Une saison au large

Quand la croisière devient une scène de la mode

DOI : 10.54390/modespratiques.396

p. 100-117

Plan

Texte

Le Sundeck du paquebot Le Normandie, 1935. Illustration Paul Iribe pour la plaquette publicitaire de présentation du bateau lors de son lancement.

Le Sundeck du paquebot Le Normandie, 1935. Illustration Paul Iribe pour la plaquette publicitaire de présentation du bateau lors de son lancement.

© Collection Kharbine-Tapabor.

« À cette immense anxiété, une seule trêve : le voyage et surtout la croisière. Ne dites pas : “Nous n’abandonnerons pas nos soucis à la douane tel un indésirable bagage, la radio, les lettres nous replongerons dans notre atmosphère de chaque jour”… Rien n’est plus faux. Il y a dans l’horizon sans limites de la mer, dans la majesté des rivages nordiques, dans l’immobile volupté des pays chauds, un pouvoir d’apaisement et d’oubli auquel rien ne résiste1 » annonce Femina en 1938. Le voyage comme rempart à l’anxiété, suspension du temps présent, orchestration du repli : telles sont les promesses des publicités et des articles consacrés à la promotion des voyages en paquebot dans les années 1930. Durant l’entre-deux-guerres, la vogue des croisières est en plein essor. Rien de mieux que de partir à l’autre bout du monde : l’été au Spitzberg et l’hiver en Amérique centrale, pour construire « sa cartographie mentale de l’esquive2 ». À bord des paquebots grand luxe, le personnel rivalise d’imagination pour que les passagers se divertissent, se relaxent et oublient… qu’ils sont en mer, lieu de tous les dangers.

Si la croisière évoque aujourd’hui la découverte et les mondanités, le sens premier du terme est militaire. Au xviie siècle, la « croisière » faisait référence à une étendue de mer sur laquelle les galères et vaisseaux de guerre allaient et venaient afin d’assurer la sécurité maritime. Il faut attendre le xixe siècle pour que le transport des passagers se développe. En 1864, après avoir instauré une ligne entre Saint-Nazaire et Vera Cruz, les frères Pereire, fondateurs de la Compagnie Générale transatlantique (« La Transat »), inaugurent la ligne Le Havre-New York pour le service postal avec le Washington, navire à roues construit en Écosse. La compagnie britannique rivale, la Cunard Line3, est déjà en activité depuis vingt ans sur la ligne Liverpool-Halifax, au Canada. En 1866, le paquebot Washington atteint New York après 13 jours de navigation. Les émigrants, embarqués à prix réduit en troisième classe, constituent la majeure partie des 300 passagers. Les conditions de voyage ne sont pas alors idylliques : le naufrage menace encore. Mais les traversées sont cependant de plus en plus rapides. En 1872, Adriatic de la White Star – autre compagnie rivale de La Transat – obtient le Ruban bleu pour son record de la traversée de l’Atlantique en 7 jours et 23 heures.

C’est sur ces lignes transatlantiques que la clientèle est la plus nombreuse et les paquebots les plus prestigieux mais très vite un florilège de destinations exotiques, y compris polaires, voit le jour. Chaque compagnie se voulait être la vitrine d’un savoir-faire technique et d’un savoir-vivre. La France défend un luxe poussé à l’extrême, avant que ne se généralise le transport aérien. Parallèlement à cette industrie du confort et du luxe qui se développe à bord, des codes vestimentaires stricts régissent la vie des croisiéristes. En ce sens, dans les années 1920, les ensembles destinés au voyage se structurent en des collections ou lignes spécialisées, parallèlement à la naissance des « collections entre-saison » ou « collections demi-saison » – appelées aujourd’hui « pré-collections ». Prémisses des collections croisière actuelles, ces lignes mi-sportswear, mi-estivales, mi-citadines en cas d’escales nombreuses, annoncent la naissance du prêt-à-porter en présentant des modèles plus faciles à confectionner. En 1927, Jeanne Lanvin ouvre sept succursales à Biarritz, Deauville, Le Touquet, Cannes, Madrid, Barcelone et Buenos Aires et un an plus tard, Jean Patou lance sa ligne « Sport et Voyage ». À bord des paquebots, les élégantes changent plusieurs fois de tenue par jour. Ainsi, les revues d’époque multiplient les conseils pour préparer son « trousseau pour partir en croisière4 ». Même si les garde-robes s’allègent, la malle-armoire fait fureur et le business des malletiers explose au début du siècle tout comme celui des produits dérivés. En 1935, Jean Patou lance son parfum « Normandie » avec un flacon dessiné par Louis Süe, aux allures de paquebot, édité à seulement 500 exemplaires et offert aux passagers de première classe lors de la traversée inaugurale du célèbre paquebot. Avec le développement de l’aviation et l’avènement du prêt-à-porter, les lignes dédiées au voyage tombent peu à peu en désuétude pour renaître dans les années 1980 et exploser dans les années 1990 – à une époque où paradoxalement les croisières devenant très populaires sont jugées vulgaires. Yves Saint Laurent en 1983 lance sa ligne « Variation », destinée au marché américain, une mode casual inspirée de l’univers de la croisière, plus abordable que « Rive gauche ».

L’expression même de « collections croisière » n’apparaît que dans les années 1990 dans le lexique officiel de l’industrie (cruise collection, en anglais). Ainsi, il faudra attendra presque un siècle pour que le terme soit adopté expressément comme tel par les maisons de mode. Mais il s’agit d’un faux-ami car il n’est désormais plus question de bateau ou de marin5, sinon d’évasion. Au mois de mai, en période creuse, entre la Fashion Week de mars et la semaine de la haute couture parisienne de juillet, les défilés croisière se multiplient aux quatre coins du monde. L’industrie du luxe calque aujourd’hui ses rythmes de collection sur ceux de la fast-fashion. Véritable business, les collections croisière sont aujourd’hui celles qui restent le plus longtemps en boutique.

