porter des vêtements de travail un tant soit peu à la mode, on était considéré comme féodaliste, bourgeois et révisionniste. Lorsque par chance nos proches de Hong-kong nous apportaient un vêtement, il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas et il fallait le retoucher sept ou huit fois pour en modifier complètement le style. Si vous portiez quelque chose d’un peu en vogue, par exemple un col châle ou un jean moulant, c’était la catastrophe et on vous qualifiait de féodaliste, bourgeois et révisionniste. Les Gardes rouges arrivaient avec des ciseaux pour le couper du bas jusqu’à la cuisse. Comment aurait-on pu en porter ? À ce moment-là, la peur occupait nos pensées et on ne pouvait que suivre la société, faire ce qu’on nous demandait23.

C., cinquante-six ans, niveau collège, actuellement retraitée, avait été affectée dans une brigade de production d’une commune populaire du district de Huadu pendant la Révolution culturelle. Elle fut ensuite ouvrière dans une usine de Guangzhou. Elle était collégienne lorsque la Révolution culturelle a éclaté, et une de ses camarades portait un vêtement à nœud papillon qu’un parent de Hong-kong lui avait offert. Ce vêtement allait lui porter malheur :

Dans la classe d’à côté, une camarade portait un vêtement orné d’un fin nœud papillon que des proches de Hong-kong lui avaient envoyé. Elle a été soumise à une séance de lutte et de critique par des activistes. On a commencé par lui couper son nœud papillon, puis ses cheveux, d’une façon très laide, puis on lui a accroché un grand écriteau où était inscrit « délinquante », et un tas de gens sont venus l’accuser en la frappant et en l’insultant24.

Cet événement a fortement marqué notre interlocutrice :

Il semble que c’est à partir de ce moment que tout le monde s’est habillé de la même façon. Auparavant, les vêtements étaient parfois de couleur un peu plus vive, moins sombre, et leur style pouvait être moins uniforme et stéréotypé. De plus, nous pouvions porter des queues de cheval lorsque nous étions écolières. Mais après cet événement, j’ai eu les cheveux courts et j’ai porté des vêtements standard25.

Les gens qui ne portaient pas une tenue militaire ou un bleu de travail attiraient facilement l’attention et la suspicion, et le problème se portait sur leur appartenance de classe. D., cinquante-six ans, diplômé du supérieur, directeur d’un jardin d’enfants, était ouvrier dans une usine de serviettes de toilette de Guangzhou au moment de la Révolution culturelle, avant d’être envoyé dans une équipe de production. Il raconte :

Pour prendre un exemple simple, si vous ne portiez pas un vêtement militaire ou un bleu de travail, qu’étiez-vous ? Pour les autres, vous étiez un point d’interrogation ! Un gros point d’interrogation ! C’est comme lorsque nous regardons un feuilleton télévisé, à part les habits de prisonniers qui sont un peu spéciaux, les vêtements des autres personnes n’ont rien de particulier. Dans le même ordre d’idées, si vous ne portez pas ce genre de vêtements, qui êtes-vous ? Vous ne souhaitez pas attirer l’attention, ne souhaitez pas que les autres mettent un point d’interrogation sur vous, et vous portez donc un de ces deux types de vêtements26.

Pendant la Révolution culturelle, ce système de valeurs concernant les vêtements légitimes était défini exclusivement par l’État. Au moyen des puissants mécanismes existants de propagande et d’éducation de l’opinion publique, ainsi que de son système d’étroite gestion bureaucratique à chaque échelon, l’État infligeait une dure sanction sociale à ceux qui osaient porter des « tenues extravagantes » ou en avaient envie. Pour cette raison, les gens ordinaires adoptaient unanimement une tenue « légitime » dans leur habillement quotidien pour se construire l’appartenance de classe qu’ils avaient besoin de manifester, d’amplifier ou dont ils manquaient et pour montrer leur soumission à l’ordre vestimentaire « légitime ». C’est ainsi que l’État, par une institution vestimentaire conçue spécialement, réalisait l’intégration de la société.

Pantalons blancs, pantalons voyous

Les pantalons portés par les habitants du Guangdong pendant la Révolution culturelle étaient essentiellement bleus, gris ou noirs, parfois beiges, mais généralement dans des tons unis et sombres. Si quelqu’un portait un pantalon clair, il se distinguait facilement au milieu de la mer des tons sombres. F., cinquante-sept ans, niveau lycée, actuellement retraité, avait été envoyé dans une équipe de production à Dongguan. Il raconte :

Seules les chemises étaient blanches, il n’y avait pas de pantalons blancs, personne ne portait de blanc. Si quelqu’un portait un pantalon blanc, comment dire ? Il avait l’air bourgeois. Le moindre style occidental et vous étiez bourgeois, genre « voyou »27.

Robe colorée en Dacron, vers 1970.

Image

© Collection particulière.

Uniforme « Lénine » pour femme, vers 1970.

Image

© Collection particulière.

Pendant la Révolution culturelle, les individus dont l’origine de classe était mauvaise se réformaient consciencieusement, très attentifs à se démarquer du féodalisme, de la bourgeoisie et du révisionnisme afin de relever leur propre « indice de sécurité ». Dans son roman Dix ans de folie, Feng Jicai raconte notamment l’histoire d’un instituteur originaire de la grande bourgeoisie :

Je m’interroge sur trois points chaque jour, et presque chaque jour je me demande ce que j’ai dit ou ce que j’ai fait pour mécontenter les dirigeants : si j’ai fait quelque chose, j’ai le sentiment que mon indice a baissé. Mais si ce que j’ai dit ou ce que j’ai fait aujourd’hui m’a valu un compliment des dirigeants, j’ai le sentiment que mon indice a monté, et j’éprouve un sentiment de stabilité, de fiabilité et de sécurité28.

Le sentiment de sécurité de chaque individu dépendait de l’attitude et du contrôle des dirigeants, la domination de l’État passant par tous les échelons pour s’infiltrer jusque dans la vie quotidienne des individus, forcés en permanence à l’autocritique. Avant la Révolution culturelle, cet instituteur avait un pantalon de costume blanc, qu’il avait porté une seule fois lors d’une grande réception pour la fête des Lanternes. Il l’avait trouvé très beau, mais « découvrit par la suite que ce pantalon dévoilait la conscience de classe bourgeoise enfouie en lui, qu’il devait impérativement empêcher le mal d’émerger, le supprimer dans son germe, et ce pantalon blanc resta pendu dans l’armoire et n’en sortit plus jusqu’à sa confiscation lors d’une perquisition de la Révolution culturelle29 ». Il en tira une formule de calcul de l’« indice de sécurité » : « obtention de l’appréciation des dirigeants par mon travail zélé au sein de l’unité + habillement le plus ordinaire possible + prudence dans mes paroles et dans mes actes = indice de sécurité30 ».

Pendant la période révolutionnaire, l’image vestimentaire artificielle est une réduction opérée par l’idéologie d’État de l’individualité et de la possibilité d’esthétiques diverses et plurielles. Dans ce sens, l’ordre vestimentaire nécessite une part d’exclusion.