Le pyjama, uniforme des croisières

Du pyjama de lit au pyjama de plage

Au début du xxe siècle, aucune tenue particulière de croisière ou de yachting n’est à signaler, les femmes constituent leur trousseau de voyage en piochant ici et là dans l’offre existante des couturiers. « Une des joies de Trouville, c’est le yacht ; c’est la vie à bord de ces joujoux vernissés, au balancement rythmé des vagues. Nombreuses sont celles qui vont y jeter l’ancre pour la saison. […] Le yachting ne veut pas de costumes spéciaux. Pour la croisière ou le long voyage on met des robes de lingerie, en mousseline ou en tulle, et l’on s’enveloppe dans des grands manteaux de fourrure ou de drap » peut-on lire dans la revue Les Modes, en 19086. Mais les règles vestimentaires évoluent vite. Dès les années 1910, la mode des sports nautiques est à son apogée : les réclames publicitaires7 constituent autant de relais pour la promotion de la pratique de petits bateaux de croisière sur la Côte d’Azur – terme forgé en 1887 par l’écrivain Stéphen Liégeard8 – et la côte Normande. Ainsi, en 1913, Gabrielle Chanel ouvre sa boutique à Deauville et introduit le sportswear. Sa ligne de vêtements en jersey révolutionne la relation que les femmes entretiennent avec leur corps et leur façon de vivre. Deux ans plus tard, la couturière ouvre sa maison à Biarritz. Dès 1918, Jeanne Lanvin propose des vêtements spécialement créés pour des villes balnéaires comme Cannes, Biarritz ou Nice avec des tenues adaptées à ces escales pour une clientèle désireuse de se différencier : des modèles plutôt de jour (des ensembles en jersey, laine, coton) ainsi que des tenues de cocktail (robes et manteaux du soir9). Les garde-robes commencent à s’alléger. Ce n’est qu’à la fin des années 1920 qu’apparaît le futur uniforme des croisières : le pyjama de plage. Confortable et élégant, il laisse une grande liberté de mouvement. Cet imaginaire est d’autant plus fort que le pyjama lui-même évoque les des contrées lointaines. « Pyjama » vient de l’hindoustani « pâê-jama », signifiant « vêtement de jambes ». En Inde, il se portait avec une tunique traditionnelle longue baptisée « kurta ». Vêtement oriental de jour, il est exporté par les colons britanniques au xixe siècle et adopté par les classes aisées comme substitut exotique aux traditionnelles chemises de nuit. « Il est incontestable que le pyjama provient des Indes où quelque officier spleenétique et fashionable l’adopta10 » écrit Les Modes de la femme de France en 1922 étudiant les origines du vêtement. Le journal décrit une « fantaisie saugrenue chère à quelque anglophile maniaque féru d’exotisme11… » qui évoque le « farniente », le « nonchaloir ». « C’est surtout comme parure de lit que les Anglais retiennent le pyjama ; leur amour du confort chérit ce coucher sportif12 », poursuit la revue, indiquant que ce n’est que quelques années après qu’il « a traversé le Canal pour se montrer à Paris », où il reste l’apanage des hommes jusqu’aux années 1910. À cette époque, le pyjama de lit (dit d’intérieur, pas encore de plage) suscite les plus vives inquiétudes des magazines féminins. En 1913, La vie Parisienne s’alarme : « on fait beaucoup de bruit autour d’un nouveau caprice de la mode féminine : nos élégantes seraient sur le point d’adopter le pyjama masculin comme costume d’intérieur. De grâce, mesdames, n’en faites rien13 ! » La revue milite pour le port de déshabillés galants : « le pyjama est une importation anglaise, les Parisiennes rejetteront cette mode inopportune, car elles ne sont point féministes à la manière des suffragettes qui, méprisant les hommes, n’ont qu’un seul but : les imiter en tout ». Le pyjama d’intérieur se féminise avec peine. Au début des années 1920, on commence à accepter cette nouvelle « fantaisie » : « cette façon de porter la culotte semble un agréable symbole de l’égalité des sexes. Ajoutez à cette austère considération une petite joie de bravade, de léger piquant de scandaliser les gens bien-pensants. Or voici qu’on ne les scandalise plus ! Le pyjama devient classique […] Voici de plus, que les hommes répondent à nos provocations en ressuscitant la bonne vieille robe de chambre de Joseph Prudhomme14 ». C’est à la fin de la décennie que cette pièce controversée du vestiaire féminin fait son apparition sur les plages et sur le pont des paquebots.

« Pyjamapolis »

Couverture de la liste des passagers pour un voyage en bateau de la Compagnie Générale Transatlantique, 1925.

Couverture de la liste des passagers pour un voyage en bateau de la Compagnie Générale Transatlantique, 1925.

© Collection Kharbine-Tapabor.