Il convient ici de dire qu’en raison de l’impossibilité pour la majorité des personnes interrogées de dater précisément l’apparition de tenues considérées comme alternatives, ainsi que des carences des autres sources – chroniques locales comme archives – sur le sujet, l’enquête reste à faire sur cette question pour dresser un tableau de l’apparition dans le temps des « tenues extravagantes » dans le Guangdong.

Rééduquer la mode

Sur quelle norme une tenue était-elle jugée « extravagante » dans le Guangdong des années 1960 et 1970 ? Un article du Yangsheng Evening News du 10 juin 1964 signé par un « Groupe d’étude technique sur l’habillement de Guangzhou » et intitulé « Quelles sortes de vêtements considérer comme des “tenues extravagantes” ? » tente de définir les grandes lignes :

Exemple : dans les vêtements féminins, les décolletés qui exposent la poitrine, les maillots qui découvrent les épaules, les jupes fourreau qui moulent les fesses et les autres vêtements qui serrent étroitement les reins et exposent volontairement la poitrine sont considérés comme des tenues extravagantes. Dans l’habillement masculin, les « jeans » et les chemises à fleurs qui donnent un genre ambigu en sont également. Ces vêtements bizarres ont pour caractéristiques, d’une part d’inciter au flirt et d’exciter les sens, d’autre part d’être dommageables à la santé et de gêner les mouvements de l’organisme. De plus, toutes ces tenues extravagantes sont plagiées sur l’Occident et vont à l’encontre de notre style socialiste diligent, simple et profondément attaché au travail31.

Quelles étaient les composantes de la société qui maîtrisaient cette norme et quelles étaient celles qui devaient être sanctionnées ou rééduquées ? Pendant la Révolution culturelle, la population était répartie par l’autorité politique en trois catégories. Selon le comité révolutionnaire provincial du Guangdong, le premier groupe des « cinq catégories rouges » était composé des soldats révolutionnaires, des cadres de la révolution, des ouvriers, des paysans pauvres, des paysans moyens-pauvres et de leurs enfants. Le deuxième groupe des « neuf sortes de gens » ou « neuf catégories noires » était composé, à l’opposé, des éléments catalogués comme « propriétaires fonciers, paysans riches, contre-révolutionnaires, mauvais éléments ou droitiers » réformés, les détenus à l’expiration de leur peine, les personnes sorties des camps de rééducation par le travail, les réactionnaires issus des classes laborieuses et les entrepreneurs délinquants. Enfin, la troisième catégorie, des « cinq catégories grises » désignait les gens situés entre les deux catégories précédentes, ainsi que leurs enfants, et se composait principalement des employés, vendeurs, médecins, enseignants, journalistes, petits commerçants et professions indépendantes, assimilés à la catégorie économique et politique de la « petite bourgeoisie32 ». De façon évidente, les « cinq catégories rouges » étaient les plus autorisées à juger et à s’exprimer sur la conformité ou la déviance de l’habillement quotidien des deux autres groupes.

À revers, l’habillement « légitime » proclamé et défini par l’État désignait les vêtements des cadres de la machine étatique ainsi que des classes sociales de base sur lesquelles elle s’appuie : vêtements des ouvriers, des soldats de l’APL et des paysans, c’est-à-dire tenue militaire, cols Mao de tous types, bleus de travail et vêtements de paysan. Il devait satisfaire trois critères : être utile à la révolution, être utile au travail et favoriser la simplicité, l’ordre et l’uniformité dans le travail.

1690 lettres ou la discipline politique

La répression n’était pas qu’au hasard des rues, bouteilles d’alcool de riz de Jiujiang à la main. Elle a pris plusieurs formes dont la première a été la pression politique. Elle passait bien sûr par la répression contre les « tenues extravagantes ». Cette répression passait à la fois par la mise en place d’une « esthétique purement politique » et par une incitation directe auprès des masses à lutter contre les « tenues extravagantes ».

Ainsi, le 7 juin 1964, un article en page 2 du quotidien Jiefang ribao, intitulé « Refusons fermement la taille de tenues extravagantes — Les employés du magasin de vêtements Gaomei ont le courage de protéger les bonnes mœurs de la société » était publié sous la forme d’un courrier de lecteur. Cet article constituait une discussion et une critique sur les « tenues extravagantes ». La discussion partait d’une controverse sur un style de vêtement. En mai 1964, une cliente du magasin Gaomei de Shanghai avait commandé un pantalon qu’elle voulait particulièrement serré aux fesses et étroit aux jambes, et le personnel avait refusé de le tailler. La cliente avait alors demandé sur un ton de reproche : « Ne me dites pas qu’un pantalon à jambes courtes reflète une pensée bourgeoise et pourrait influencer les mœurs ?! », ce qui avait déclenché une querelle. Un employé du magasin avait alors écrit au Jiefang ribao, déclarant : « Nous considérons que le personnel du magasin Gaomei a agi correctement, que cette situation critique a été bien gérée et que, dans notre société socialiste, nous ne devons pas laisser les tenues extravagantes de l’ancienne société réapparaître. » Le journal publiait cette lettre et y ajoutait ce commentaire de la rédaction : « Il ne s’agit pas seulement d’une petite affaire sur la manière de traiter un style de vêtement, mais d’un problème important consistant à savoir si nous devons résister ou non à la mentalité et au mode de vie bourgeois. Ce n’est en aucun cas un sujet à négliger ! » L’article se terminait en exhortant les lecteurs à écrire au journal et à participer au débat, afin de fixer les limites des goûts vestimentaires individuels « dans notre société socialiste33 ».

Robes Jiangqing, vers 1970.

Image

© Collection particulière.

Sun Peidong La publication de cette lettre suscita immédiatement un large débat sur les « tenues extravagantes ». Nombre d’ouvriers, d’employés des communes populaires, de cadres de l’administration, de vendeurs, de soldats, d’enseignants, d’étudiants et de gens du peuple écrivirent pour donner leur avis. Dans les quatre mois après la sortie de l’article initial34, le Jiefang Ribao publia en tout 1 690 lettres sur ce sujet. De nombreuses unités du Parti et des Jeunesses communistes s’intéressèrent au débat sous la forme de réunions d’étude, de discussions, de journaux écrits au tableau noir ou de journaux muraux afin d’établir des repères et d’élever leur niveau de conscience35. Dans leurs lettres, de nombreux lecteurs indiquaient que les « tenues extravagantes » étaient des objets bourgeois. Les tenues de coupe bizarre convenaient au mode de vie dissolu et dégénéré de la classe exploitante et oisive et des voyous aux activités louches ainsi qu’à leurs envies vaines et décadentes. En revanche, le peuple des travailleurs aimait les vêtements économiques et solides, confortables et pratiques, simples et de bon goût.

Uniforme de travailleur masculin, réunion publique, 1967.

Image

© Collection particulière.

Photographie souvenir de trois coopérants (L.  à gauche) en 1969 à Paris. 