C’est sur le sable du Lido15 qu’il aurait fait ses premières sorties avant d’être propulsé « fantaisie la plus populaire parmi les femmes » sur la Riviera. En 1931, Juan-Les-Pins est surnommé « Pyjamapolis » par L’Illustration : « Juan-les-Pins est devenu le royaume du pyjama, qui mériterait, si cette charmante station méditerranéenne possédait un blason, d’y figurer comme emblème16 ». Rester au bord de la mer en costume de bain quand on ne se baigne pas est perçu comme provocant ; rester étendue sur la plage en toilette de promenade ou de casino, c’est « coûteux, inutile et vain17 ». D’où le choix d’une formule mixte qui ménage la pudeur, concilie la raison avec l’économie et l’économie avec la distinction. Le pyjama de plage – compromis entre robe et maillot – peut-on lire sous la plume de Coline en 1930 dans La Femme de France, se compose « d’un chemisier, d’un pantalon long, pour ne pas dire à traîne et, d’une longue veste ou bien de pas de veste du tout ». Pour autant, la journaliste n’est toujours pas convaincue de cette nouvelle tendance et se moque allégrement de celles qui s’y adonnent, « descendant vers les eaux avec leurs longs corps sans relief, ressemblant à une armée de rames à pois atteinte de la maladie collective du suicide18 ». On retrouve à Pyjamapolis, le Tout-Paris cosmopolite qui « dort en pyjama, déjeune et dîne en pyjama, danse en pyjama et pense en pyjama19 ». Mais attention, « tout excès de féminité qui évoquerait le boudoir est banni sur la plage20 ». Le crêpe de Chine et le satin sont réservés à l’intérieur. Les pyjamas de plage sont eux en lainage et tissus de coton, idéal pour la flânerie sur le pont du paquebot ou les virées en yacht.

« Troisième sexe »

La notion fait son apparition dans les revues des années 1930 : « c’est un troisième sexe parce, lorsqu’une femme a revêtu un pyjama de plage, elle n’a plus tout à fait l’air d’une femme, mais elle n’a pas encore tout à fait non plus l’air d’un garçon. Tout le monde y trouve son compte en ce sens que le côté garçon du pyjama, c’est-à-dire sa coupe nette et simple assure un sentiment de décence et de confort, cependant que le côté fille c’est-à-dire la qualité du tissu, de ses jolis dessins, ses gais coloris, donne un air de grâce à la coquetterie nécessaire à toute toilette féminine21 ». La mode du pyjama de plage est véritable raz-de-marée : tous les couturiers de l’époque proposent leur version, Jenny, Jane Régny, Marcelle Dormoy, Gabrielle Chanel, Jean Patou, Marcel Rochas ou encore Vera Borea. Fluides, longs, parfois bouffants et resserrés à la cheville par une rangée de boutons, ils rivalisent d’originalité. Mais, leur élégance est fonction de leur netteté : plus ils sont stricts et masculins, plus ils sont chics. En 1929, Jean Patou lance son parfum Sien, dont le sous-titre publicitaire est « Parfum masculin pour la femme “sport” ». Sur l’une des publicités de la maison, on peut même lire : « À la femme moderne libre de ses mouvements comme de son esprit, sied un parfum masculin. […] Un parfum de claire camaraderie, d’égalité courtoise : l’homme et la femme d’à présent font équipe pour le match de la vie ». « Sien » est le premier parfum unisexe de l’histoire de la parfumerie, il couronne l’avènement du sportwear, cette rencontre du masculin et du féminin, comme si dans l’espace-temps particulier de la croisière, ces brouillages étaient possibles.

Les amusements de la croisière

Sport et voyage

À bord, les élégantes s’en donnent à cœur joie. « Voici l’heureuse époque des vacances, où les possibilités de toilette sont illimitées22 » écrit le supplément de La Mode du jour. Sportswear et tenues de croisière s’entremêlent : en 1923 Jeanne Lanvin ouvre son département « Sport » où une mode sportive côtoie des vêtements dits de jour et Jean Patou suit en 1928 en créant sa ligne « Sport et Voyage » comprenant costumes de sport, robes de plage et de casino…, totalement indépendante des modèles de haute couture. Déjà en 1925, le couturier développait des vêtements de sport techniques et des vêtements de loisir d’un chic décontracté vendus au rez-de-chaussée de sa maison de couture parisienne, dans un rayon baptisé le « Coin des Sports ». Plus facile à confectionner et à produire, les modèles de cette ligne « Sport et Voyage » font l’objet d’une gratification moins généreuse pour les premières d’atelier que ceux de la ligne principale de haute couture. En effet, Jean Patou verse des primes aux premières d’atelier de haute couture à chaque répétition de leurs modèles, en plus de leur salaire fixe. Ainsi, en 1931, 10 fr. séparent les primes entre le rayon couture et le rayon « Sport et Voyage ». La moindre importance de la gratification sur le rayon « Sport et Voyage » s’explique par les prix de vente inférieurs de ces articles et le moindre temps de travail qu’ils demandent23. Ainsi, cette ligne sportswear ressemble en de nombreux points au prêt-à-porter qui se développe dans la seconde moitié du xxe siècle.

Pour les traversées, il faut prévoir des tenues pour la pratique des sports qui sont multiples et variés. Par exemple, à bord du paquebot France mis en service en 1912 et qui assura la ligne Le Havre-New York jusqu’en 1932, on trouve à disposition des croisiéristes une salle de mécanothérapie (l’ancêtre du fitness) : « on peut y faire, mécaniquement, du cheval, de la bicyclette, voire du chameau. L’installation possède des extenseurs pour les bras, un appareil à ramer24 », peut-on lire dans le livret du paquebot édité en 1912. Près de cette salle « s’ouvre la salle d’hydrothérapie, pourvue des agencements les plus modernes : douches en cercle, en jet, en pluie, massage sous l’eau, et contiguë à la salle de massage que dessert un spécialiste, et à la salle de repos25 ». Des jeux variés permettent aux passagers de rendre plus brèves les traversées comme « le croquet et le jeu de tonneau26 ». À bord du Normandie, sur le sundeck supérieur, un cours de tennis grandeur nature et un terrain de shuffle-board, jeu de palet incontournable à bord sont installés entre la deuxième et troisième cheminée. Sans oublier la piscine intérieure première classe qui donnait directement sur un bar et une salle de gymnastique.

Le costume moral des croisiéristes

« En croisière », Le Petit Écho de la Mode, 28 août 1933.

« En croisière », Le Petit Écho de la Mode, 28 août 1933.

© Collection Modes pratiques.

« A rua principal », Hall principal du bateau. Brochure publicitaire portugaise pour le paquebot L’Atlantique, vers 1930.

« A rua principal », Hall principal du bateau. Brochure publicitaire portugaise pour le paquebot L’Atlantique, vers 1930.

© Collection Kharbine-Tapabor.

Dans les années 1930 les tenues spécifiquement dédiées à la vie à bord se généralisent. En 1934, l’expression « costume de croisière » apparaît dans la presse. « La mode s’est entichée d’une activité nouvelle. Elle a créé des costumes de croisière. Il y avait déjà les costumes de villégiature, d’été, de plage. Mais la croisière qui représente une villégiature d’été demande à n’être point confondue avec les élégances riveraines27 » peut-on lire dans Le Temps de 1934. On fait donc une distinction entre les tenues de plage et les codes vestimentaires réservés aux croisiéristes. « Les Açores refusent d’accepter les toilettes pour la Riviera », précise l’auteur de cet article titré « Le grand large » qui se moque de cette « discrimination excessivement subtile qui existe entre le costume de croisière et le costume de bains de mer ». Elle s’interroge : « Mais alors en quoi consistent les costumes de croisière ? Ah ! Ceci est très important. Pour bien comprendre, il faut avoir lu les Frères de la côte […]. Il faut posséder une photographie de Dolorès del Rio, des réminiscences d’Ombres blanches28, le respect de l’infini, bien connaître la biographie de Conrad ». « Une façon de fixer le large », « une supériorité dans la façon de s’installer au bar », « un goût assez modéré du voyage pour ne renoncer à rien de ce qui caractérise l’existence à terre29 ». « Voilà, bien plus que les ratines bleues et les flanelles blanches et les bérets, et les casquettes à visière et les pyjamas de jersey tricoté, le véritable costume moral de la terrienne en mal de naviguer30 », ironise l’auteur. Ainsi, on comprend que le costume de croisière est avant tout une affaire d’attitude, de posture de classe.

Trousseau

L’expression « trousseau pour partir en croisière31 » est à la mode dans les revues féminines, et les articles fourmillent de conseils pour le constituer. Les couturiers créent des ensembles destinés au voyage, au soleil ou à la plage en parallèle ou à l’intérieur des collections d’entre-saison ou de demi-saison qui se développent de façon accélérée. Dans les années 1930, les calendriers de la mode sont déjà bien fournis. Certains créateurs comme Hélène Yrande32 structurent leurs lignes estivales en plusieurs collections accompagnées d’une présentation officielle.

La vie à bord, qui offre beaucoup de loisirs, permet de changer de toilette plusieurs fois par jour. Il y a d’abord le maillot matinal pour les paquebots possédant une piscine, le short pour la promenade sur le pont supérieur ou le bain de soleil dans le transat. Les élégantes peuvent aussi se laisser tenter par le paletot de jersey avec ou sans manche, assorti au maillot de bain. Autre alternative : le paréo33 dont Jacques Heim fait sa signature. Quant à Paule Valence, elle accompagne ses shorts tricotés de plaids, drapés sur l’épaule qui ne « manquent pas de crânerie34 ». Les maillots sont faits en laine entretissée de latex, afin de mouler le corps comme une gaine (on trouve même chez Véra Boréa et Occulta des maillots en taffetas et satin caoutchoutés). On accompagne son pyjama de blouses de jersey de soie, de sweaters de laine ou de coton, selon la température, et aussi d’accessoires amusants, tels que cravates, ceintures, foulards aux couleurs vives. À côté des pyjamas et des shorts, les barboteuses coupées comme celles des petites filles séduisent de nombreuses femmes. Elsa Schiaparelli les confectionne en cotonnades imprimées. On porte de grandes capelines qui ombragent le visage, le cou, les épaules. Puis, pour le déjeuner, on adopte la petite robe d’été en toile de soie (signée Rodier par exemple). « Quelques heures plus tard, c’est enfin la robe de dîner – qui est souvent même de grand soir !… Car il y a bal, trois ou quatre fois par semaine, sur les paquebots français35 !… ».

Le business des malletiers

Rien d’étonnant alors à ce que le marché des malles et bagages fasse florès. « Ne commettez pas l’erreur d’emporter avec vous des bagages démodés qui dépareraient votre jolie toilette de voyage. Les selliers et les spécialistes exposent en ce moment, dans leurs vitrines, des nouveautés pratiques et charmantes, des bagages peu encombrants qui s’adaptent à toutes les sortes de déplacements », peut-on lire dans Femme de France en 193736. Le développement des croisières pousse les malletiers à développer des bagages adaptés à la vie de cabine. La malle armoire conçue autour des années 1875 devient très vite indispensable pour les longues traversées : une pièce imposante haute de plus de 1,80 m. avec des tiroirs et des cintres. Chaque malletier propose son modèle et l’enduit d’une toile imperméabilisée, signature de la Maison-Goyard, Louis Vuitton, Maison Bernard… Un couple emporte alors une quinzaine de malles pour traverser l’Atlantique. Au début du siècle, les malles sont tellement nombreuses et lourdes qu’elles sont hissées par des grues sur les paquebots37.