Image

© Collection particulière

Cette critique des « tenues extravagantes », qui souligna et renforça le caractère révolutionnaire et la signification politique du vêtement, s’étendit rapidement dans tout le pays pour former un front englobant toute la population.

Dans ses éditoriaux, le Jiefang Ribao déclarait que les tâches commerciales du socialisme étaient des tâches économiques hautement politiques. Les commerçants devaient considérer en premier lieu la dimension politique de leur activité, promouvoir une morale et un style de vie nouveaux par leurs activités d’achat et de vente de produits ainsi que par leurs services, et détruire les vieilles habitudes en apportant du nouveau. Cette puissante propagande produisit une profonde impression sur le public :

Certains, se souvient C., osent dévoiler leur personnalité dans leur façon de se vêtir, d’autres n’osent pas, ce qui oblige à des débats et à des critiques dans le public, ou peut-être parmi les chefs de famille, qui sont assez conservateurs, parce que les débats publics incessants accusent les gens portant ce qu’il est convenu d’appeler des tenues extravagantes, moulant les fesses ou avec des jambes de pantalon étroites, d’être « de mauvaises gens » ; cet étrange phénomène apparaît maintenant36.

Pour cette raison, les « tenues extravagantes » étaient accusées de représenter concrètement la recherche d’un « mode de vie malsain », d’être la manifestation vestimentaire vulgaire d’une « pensée bourgeoise décadente et creuse ». Ce grand débat de masse peut être considéré comme la ligne de partage des eaux de la mode : à partir de ce moment, les « tenues extravagantes » commencèrent à disparaître de la vie quotidienne chinoise.

Les « masses » devenaient d’autant plus efficaces dans la répression de l’extravagance qu’on les invitait à le faire au nom de la lutte des classes. Selon un article du 23 août 1966 du Quotidien du Peuple, les Gardes rouges envahissant les rues depuis le 20 août, distribuaient des tracts et placardaient des affiches partout, organisant des assemblées et prononçant des discours qui attaquaient violemment les mentalités, usages et coutumes du passé. Ils exhortaient également les employés du secteur des services à ne plus faire de coupes de cheveux ni de vêtements extravagants à leurs clients. La totalité des employés du magasin de mode Ciel Bleu – qui avait changé son enseigne en « Magasin de vêtements Défense de l’Orient » – écrivaient dans une lettre adressée aux Gardes rouges :

Nous répondons avec détermination à votre exhortation révolutionnaire, approuvons totalement l’action révolutionnaire des Gardes rouges du lycée no 2 de Pékin contre la confection de vêtements du style de Hong-kong et de tenues extravagantes, et nous engageons à ne plus retoucher ni vendre de tels vêtements. Donnons-nous la main et portons la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne vers une nouvelle phase encore plus étendue et plus approfondie37.

Sur la porte de certains magasins de vêtements, des sentences parallèles pleines de ferveur révolutionnaire étaient collées : « Confection de vêtements révolutionnaires, beaucoup, vite et bien – Destruction de tenues extravagantes, beaucoup, vite et bien », et un bandeau horizontal déclarait : « Vive le prolétariat, à bas la bourgeoisie38 ». Dans cette ambiance, les Gardes rouges se livraient à des actes verbaux et physiques contre les « tenues extravagantes » au nom de la destruction des « quatre vieilleries ». La « lutte verbale » se traduisait par des critiques théoriques et une éducation politique. Le Quotidien du Peuple, confrontait les tenues déviantes à « la nouvelle orientation de la lutte des classes », aux « tendances malsaines et mauvaises pratiques de la bourgeoisie », aux « luttes de la jeune génération », à « la négation des exploits des Gardes rouges »… Pour contrer les discours qui apparaissaient dans la population – « des détails sans importance de la vie quotidienne », « aucun droit d’intervenir », « inutile et inoffensif », « chacun ses goûts », « à force d’en voir on s’habitue » ou « beaucoup de bruit pour rien » –, des « classes d’étude spéciale », des « réunions de lutte sur place » ou des « petits débats sur les dazibaos » étaient organisés. Quant à la « lutte physique », elle donnait lieu à de nombreux actes extrêmes. Tout vêtement non conforme à la norme étatique valait à celui qui le portait d’être attaqué. Via l’échelon du pouvoir local, l’État exerçait sur ceux qui osaient porter des « tenues extravagantes » agressions et menaces, coups et insultes, humiliations, lacérations des jambes de pantalons et des vêtements… Dans les récits de nombreuses personnes interrogées, nous avons entendu les histoires d’« activistes » se postant à la sortie des lieux de travail, mesurant à l’aide de bouteilles la largeur des jambes de pantalon des jeunes employés. Et les cas d’unités invitant des Gardes rouges à utiliser la force n’étaient pas rares.

En outre, la propagande via les médias avait une influence importante. Seules la théorie révolutionnaire et « l’esthétique purement politique » étaient diffusées par la machine de propagande du Parti, les autres systèmes de valeurs étant violemment dénigrés. Ce discours dominant modelait les désirs de consommation, plus particulièrement des jeunes et des adolescents. Dans ces conditions, les individus ordinaires qui acceptaient complètement ou subissaient l’influence de ces discours, consciemment ou non, devenaient les porte-parole et les avocats de ce système de valeurs, d’autant plus lorsqu’ils étaient des travailleurs modèles.

Rationnements et ascétisme ou la satisfaction des besoins

Sous la Révolution culturelle, l’État exerçait une puissante contrainte sur la consommation individuelle, qui se manifestait par une définition politique des « besoins » de la population.

À l’avènement de la nouvelle république, les objectifs stratégiques du gouvernement chinois définirent l’industrialisation, principalement l’industrie lourde, comme priorité économique39. Pour mettre en œuvre cette stratégie, l’État adopta le collectivisme dans la production et l’ascétisme dans la consommation40. Après 1949, le collectivisme structura progressivement la vie sociale pour devenir une des caractéristiques. La vie politique et économique du Parti et de l’État se concentra sur la manière de promouvoir et de mettre en œuvre la collectivisation, d’accroître la proportion des biens nationalisés dans la production et dans la vie quotidienne, ainsi que de promouvoir un mode de vie collectiviste. Pour promouvoir l’ascétisme dans la consommation, l’État exigea de la société qu’elle limite à l’extrême ses désirs et la demande individuelle de consommation pour privilégier les besoins humains de base.

Entre l’avènement de la nouvelle république et la politique d’ouverture et de libéralisme des années 198041, la Chine connut ainsi une étape où les « besoins » relevaient d’une forme de nationalisme. Pendant la Révolution culturelle, les problèmes de « besoins » étaient des problèmes politiques, leur nature était politique et ils subissaient la double domination du pouvoir et du discours de l’État. La satisfaction des besoins devait être l’une des sources de légitimité d’un État omniprésent et en même temps un de ses moyens pour unifier les masses. Les données concernant la consommation de vêtements et de tissu dans le Guangdong permettent de comprendre la mise en œuvre de cette politique. Commençons par le tissu de coton. Le 15 septembre 1954, sur une décision du Conseil des Affaires d’État, le Guangdong adopta la distribution planifiée des tissus de coton. Selon les « Chroniques du commerce des produits manufacturés de consommation courante » de la Guangzhou difangzhi (Gazette de Guangzhou), la totalité des tissus de coton et des produits dérivés, toutes couleurs, tous motifs et toutes qualités confondus, à usage public ou destinés à des événements nécessitant un surplus de tissu – naissances, mariages, décès, catastrophes naturelles… – devait être fournie selon les quantités fixées et contre coupon de rationnement. La ration fixée la première année était de 11,32 m pour les cadres, de 8,7 m pour les citadins et de 7 m pour les paysans de la zone suburbaine. Le gouvernement ayant décidé de regrouper les achats et ventes de la bonneterie avec le coton à partir de 1960, la quantité de tissu allouée a été considérablement réduite de 1961 à 1965, pour n’atteindre plus que 70 cm pour les citadins et 50 cm pour les paysans de la zone suburbaine. Ces rations permettaient à peine de confectionner un maillot d’enfant. La production s’est ensuite accrue entre 1965 et 1967. La Révolution culturelle a également fait chuter la production de gaze et en 1968, la ration était de 2,76 m. Quant à la quantité de 5,5 m évoquée à de nombreuses reprises par les témoins, elle correspond à la période 1969-1978, le déséquilibre de la demande de coton par rapport à l’offre s’étant progressivement atténué à partir des années 197042. Toujours selon les données des « Chroniques commerciales des produits de consommation courante », les survêtements de sport, gilets de corps et pantalons de coton, tricots de coton, couvertures tissées, couvertures en laine, serviettes de bain, pyjamas, draps (rationnés dès 1955) furent fournis contre coupons de rationnement à partir du 15 août 1960. En mars 1961, les serviettes de toilette, chaussettes et maillots de corps sans manches furent également rationnés, et d’autres petits articles comme le fil de couture, les mouchoirs ou les couvertures en coton. Le nombre de coupons était défini par la taille des articles, leur teneur en coton, leur qualité et leur densité, leur poids et leurs spécifications. En 1964, la province du Guangdong fixa une norme de rationnement pour la bonneterie, soit 83 cm pour un T-shirt, 60 cm pour un maillot de corps sans manches, 1,8 m pour un survêtement en coton, 2,83 m pour un survêtement molletonné, 37 cm pour une serviette de toilette pesant entre 730 et 875 g ou une paire de chaussettes d’adulte et 5 m pour un drap en 2 m. Une réduction de 30 % sur les coupons était accordée pour les produits de troisième qualité, les tissus mélangés étant mesurés selon leur teneur en coton. Les règles de rationnement ont varié dans le temps. L’offre s’améliorant, le nombre de produits rationnés diminua progressivement, ainsi que la quantité de coupons demandée par produit43.

Un récit illustre l’influence de ces contraintes étatiques sur les consommations quotidiennes des citadins. L., Chinois d’Indonésie, revenu en Chine à l’âge de quatorze ans pour poursuivre des études, était interprète de français pour une équipe de coopérants dans la construction. En 1969, changeant d’avion à Paris lors d’un retour du Congo, il visita et photographia la capitale française accompagné de membres de l’Ambassade de Chine. La photographie est prise en hiver, par un temps glacial. Les coopérants, qui étaient partis pour un pays tropical, ne s’étaient pas encombrés de vêtements chauds. Les manteaux des trois coopérants (L. à gauche) avaient été prêtés par l’ambassade. À leur retour, leur unité les récupéra pour les rendre au ministère des Affaires étrangères. Aucun élément étranger ne devait perturber le système vestimentaire et les volumes de consommation.

Cette histoire comme les données montrent le contrôle de la consommation à l’échelle industrielle comme individuelle. Cette politisation radicale de l’habillement quotidien ne laissait que peu de place aux « tenues extravagantes ». Dans leur essence, les systèmes de rationnement et de distribution étaient le moyen pour l’État de fixer avec précision en amont les besoins fondamentaux de la population, et en aval, la nature des biens pouvant les satisfaire. Ces rationnements étaient un moyen de remplir les « objectifs de la révolution ».

« Impitoyable comme un hiver rigoureux » ou le règne de l’idéologie

Pendant la Révolution culturelle, on l’aura compris, la population vivait dans un climat de violence et de peur. Selon Xu Ben, la Révolution culturelle s’est appuyée sur la lutte des classes pour mobiliser la société : « Après la mise en place du nouveau pouvoir en 1949, les niveaux de pouvoirs dans la société, le rapport à l’ennemi, les opportunités sociales, la répartition des privilèges et les relations d’oppression dans les relations personnelles étaient tous définis en termes de classe44. » La société entière baignait dans une idéologie de l’antagonisme45.

Sa caractéristique la plus importante fut l’apparition dans la société d’une césure nette entre « nous » et « l’ennemi ». Ainsi, d’une part, pour le Parti et l’État, « nous » devions obéir sans conditions et offrir une loyauté sans faille ; et toute coexistence était impossible entre « nous » et « l’ennemi ».

La société chinoise semblait alors constituée simplement de « bons » et de « mauvais ». Et puisque le peuple ne peut pas comporter de « mauvais » éléments dans ses rangs, ils n’étaient donc pas des humains, mais des « démons bovins et des réincarnations de serpents », des « chiens », des « insectes venimeux », des « tas de crottes de chien méprisés par le genre humain »… Le seul sentiment envisageable à leur égard était une haine profonde : « il faut être cruel et impitoyable comme un hiver rigoureux », « être sans merci même lorsqu’ils sont à terre ». Ils ne méritaient donc que « d’être rasés sur la moitié du crâne », de porter des écriteaux, d’être forcés à s’agenouiller, de subir des séances de critiques, d’être enfermés dans des « étables » ; « on ne peut les traiter avec douceur, amabilité, respect, mesure ou mansuétude », disait-on encore, il fallait les « détruire résolument, en profondeur, complètement ». Cette lutte des classes sans limite a ainsi permis de passer des paroles aux actes, et de légitimer la violence.

Dans une telle situation, l’identification des « mauvais » ne pouvait que créer un climat de terreur, omniprésent. Désignés par l’opinion publique, ils vivaient dans une culpabilisation, un désespoir, un sentiment de faute à expier et une absence de sécurité inégalés. Les « mauvais » devaient vivre en prenant de multiples précautions, prisonniers de leurs rapports sociaux, et sous la menace de la prochaine vague politique qui les frapperait, eux et leur famille. Et lorsque le malheur s’abattait, ils ne pouvaient que reconnaître leur culpabilité, confesser leurs fautes et subir les séances de critique et de lutte46.