L’art de vivre à la française

À bord du Normandie (La Transat), on érige l’art de vivre à la française. Inauguré le 29 octobre 1932 devant une foule de 200 000 personnes et en présence du président de la République Albert Lebrun et mis en service en 1935, le paquebot mesure 313 m. de long et 37 m. de large38. Face à la concurrence anglaise de la White Star et de la Cunard Line, il faut se différencier. On mise sur la qualité du service et la splendeur de l’ornementation pour attirer la clientèle et la fidéliser. La course au raffinement et à la qualité du service donne naissance aux « palaces flottants ». Le Normandie c’est douze ponts et cinq étages de cabines réparties de part et d’autre de la salle à manger centrale, « chef-d’œuvre » de l’Art déco. Plus de quarante décorateurs ont travaillé sur le paquebot. Tout doit être remarquable : la salle à manger d’une hauteur de trois ponts, le salon de lecture ornée de peintures animalières de Paul Jouve, le fumoir paré de laques de Jean Dunand, le salon de bridge, le théâtre et on trouve même à bord une salle de culture physique. Les appartements de luxe sont habillés d’un mobilier en sycomore, en palissandre de Rio et en acajou de Cuba verni39. Le paquebot pouvait transporter 930 passagers de première classe, 680 passagers de classe touriste et 590 passagers de 3e classe40. Il fallait compter près de 1 300 membres d’équipage dont 187 cuisiniers, 9 coiffeurs, 16 musiciens mais aussi des sommeliers, barmen, boulangers, pâtissiers, femmes de chambre, grooms, maîtres d’hôtel, nurses, médecins, professeurs de golf et de natation41… ! Le voyage dure 5 à 6 jours en moyenne et le personnel de bord doit veiller à rompre la monotonie.

Sport et loisirs

Les passagers sont friands de divertissements légers. Les activités extérieures ne manquent pas à condition que le climat s’y prête. Aux traditionnels jeux de pont tels le shuffle-board ou le deck-tennis, on peut ajouter le tir aux pigeons et la natation (le Normandie compte deux piscines, la plus grande mesure 25 m42), sans oublier la détente sur les fameux « transats ». À l’intérieur, les commissaires proposent concerts, tournois de bridge et projections de films. Certains passagers préfèrent fréquenter la bibliothèque ou les boutiques. Le Normandie se trouve doté de trois lieux dédiés au culte : la chapelle des premières, celle de la classe Touriste et également une synagogue. Comble du luxe, la Transat n’oubliait pas les animaux de compagnie : un chenil était à leur disposition, tandis qu’un personnel dédié assurait leurs promenades quotidiennes et qu’un menu leur était spécialement préparé par les cuisiniers à bord43.

Bals, soirées déguisées, mondanités et stratification sociale

Sans titre

Sans titre

Cette photographie anonyme et les suivantes ont été prises par des croisiéristes parisiens, en croisière d’été et en croisière d’hiver, entre la fin des années 1910 et le milieu des années 1930.

© Collection Modes pratiques.

Excellent moyen de divertissement pour la clientèle, des bals costumés sont organisés à bord. On trouve même des magasins de costumes à bord. Toréadors, princesses lointaines, chefs iroquois, gitanes, chauve-souris44 : les idées de costumes ne manquent pas et les maquilleurs à bord sont là pour aider. Les spectacles en tout genre se multiplient. À bord de La Lorraine45, les shows de la Stacia Napierkowska – danseuse de vingt-deux ans immortalisée en peinture par Francis Picabia – attirent l’œil des curieux.

Les dîners de gala46 et les bals traditionnels sont de grands moments de vie à bord. Les couturiers imaginent des tenues spéciales, rythment les soirées organisées sur les paquebots : Jean Patou traite avec une dextérité particulière l’organdi, Edward Molyneux et Madeleine Vionnet plissent, gaufrent, froncent de la mousseline en robes. Gabrielle Chanel préconise toujours la dentelle et le tulle en robes dont les jupes immenses et les corsages ajustés transforment les femmes en corolles de fleurs. Jeanne Lanvin et Lucien Lelong emploient le tulle et Jacques Heim se spécialise dans les tailleurs du soir en coton. La salle à manger première classe de Normandie est un lieu de parade : les femmes rivalisent d’élégance et affichent leur réussite sociale. Il faut voir et être vu. C’est un lieu de rencontres entre voyageurs issus du gotha, utile pour étendre ses réseaux d’influence. On guette l’arrivée du capitaine et des célébrités qui auront l’honneur de partager son repas. En 1935, pour la première traversée du Normandie, on compte à bord quelques personnalités comme Blaise Cendrars, Colette, Marguerite Lebrun, épouse du Président de la République ou encore le maharajah de Kapurthala. Le France sera le paquebot de toutes les mondanités (de 1962 à 1974). Salvador Dali, Louis de Funès, Alfred Hitchcock, Marlene Dietrich : cette ship society a largement contribué à forger la légende du célèbre paquebot. Mondanités obligent, on édite toujours la liste des passagers avant embarquement.

Les journaux ont dépêché des plumes célèbres pour raconter la traversée. Ainsi, le quotidien Le Journal a engagé Colette et Paris-Soir a choisi Blaise Cendrars pour relater le voyage. Roger Schall, photographe parisien très connu pour ses reportages et photographies de mode immortalise l’événement. Blaise Cendrars choisit de séjourner dans une cabine de seconde classe et passe l’essentiel de la traversée dans la salle des machines. Colette décrit les détails luxueux de la vie à bord.