À mesure que la Révolution culturelle se développait, la peur se nourrissait d’un nouveau facteur : la confusion croissante entre éléments des « mauvaises » classes sociales et malfaiteurs. Dans ces circonstances, le moindre faux pas ou le moindre ragot à votre sujet pouvait vous rendre « contre-révolutionnaire » et susceptible d’être puni à la moindre occasion. Sentiments d’insécurité et suspicions sont devenus un trait de la vie quotidienne de cette période47. La vie quotidienne ne devait être pour la population que le lieu principal de « la conscience permanente de lutte des classes », de la mise en œuvre d’une « transformation révolutionnaire » et de l’« affirmation de soi ». Dans cette situation, le vêtement quotidien avait nécessairement une valeur symbolique politique particulière.

Tout d’abord, les « cinq catégories rouges », et plus particulièrement les militaires, les ouvriers et les paysans, ainsi que leurs enfants, montraient directement leur appartenance de classe et leur tendance révolutionnaire en portant des tenues militaires, des bleus et les vêtements de travail les plus simples et les plus éloignés d’un « style bourgeois ». Par peur, par conviction ou par intérêt, ils se conformaient à l’ordre vestimentaire en vigueur.

Ensuite, le vêtement était considéré comme un instrument de construction de l’orientation révolutionnaire. Les individus appartenant par leur origine familiale aux catégories « noires » et « grises » choisissaient et prenaient pour modèle les cinq « catégories rouges » dans leur mode vestimentaire et construisaient ainsi une « apparence » révolutionnaire imitée sur les modèles du régime. Cette « soumission forcée » reflétait de façon oblique, l’influence indirecte sur tout l’habillement quotidien des individus.

Enfin, l’attitude vis-à-vis des « tenues extravagantes » permettait de façon simple de se démarquer des personnes qui les portaient et de manifester sa loyauté au régime. Les tenues « extravagantes », soit l’affirmation de sa personnalité par une recherche esthétique, ont fait l’objet d’une surveillance rude48. L’un des buts de la Révolution culturelle était de former des mentalités révolutionnaires. Il s’agissait donc en grande partie d’une « révolution morale » qui devait instituer une morale prolétarienne. Dans le cas des femmes, si leur tenue était « excentrique » ou « bizarre », elles étaient considérées comme « habillées de façon choquante », elles étaient « trop voyantes », « immorales », « trop vulgaires », « coquettes », « vaniteuses » ou « étalant de leurs charmes », et n’étaient que des « séductrices » et des « bourgeoises », caractérisées par une « grave mentalité bourgeoise », « voire engagées sur la voie capitaliste ».

Être en permanence sur la sellette en raison d’une tenue non conforme ne pouvait qu’entraîner une terreur dans toute la société. « L’idéologie révolutionnaire de la Révolution culturelle a été conçue par l’État et mise en œuvre au moyen de la violence et de la terreur par son appareil », note Xu Ben49. La Révolution culturelle est apparue initialement comme un mouvement de masse, un mouvement de « nettoyage complet des mentalités », de purification des modèles de pensée et des systèmes de valeur. C’est par un tel « nettoyage » général que le pouvoir a essayé d’éradiquer les idées et les actes « féodalistes », « bourgeois » et « révisionnistes », de réformer l’« hétérodoxie » et l’« altérité » pour qu’en Orient, la Chine socialiste permette l’avènement d’un homme socialiste nouveau, intègre et parfait, et construise un univers de Grande Harmonie pur et idéal unifiant romantisme et réalisme révolutionnaires.

Le vêtement n’est pas seulement un langage silencieux, il est aussi une manifestation politique et par là, il est un moyen de normer les vies quotidiennes. C’est l’un des résultats de la discipline imposée par l’État : les vêtements des individus peuvent former ou modifier l’identité de ceux qui les portent, et devenir ainsi un outil de construction de la mémoire et de la conscience collectives ainsi que de l’image de soi. L’image vestimentaire, porteuse de « l’esprit de l’époque50 », contribue à établir dans la population un sentiment d’appartenance à une nation et à une classe sociale, de grandeur et d’identification, à rassembler une couche sociale, au prix de la mise à l’écart des tenues « extravagantes » synonymes de « déviances ».

 

Sous la Révolution culturelle, la domination de l’État englobait tous les aspects de la vie quotidienne. L’État, en contrôlant et en utilisant les outils de la propagande, effrayait la population par la violence et la terreur révolutionnaires, tout en exerçant l’incitation par un idéal et une morale collective, pour propager du haut vers le bas une idéologie selon laquelle « la lutte des classes surpasse tout », « la révolution est au-dessus de tout », et pour dominer l’ensemble de la vie collective et individuelle, dans le but de pousser les membres de la société à unifier leurs mentalités, à écarter toute pensée ou acte hétérodoxes, et ainsi à réaliser une union efficace de la société au moyen de l’ordre vestimentaire. Dans la pratique, cette volonté s’est manifestée par la lutte contre les « tenues extravagantes », qui s’est soldée par dix années d’une étrange uniformité vestimentaire51. Dans cette situation sociale particulière, le vêtement était un moyen important de se positionner socialement, car la conformité vestimentaire apportait à l’individu une légitimité directe52 ; il était également un mode concret de mise en œuvre du pouvoir, car la conformité vestimentaire apportait à l’individu une légitimité structurelle ; enfin, il était un moyen efficace de sanction morale, car la conformité vestimentaire apportait à l’individu une légitimité culturelle. En combinant ces trois moyens, l’État contrôlait l’habillement des individus par des mécanismes disciplinaires à l’encontre des « tenues extravagantes » qui relevaient de la coercition politique, de la limitation de la consommation et du contrôle des esprits.

Actuellement, les études universitaires sur la pénétration et la domination du pouvoir et de l’idéologie de l’État sur la vie quotidienne pendant la Révolution culturelle sont rares, et plus encore pour ce qui est du vêtement. Quelle place occupent aux yeux de l’historien les petits détails de la vie quotidienne des gens ordinaires ? Notre réflexion qui fait suite à d’autres travaux ne constitue qu’un premier pas dans ce domaine pour l’histoire de la Chine53.

Sous l’influence de l’analyse structurale et du tournant post-moderne, les études culturelles occidentales se préoccupent des relations entre culture et pouvoir. Dans la Chine des années 1960, l’État a fait de l’habillement « légitime » et de la répression contre les « tenues extravagantes » un symbole et un signe de son emprise sur le quotidien. Mais d’un autre côté, cette logique a partiellement et de façon créative été utilisée par la population comme un moyen personnel de défense54. La présente étude souligne le contrôle étatique, mais, à n’en pas douter, de nombreuses personnes ont été des acteurs relativement indépendants et n’ont cessé de lutter contre cette emprise, ce que montre l’existence même de « tenues extravagantes ».

Si la place nous a manqué ici pour observer les actes et les stratégies de résistance de la population chinoise face à ce tourbillon politique, on ne doit pas les sous-estimer. C’est pourquoi un nouvel examen de la Révolution culturelle sous l’angle de la vie quotidienne peut ouvrir de nouvelles perspectives sur cette période, y compris politiques.

1 « Wuchanjieji Wenhua Dageming langchao xijuan shoudu jiedao “Hongweibing” menglie chongji zichanjieji de fengsu xiguan » (« La vague de la Grande

2 Xu Ben “Wenge” zhenzhi wenhua zhong de konju yu baoli, La terreur et la violence dans la culture politique de la Révolution culturelle, site Xueshu

3 Après la fin de la Révolution culturelle, entre 1979 et 1980, les milieux littéraires et artistiques de Chine continentale se livrèrent à une

4 Hu Deping, Yaobang tongzhi ruhe kan xiaofei – jue bu neng « hao mei er wu Xishi » (Point de vue du camarade Yaobang sur la consommation – on ne

5 T. Turner, “The Social Skin”, in C. B. Burroughs & J. Ehrenreich (dir.), Reading the Social Body, Iowa City, University Iowa Press, 1993, p. 15-39.

6 Xiao Fengxia, “Zhongguo jiyuan: beifu lishi nang kuaisu qianxing – ping youguan Zhongguo dangdai shehui shenghuo de san bu zhuzuo” (« Début d’une

7 En raison des limites imposées par de nombreux facteurs tels que les capacités de production et le niveau technique du pays, peu de citadins

8 Norman K. Denzin, “The Comparative Life History”, in Norman Denzin (réd.), The Research Act, McGraw-Hill, New-York, 1978, p. 214-255.

9 Nicolas Herpin et Liliane Kasparian, Les dépenses d’habillement en 1983-84, Premiers résultats, Collections de l’INSEE, no 48, 1985, p. 6-22.

10 Jin Dalu, « Chong “wu” de shenmei jiqi tuibian » (« L’esthétique de la vénération du “guerrier” et ses mutations », Shehui guancha, no 5, 2006.

11 Selon un proverbe cantonais, « culotte tête de buffle, maîtrise du monde », signifiant qu’on accepte une vie extrêmement dure pour se lancer dans

12 Le texte original de Lu Xun est le suivant : « Les spectateurs retenaient leur souffle, un homme surgit sur la scène vêtu uniquement d’une culotte

13 Liang Sheng, Kuanda de niutouku (Le large pantalon tête de buffle), site de Jinyang, http://www.ycwb.com/ycwb/2007-03/18/content_1418903.htm

14 Entretien de F. enregistré le 13 août 2006 à Guangzhou par l’auteur.

15 Idem.

16 Entretien de H. enregistré le 2 novembre 2006 à Guangzhou par l’auteur.

17 Voir Malcom Waters, Modern Sociological Theory, Londres, Sage Publications,, 1994, p. 145 de la traduction chinoise (Xiandai shehui lilun, traduit

18 Le nom en cantonais de ces pantalons moulants est celui d’une spécialité locale de saucisse, et l’unité de mesure des largeurs de pantalon était

19 Entretien de B. enregistré le 7 août 2006 à Guangzhou par l’auteur.

20 Entretien de M. enregistré le 21 avril 2006 à Guangzhou par l’auteur.

21 Entretien de Z. enregistré le 10 avril 2006 à Guangzhou par l’auteur.

22 Zhu Cenlou, “Cong shehui, geren yu wenhua de guanxi lun Zhongguoren xingge de chigan quxiang” (« Orientations du sentiment de honte dans le

23 Entretien de D. enregistré le 6 septembre 2006 à Guangzhou par l’auteur.

24 Entretien de C. enregistré le 19 août 2005 à Guangzhou par l’auteur.

25 Idem.

26 Entretien de D. enregistré le 3 octobre 2006 à Guangzhou par l’auteur.

27 Entretien de F. enregistré le 13 août 2006 à Guangzhou par l’auteur.

28 Feng Jicai, Yi bai ge ren de shinian (traduit et publié en anglais sous le titre Ten Years of Madness), Shidai Wenyi Chubanshe, Changchun, 2003, p

29 Idem.

30 Idem.

31 Guangzhou Fuzhuang Jishu Xuexizu (Groupe d’étude technique du vêtement de Guangzhou), « Shenmeyang de yifu suan shi qizhuangyifu » (« Quelles

32 Rao Zhanxiong, et al. (éd.), Guangzhou shi ・Dashiji・Zhonghua Renmin Gongheguo shiqi 1966 nian (Gazette de Guangzhou, chronique des événements

33 Gu Zhihui, « Jianjue jujue zaizhi qizhuangyifu ‒ Gaomei Fuzhuang dian zhigong yongyu baohu shehui hao fengqi » (« Refusons fermement la coupe de

34 « Shanghai guangda renmin jiji canjia dizhi qizhuangyifu de taolun fayang wuchanjieji youliang chuantong fandui zichanjieji sixiang zuofeng » (« 

35 Dans le cours des discussions, certains jeunes marginaux sur la pente de la décadence et qui avaient pendant un temps recherché les « tenues

36 Entretien de C. enregistré le 27 octobre 2006 à Guangzhou par l’auteur.

37 « Wuchanjieji Wenhua Dageming langchao xijuan shoudu jiedao “Hongweibing” menglie chongji zichanjieji de fengsu xiguan » (« La vague de la Grande

38 Idem.

39 Lin Yifu, et al., Zhongguo de qiji (Le Miracle chinois), (version augmentée), Shanghai Sanlian Shudian, Shanghai Renmin Chubanshe, 2004, p. 28-38.

40 Wang Ning, Cong kuxingzhe shehui dao xiaofeizhe shehui: Zhongguo chengshi xiaofei zhidu, laodong jili yu zhuti jiegou zhuanxing (De la société

41 Xu Ben, “‘Xuyao’ zai Zhongguo de zhengzhi zhuanxing he lilun kunjing” (« Les “besoins” dans les mutations de la politique chinoise et la

42 Mai Shaoping (réd.), Guangzhoushizhi riyong gongyepin shangyezhi (Gazette de Guangzhou, chronique commerciale des biens de consommation courante)

43 Idem.

44 Xu Ben, “Wenge zhenzhi wenhua zhong de konju yu baoli” (« La terreur et la violence dans la culture politique de la Révolution culturelle, site

45 Idem.

46 Idem.

47 Idem.

48 Le roman, la poésie, l’opéra révolutionnaire, le cinéma, la peinture, les affiches, les slogans et les mots d’ordre des années 1960 et 1970

49 Xu Ben, op. cit.

50 H. Blumer, “Fashion: From Class Differentiation to Collective Selection”, Sociological Quarterly, 10, 1969, p. 275-291.

51 Wang Ning, « Fuzhuang tixian jiti yishi zhuanxing » (« Transformation de conscience vestimentaire collective »), in Nanfang ribao, 20 novembre 

52 Le célèbre chercheur et critique Johan Galtung (1990) distingue trois formes de violence : la violence directe, la violence structurelle et la

53 Voir par exemple, Larissa Zakharova, S’habiller à la soviétique. La mode et le Dégel en URSS, Paris, CNRS éditions, 2011.

54 Prasenjit Duara, Culture, Power and the State — Rural North China 1900-1942, Standford University Press, Stanford, 1988. Traduction chinoise :

Notes

1 « Wuchanjieji Wenhua Dageming langchao xijuan shoudu jiedao “Hongweibing” menglie chongji zichanjieji de fengsu xiguan » (« La vague de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne déferle sur les rues de la capitale, les “Gardes rouges” attaquent violemment les habitudes bourgeoises », Quotidien du Peuple, 23 août 1966, p. 2.