Tout le monde n’a pas les moyens de voyager en première classe. Début 1912, Gabrielle Buffet et Francis Picabia embarquent à bord du paquebot La Lorraine. En 1911, c’est Gabrielle qui se rend dans les bureaux de La Transat, situés 6, rue Auber, dans le quartier de l’Opéra. « Le bureau de vente est éclatant de modernité, les affiches sont dernier cri, les publicités montrent les gratte-ciels de Manhattan, des dépliants vantent le faste des lignes de croisière47 ». Mais les prix sont exorbitants pour le couple d’artistes. La traversée de six jours correspond à une année de loyer entière ! Ils se rabattent sur la « troisième classe cabine », une classe intermédiaire entre la seconde et la troisième, réservée aux migrants. Le couple fera donc le voyage loin des plus fortunés car l’accès aux première et seconde classes leur est interdit. La vie à bord des paquebots est très stratifiée, les classes sociologiquement étanches. En 1934, sur le paquebot Île-de-France, Marlene Dietrich, voyageant en première classe et Ernest Hemingway, passager de seconde font connaissance. L’écrivain s’introduit en première classe avec un smoking d’emprunt et invite l’actrice à sa table48.

La gastronomie et le service français sont un atout pour faire face à la concurrence : la Compagnie Générale Transatlantique se démarque de ses rivaux par le service et la cuisine typiquement français proposés sur ses navires. Un monstre tel que le paquebot Normandie engloutit de prodigieuses quantités de nourriture pour un voyage aller-retour : 5 500 kg de volailles et gibiers, 5 500 kg de poissons, 900 kg de fromages, 33 500 kg de légumes frais, 65 300 œufs, 80 000 kg de glace, 30 000 litres de vin de table. Manger est l’une des activités principales de la traversée. Aux trois repas quotidiens, s’ajoutent des buffets, des goûters, des collations servis en salle ou sur le pont. Le dîner est fixé à 19 h 30 dans la salle à manger (plus longue que la Galerie des Glaces à Versailles) et pour l’occasion, la grande cuisine française est mise à l’honneur : filets de sole au champagne, crème Reine Margot, truite saumonée au beurre nantais etc. Les plaisirs de la table prennent de l’ampleur jusqu’à atteindre leur apogée lors du dîner de gala proposé la veille de l’arrivée. Le caviar est surmonté d’une sculpture en glace, refaite chaque jour par le préposé aux statues.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Changer de saison

Le bronzage, ce trophée

À bord, le temps est comme suspendu. Les séances de bain de soleil sur le transat se multiplient. Les nouveaux pyjamas « une pièce sont très décolletés du haut afin de laisser le dos, les épaules et les bras à l’action du soleil49 ». En 1926, Jean Patou lance l’huile de Chaldée, une huile de bronzage. Avec ce dernier, « le bronze entre par la grande porte d’une marque d’élite dans les attributs de la beauté de supériorité sociale50 ». On est en plein « hédonisme d’après-guerre », souligne Pascal Ory dans son ouvrage L’invention du bronzage. Le dictionnaire Larousse accepte en 1928 le terme « bronzer51 ». Gabrielle Chanel en s’exposant au soleil fait figure de précurseur. Au début des années 1920, après une croisière au large de Cannes à bord du yacht du duc de Westminster, Chanel rentre à Paris harmonieusement hâlée. On veille à ce que « le costume de bains de soleil ait le même décolletage que les robes de soirée, sinon une femme élégante se verrait exposée, durant tout l’automne, à montrer dans les bals ou dans les dîners un dos dont les deux tiers seraient chocolat, et le troisième du blanc le plus délicat52 ». Une inversion se produit : jusqu’ici les élégantes devaient se prémunir du soleil. La peau blanche était le privilège des femmes qui ne travaillaient pas aux champs. Revenir bronzée de croisière, c’est exposer son mode de vie, montrer qu’on a le temps et l’argent d’aller chercher le soleil en hiver : le teint hâlé s’exhibe comme un trophée53. En 1929, Jean Patou déclare : « la vie en plein air et les bains de soleil font désormais partie de la routine de la vie moderne54 ».

L’hiver, on conseille les croisières au soleil, vers les Antilles ou l’Amérique centrale. Très tôt, les agences de tourisme se développent. En 1908, La Revue moderne des arts et de la vie vante les mérites de la société de MM. Le Bourgeois et Cie qui organise déjà de A à Z les voyages en Orient, Égypte, Palestine et Galilée55.

Au bord de l’hiver

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Partir en été sur la banquise et l’hiver au soleil : voici la promesse des croisières. Et les publicités sont très racoleuses : « Pourquoi ne pas faire comme tant d’autres une croisière de soleil en Méditerranée pendant l’hiver ? Cure de repos – Merveilleuse leçon de choses – Satisfaction certaine – Vacances incomparables56 ». Objectif : fuir le quotidien. « Les croisières, avec leur confort luxueux, leurs spectacles toujours divers, la molle et douce ordonnance des jours, sont un des seuls remèdes qu’a trouvés le Progrès pour corriger l’âpreté de ses autres découvertes57 ». Les affiches maritimes imaginées par exemple par les artistes Adolphe Mouron Cassandre58, Albert Sebille, Sandy-Hook, Albert Brenet ou encore Mathurin Méheut sont des invitations au voyage. La créativité de ces artistes était encouragée par les commandes des compagnies maritimes, soucieuses d’attirer une clientèle toujours plus nombreuse. Ces affiches publicitaires ont pleinement participé à la légende des lignes françaises.

Mais dès 1930, on assiste à un second retournement des saisons : La Transat inscrit le Spitzberg dans son catalogue59. En 1931, elle organise des croisières d’été vers la banquise à bord du Paquebot Cuba. Le tourisme vers l’Arctique60 est alors le comble du chic. Jusqu’ici La Transat a construit sa réputation en assurant le transport de passagers vers les États-Unis. La proposition touristique vers le Grand Nord s’inscrit à l’intérieur d’un plan de relance et de diversification de l’entreprise qui connaît des difficultés économiques fortes à partir de 1931. Par ailleurs, la compagnie sent bien que le développement rapide de l’aviation va lui faire de l’ombre sur ses traversées atlantiques : inscrire l’arctique à ses destinations est une manière de se résister à cette nouvelle concurrence.

« On va maintenant à la banquise comme d’autres vont à Fontainebleau, on escalade le Cap-Nord, on visite les geysers d’Islande, et tel qui, jadis, s’exerçait à ferrer la truite, s’amuse à voir pêcher la baleine61 », peut-on lire dans un article de Femina de 1932 intitulé « L’été au Spitzberg ». Le voyage à bord du Colombie par exemple, le navire de La Transat qui va jusqu’au Spitzberg promène les croisiéristes à travers tous leurs souvenirs de lecture, « tous les enthousiasmes de (leurs) cervelles62 ». L’envie des pôles s’est forgée pas à pas dans l’imaginaire collectif depuis le xixe siècle63. Une littérature nombreuse et diverse participe de ce processus. Jules Verne, entre autres, publie plusieurs récits sur fond polaire : Voyage au centre de la terre, Voyages et aventures du capitaine Hatteras, Le Sphinx des glaces… Ainsi, les contrées glaciaires ne restent pas l’apanage des seuls scientifiques ou militaires : le grand public les adopte. On assiste à la propagation d’un « goût polaire ». Dans les revues, tout est mis en œuvre pour faire rêver le lecteur : « le navire ne s’arrête qu’au moment où, entouré par les glaces de toute part, il ne pourra naviguer plus avant. Vous aurez alors devant vous la blanche étendue qui seule, vous sépare du pôle64 ». Le propos est exagéré puisque le voyage s’arrête en fait à Magdalena Bay, soit à plus de 1 000 km du pôle65. Ces voyages permettent en outre de faire accepter à la population française les politiques scientifiques mais aussi géostratégiques que le pays mène dans ces terres de glace66. Il demeure qu’ils restent le privilège d’une élite sociale. Pour se protéger du froid, les élégantes portent des manteaux en fourrure Max ou Revillon Frères, des pièces de lainage agrémentées de longs panneaux de panthère signées Madeleine Vionnet, des capes en astrakan de Weil. On troque les bérets d’été contre des toques garnies de renard provenant de la maison Schiaparelli. En 1935, l’astrakan, la loutre d’Hudson, le renard argenté sont à la mode67. La fourrure est aussi employée pour nombre d’accessoires comme les manchons-sacs et les gants fourrés.

Les modèles en tissus whipcord ou corkscrew permettent de résister au froid. Tombées en désuétude dans les années 1950, parallèlement à l’essor du transport aérien, ces collections spécialisées pour le voyage ne renaîtront que bien des décennies plus tard. Dès sa nomination à la tête de la direction artistique de la maison Chanel en 1983, Karl Lagerfeld présente à la fin du printemps, en marge du prêt-à-porter, des silhouettes annonciatrices de l’été suivant. Preuve de son succès, des défilés annuels baptisés alors « défilés croisière » sont organisés dès les années 2000. Le concept s’étend progressivement à toute l’industrie de la mode.

Le luxe prend le large

Près d’un siècle après leur apparition, les « collections croisière » se multiplient. Ainsi, en 2017, Prada a lancé pour la toute première fois sa « cruise collection ». Pour présenter ces collections, les Maisons de luxe quadrillent la planète : en mai 2017, Dior s’est installé dans la réserve naturelle de Santa Monica en Californie quand Louis Vuitton s’envolait pour Kyoto. Ces décentralisations participent d’un mouvement plus large – le format des quatre fashion weeks leaders est contesté : sur-médiatisation, acheteurs et journalistes lassés, débauches de scénographies devenues plus importantes que les vêtements eux-mêmes, dilution des tendances. Avec des scénographies exceptionnelles (le budget d’un défilé croisière d’une grande marque de luxe peut frôler les 10 millions d’euros, contre 3 à 5 millions d’euros pour un défilé classique), des locations « exotiques », des centaines d’invités triés sur le volet : les défilés croisière attirent les radars de la presse. Pour le PDG de Louis Vuitton, Michael Burke la collection croisière est « la plus importante économiquement et stratégiquement68 ». « Les défilés croisière représentent aussi un geste stratégique bienvenu pour remercier une clientèle internationale. Le fait de présenter une collection dans un pays qui compte un certain nombre d’acheteurs de haute couture peut être aussi une excellente manière pour une maison de témoigner sa gratitude et son attachement à sa base locale69 », peut-on lire dans L’Officiel. Dans un contexte de globalisation, les défilés croisière permettent aux marques d’élargir leurs audiences à l’échelle mondiale.