2 Xu Ben “Wenge” zhenzhi wenhua zhong de konju yu baoli, La terreur et la violence dans la culture politique de la Révolution culturelle, site Xueshu Zhonghua.

3 Après la fin de la Révolution culturelle, entre 1979 et 1980, les milieux littéraires et artistiques de Chine continentale se livrèrent à une première attaque contre le « style de Hong-kong et Taiwan ». Par la suite, à l’occasion de la critique d’un film sur des prostituées japonaises, Sandakan No 8, le comité de Parti de la municipalité de Pékin lança un mouvement de « petit nettoyage ». Des gardiens avaient été placés aux portes de l’université Qinghua pour inspecter la chevelure et les largeurs de pantalon des étudiants et des enseignants. Les cheveux longs, qui commençaient à être en vogue, les lunettes de soleil aviateur et les pantalons à pattes d’éléphant étaient bannis. Au milieu des années 1980 eurent lieu en Chine des mouvements « Nettoyage de la pollution spirituelle » et « Anti-libertarisme », accompagnés de diverses vagues de restriction de la parole. En dehors des « nettoyages » du domaine culturel, des individus bien-pensants ont commencé à procéder à des critiques de la « pollution spirituelle » dans le secteur économique.

4 Hu Deping, Yaobang tongzhi ruhe kan xiaofei – jue bu neng « hao mei er wu Xishi » (Point de vue du camarade Yaobang sur la consommation – on ne peut pas « aimer la beauté et haïr Xishi »), site d’informations sur Hu Yaobang.

5 T. Turner, “The Social Skin”, in C. B. Burroughs & J. Ehrenreich (dir.), Reading the Social Body, Iowa City, University Iowa Press, 1993, p. 15-39.

6 Xiao Fengxia, “Zhongguo jiyuan: beifu lishi nang kuaisu qianxing – ping youguan Zhongguo dangdai shehui shenghuo de san bu zhuzuo” (« Début d’une ère chinoise : avancer rapidement tout en portant la charge de l’histoire – critique de trois ouvrages sur la vie dans la société chinoise contemporaine »), in Shehuixue yanjiu, no 5, 2006.

7 En raison des limites imposées par de nombreux facteurs tels que les capacités de production et le niveau technique du pays, peu de citadins ordinaires avaient les moyens de prendre souvent des photos ; de plus, en raison des soubresauts de la vie politique, mais également du climat humide et pluvieux du sud de la Chine, peu de photographies ont pu être conservées dans un état d’intégrité et de netteté. Ces raisons nous ont gênée dans l’obtention de photographies utiles à notre étude.

8 Norman K. Denzin, “The Comparative Life History”, in Norman Denzin (réd.), The Research Act, McGraw-Hill, New-York, 1978, p. 214-255.

9 Nicolas Herpin et Liliane Kasparian, Les dépenses d’habillement en 1983-84, Premiers résultats, Collections de l’INSEE, no 48, 1985, p. 6-22.

10 Jin Dalu, « Chong “wu” de shenmei jiqi tuibian » (« L’esthétique de la vénération du “guerrier” et ses mutations », Shehui guancha, no 5, 2006.

11 Selon un proverbe cantonais, « culotte tête de buffle, maîtrise du monde », signifiant qu’on accepte une vie extrêmement dure pour se lancer dans une grande entreprise. Une expression populaire dit également : « Je ne crains pas que mes enfants et mes neveux portent des pantalons tête de buffle, mais plutôt que mes descendants terminent en chaussures queue d’hirondelle », le port de chaussures « queue d’hirondelle » (chaussures à piqûre en queue d’aronde) étant considéré comme dégénéré et de mauvais genre et symbolisant ainsi la décadence de la famille.

12 Le texte original de Lu Xun est le suivant : « Les spectateurs retenaient leur souffle, un homme surgit sur la scène vêtu uniquement d’une culotte “tête de veau”, le visage maquillé de quelques traits ; c’était le “pendu” ». La « culotte tête de veau » (dubikun) fait allusion à la biographie de Sima Xiangru, dans les Mémoires historiques (Shiji) de Sima Qian. Selon le commentaire de Song Feisi (dynasties du Sud), citant Wu Weizho, (période des Trois Royaumes), « Taillé dans trois pieds de tissu, sa forme est semblable à une tête de veau ». Dans le texte en question, cette culotte désigne une sorte de short appelée « pantalon tête de buffle » dans la région de Shaoxing.

13 Liang Sheng, Kuanda de niutouku (Le large pantalon tête de buffle), site de Jinyang, http://www.ycwb.com/ycwb/2007-03/18/content_1418903.htm, consulté le 20 avril 2010.

14 Entretien de F. enregistré le 13 août 2006 à Guangzhou par l’auteur.

15 Idem.

16 Entretien de H. enregistré le 2 novembre 2006 à Guangzhou par l’auteur.

17 Voir Malcom Waters, Modern Sociological Theory, Londres, Sage Publications,, 1994, p. 145 de la traduction chinoise (Xiandai shehui lilun, traduit par Yang Shanhua et al., Huaxia chubanshe, Beijing, 2000).

18 Le nom en cantonais de ces pantalons moulants est celui d’une spécialité locale de saucisse, et l’unité de mesure des largeurs de pantalon était une bouteille d’alcool de riz de Jiujiang : les « masses révolutionnaires » faisaient preuve de créativité en établissant des relations directes entre les normes de la Révolution et leur vie quotidienne.

19 Entretien de B. enregistré le 7 août 2006 à Guangzhou par l’auteur.

20 Entretien de M. enregistré le 21 avril 2006 à Guangzhou par l’auteur.

21 Entretien de Z. enregistré le 10 avril 2006 à Guangzhou par l’auteur.

22 Zhu Cenlou, “Cong shehui, geren yu wenhua de guanxi lun Zhongguoren xingge de chigan quxiang” (« Orientations du sentiment de honte dans le tempérament des Chinois à partir de la société, des individus et de la culture »), in Li Yiyuan, Yang Guoshu, Zhongguoren de xingge (Le tempérament des Chinois), Jiangsu Jiaoyu Chubanshe, Nanjing, 2006, p. 80.

23 Entretien de D. enregistré le 6 septembre 2006 à Guangzhou par l’auteur.

24 Entretien de C. enregistré le 19 août 2005 à Guangzhou par l’auteur.

25 Idem.

26 Entretien de D. enregistré le 3 octobre 2006 à Guangzhou par l’auteur.

27 Entretien de F. enregistré le 13 août 2006 à Guangzhou par l’auteur.

28 Feng Jicai, Yi bai ge ren de shinian (traduit et publié en anglais sous le titre Ten Years of Madness), Shidai Wenyi Chubanshe, Changchun, 2003, p. 178

29 Idem.

30 Idem.

31 Guangzhou Fuzhuang Jishu Xuexizu (Groupe d’étude technique du vêtement de Guangzhou), « Shenmeyang de yifu suan shi qizhuangyifu » (« Quelles sortes de vêtements considérer comme des “tenues extravagantes” ? »), Yangsheng Wanbao, 10 juin 1964, p. 2.

32 Rao Zhanxiong, et al. (éd.), Guangzhou shi ・Dashiji・Zhonghua Renmin Gongheguo shiqi 1966 nian (Gazette de Guangzhou, chronique des événements importants, période de la République Populaire de Chine, 1966), site Guanzhoushi Difangzhi.

33 Gu Zhihui, « Jianjue jujue zaizhi qizhuangyifu ‒ Gaomei Fuzhuang dian zhigong yongyu baohu shehui hao fengqi » (« Refusons fermement la coupe de tenues extravagantes ‒ Les employés du magasin de vêtements Gaomei ont le courage de protéger les bonnes mœurs de la société »), Jiefang ribao, 7 juin 1964, p. 2.

34 « Shanghai guangda renmin jiji canjia dizhi qizhuangyifu de taolun fayang wuchanjieji youliang chuantong fandui zichanjieji sixiang zuofeng » (« Le peuple nombreux de Shanghai participe à la discussion sur la résistance aux tenues extravagantes et propage l’excellente tradition prolétarienne de lutte contre le style de pensée bourgeois »), in Renmin ribao, 14 novembre 1964, p. 2.

35 Dans le cours des discussions, certains jeunes marginaux sur la pente de la décadence et qui avaient pendant un temps recherché les « tenues extravagantes » exposaient à partir de leur expérience personnelle le danger que la recherche de ce type de vêtements avait représenté pour eux-mêmes, minés qu’ils étaient par le mode de vie capitaliste. Après une certaine période de débats de ce genre, le port de « tenues extravagantes » n’offrait plus les mêmes attraits pour la population shanghaïenne. Quant à la cliente à l’origine de la querelle avec le personnel du magasin Gaomei, elle reconnut très décemment son tort lors du débat et se rendit de sa propre initiative à la rédaction du Jiefang ribao pour déclarer que, désormais, avec l’aide des camarades de son organisation et de son entourage, elle progresserait rapidement.

36 Entretien de C. enregistré le 27 octobre 2006 à Guangzhou par l’auteur.

37 « Wuchanjieji Wenhua Dageming langchao xijuan shoudu jiedao “Hongweibing” menglie chongji zichanjieji de fengsu xiguan » (« La vague de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne déferle sur les rues de la capitale, les “Gardes rouges” attaquent violemment les habitudes bourgeoises », Quotidien du Peuple, 23 août 1966, p. 2.

38 Idem.

39 Lin Yifu, et al., Zhongguo de qiji (Le Miracle chinois), (version augmentée), Shanghai Sanlian Shudian, Shanghai Renmin Chubanshe, 2004, p. 28-38.

40 Wang Ning, Cong kuxingzhe shehui dao xiaofeizhe shehui: Zhongguo chengshi xiaofei zhidu, laodong jili yu zhuti jiegou zhuanxing (De la société ascétique à la société de consommation : système de consommation des villes chinoises, incitations au travail et transformation de la structure du sujet, Shehui Kexue Wenxian Chubanshe, Beijing, 2009, p. 44-106.

41 Xu Ben, “‘Xuyao’ zai Zhongguo de zhengzhi zhuanxing he lilun kunjing” (« Les “besoins” dans les mutations de la politique chinoise et la difficulté de leur position théorique »), in Huacheng, no 4, 2006.

42 Mai Shaoping (réd.), Guangzhoushizhi riyong gongyepin shangyezhi (Gazette de Guangzhou, chronique commerciale des biens de consommation courante), site Guangzhou shi Difangzhi.

43 Idem.

44 Xu Ben, “Wenge zhenzhi wenhua zhong de konju yu baoli” (« La terreur et la violence dans la culture politique de la Révolution culturelle, site Xueshu Zhonghua »).

45 Idem.

46 Idem.

47 Idem.

48 Le roman, la poésie, l’opéra révolutionnaire, le cinéma, la peinture, les affiches, les slogans et les mots d’ordre des années 1960 et 1970 portaient tous sur les héros et les événements représentatifs promus à l’époque, jamais sur l’individu, les rapports entre les sexes ou les sentiments personnels.

49 Xu Ben, op. cit.

50 H. Blumer, “Fashion: From Class Differentiation to Collective Selection”, Sociological Quarterly, 10, 1969, p. 275-291.

51 Wang Ning, « Fuzhuang tixian jiti yishi zhuanxing » (« Transformation de conscience vestimentaire collective »), in Nanfang ribao, 20 novembre 2003.

52 Le célèbre chercheur et critique Johan Galtung (1990) distingue trois formes de violence : la violence directe, la violence structurelle et la violence culturelle. Cité par Xu Ben, Wenge » zhengzhi wenhua zhong de kongju yu baoli (La Terreur et la violence dans la culture politique de la « Révolution culturelle »), op. cit.

53 Voir par exemple, Larissa Zakharova, S’habiller à la soviétique. La mode et le Dégel en URSS, Paris, CNRS éditions, 2011.

54 Prasenjit Duara, Culture, Power and the State — Rural North China 1900-1942, Standford University Press, Stanford, 1988. Traduction chinoise : Wenhua, quanli yu guojia: 1900-1942 nian de Huabei nongcun, traduit par Wang Fuming, Jiangsu Renmin Chubanshe, Nanjing, 2006, p. 1.

Illustrations

Sans titre

Sans titre

© Bahia Alecki

Homme portant une « tenue extravagante », chemise colorée de style hong-kongais, vers 1970.

Homme portant une « tenue extravagante », chemise colorée de style hong-kongais, vers 1970.

© Collection particulière.

Brigade rurale, 1968.

Brigade rurale, 1968.

© Collection particulière.

Robe colorée en Dacron, vers 1970.

Robe colorée en Dacron, vers 1970.

© Collection particulière.

Uniforme « Lénine » pour femme, vers 1970.

Uniforme « Lénine » pour femme, vers 1970.

© Collection particulière.

Robes Jiangqing, vers 1970.

Robes Jiangqing, vers 1970.

© Collection particulière.

Uniforme de travailleur masculin, réunion publique, 1967.

Uniforme de travailleur masculin, réunion publique, 1967.

© Collection particulière.

Photographie souvenir de trois coopérants (L.  à gauche) en 1969 à Paris. 

Photographie souvenir de trois coopérants (L.  à gauche) en 1969 à Paris. 

© Collection particulière

Citer cet article

Référence papier

Sun Peidong et Bahia Alecki, « Abolir la mode », Modes pratiques, 2 | 2017, 124-144.

Référence électronique

Sun Peidong et Bahia Alecki, « Abolir la mode », Modes pratiques [En ligne], 2 | 2017, mis en ligne le 05 avril 2023, consulté le 26 avril 2024. URL : https://devisu.inha.fr/modespratiques/350

Auteurs

Sun Peidong

Bahia Alecki

Traducteur

Michel Vallet