Le business des « collections croisière » ne date pas d’aujourd’hui. En 1927, Jeanne Lanvin ouvre sept succursales – de Barcelone à Buenos Aires70 – pour écouler ses collections dédiées au voyage. Le 9 février 1925, Jean Patou fait l’acquisition, aux enchères, pour un peu plus d’un million de francs, de l’ancienne mairie de Biarritz. Cette boutique sera ouverte à l’année contrairement aux succursales de Deauville, Monte-Carlo, Cannes ou Venise (qui ne sont que d’éphémères chrysalides de la maison mère71). En 1948, Christian Dior installe sa griffe aux États-Unis et officialise la naissance de cet exercice avec sa collection baptisée « Resort & Spring ». Ce vestiaire aux couleurs et matières estivales accompagne les riches Américaines, premières consommatrices de ce luxe voyageur, dans leurs vacances au soleil. « Si vous voyagez beaucoup, il vous faut des tenues spéciales qui soient légères, peu encombrantes, et qui ne se froissent pas trop », explique Christian Dior dans son Petit Dictionnaire de la mode. Plus tard, en 1957, le couturier dévoile sa ligne de maillots de bain, dessinés dans son studio, à Paris, et confectionnés à Los Angeles, en partenariat avec la marque Cole of California, célèbre pour ses maillots aux coupes modernes. Composée d’une quinzaine de modèles, baptisés Liberté ou encore Caprice, la collection est un hommage à la douceur de vivre californienne. Après la Seconde Guerre mondiale (hormis Christian Dior), les vêtements pour croisière tombent peu à peu en désuétude. En 1956, dans Vogue, on peut même lire : « plus personne ne songe à monter un vestiaire particulier pour partir en croisière. On s’ingénie au contraire à choisir une série de vêtements parfaitement adaptés à un tel voyage mais utilisables en d’autres circonstances et tout au long de l’année72 ».

Le voyage, valeur refuge

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Aujourd’hui l’expression « collection croisière » a perdu de son acception historique littérale – comprendre des vêtements pour partir en voyage à bord des paquebots – mais c’est tout un imaginaire d’évasion que tentent de vendre les maisons. Le voyage apparaît comme une valeur refuge, le nomadisme un mode de vie. C’est seulement dans les années 1990 que le terme « collection croisière » apparaît dans le lexique des maisons françaises suivi de l’appellation « défilés croisière » au début des années 2000. En 1995, Karl Lagerfeld signe sa première collection croisière pour Chanel. En 1997, le Journal du Textile se fait le témoin de ce goût soudain de la mode pour les croisières : « Signe d’un développement de ce type de loisirs ou d’un vieillissement de la population ? Les collections “croisière” ont le vent en poupe. […] John Galliano, à son tour gagné par le virus, présentera une collection sur ce thème au moment des défilés de haute couture. Distincte du prêt-à-porter présenté en octobre mais dans la même gamme de prix – cette “pré-collection” sera mise en vente dans les magasins à partir de novembre73 ». Aujourd’hui ce sont les collections qui restent le plus longtemps en boutique, de novembre à mai. Les modèles estampillés croisière servent surtout à maintenir le désir d’achat. Pré-collections, collections croisières, salons, semaines de la mode, collections capsule et événements spéciaux : les calendriers internationaux de mode semblent aujourd’hui au bord de la saturation et la notion de saisonnalité en voie de disparition.

Les défilés croisière sont aujourd’hui des évènements monstres. Les maisons parisiennes sont les premières à avoir transformé ces collections en événements-spectacles. Chanel a fait figure de précurseur : la Maison convie depuis 2002 ses invités à un show itinérant à travers le monde, de Singapour à New York, en passant par La Havane où les mannequins défilent dans la rue en 201674. Le premier défilé croisière de Dior est organisé en mai 2005 à New York, dans la tour LVMH de Manhattan : 200 acheteurs et journalistes de la presse locale sont conviés. En 2014, la Maison française organise à nouveau son défilé croisière à New York mais cette fois-ci avec 950 journalistes et acheteurs invités, soulignant ainsi l’essor de l’exercice. En 2014, Louis Vuitton entre dans la danse en présentant sa collection croisière à Monaco. En 2016, la marque s’installe dans le musée d’art contemporain de Rio, signé Oscar Niemeyer. Ces collections sont toujours présentées en exclusivité aux clientes VIP et à la presse internationale dans des décors exceptionnels. Ainsi, à chaque saison, la maison Chanel change de lieu pour ses défilés : aux bords de la piscine de l’Hôtel Raleigh à Miami en 2008, sur la plage du Lido à Venise en 2009, à Singapour en 2013, sur une île au large de Dubaï, dans un décor inspiré des Mille et une nuits en 2014, sur le Paseo del Prado, la grande avenue de La Havane en 2016. Dior se déplace du Palais des bulles à Théoule-sur-Mer (2015) à Kyoto (2017) en passant par la bibliothèque du palais de Blenheim au Royaume-Uni (2016). « Dans la plupart des cas, à l’exception d’une poignée de journalistes qui se font encore financer le voyage par leur magazine, c’est la marque qui règle les frais de déplacement de son groupe d’invités triés sur le volet. Il s’agit en général d’un circuit culturel émaillé aussi bien de visites dans des musées que de dîners et de soirées dans les plus somptueux établissements locaux, le défilé croisière constituant à la fois la pièce de résistance et le bouquet final75 », peut-on lire dans L’Officiel. Une surenchère qui vise donc seulement une poignée de privilégiés, une manière de montrer que la mode n’est démocratique qu’en apparence. Ici se situe peut-être la filiation avec les lignes vestimentaires spécialisées du début du siècle : une histoire de privilégiés.

En mai 2018, lors de son défilé76 croisière 2019, Chanel a reconstitué un paquebot grandeur nature sous la nef du Grand Palais à Paris devant un parterre de 962 invités77. Les mannequins défilent coiffés de bérets, vêtus de robes légères imprimées de roses des vents et de manteaux brodés de fils multicolores qui s’échappent, comme un clin d’œil aux serpentins que l’on jetait vers le quai à l’heure du départ. Une mise en abyme stylistique : une collection croisière sur la croisière. Karl Lagerfeld rend directement hommage aux racines historiques des collections croisière, réhabilite leur sens et leur esprit originels dans le design même des vêtements, ponctués d’allusions aux trousseaux du début du siècle que préparaient les élégantes. Une façon de revenir aux sources de la mode, d’assumer son héritage. Plus d’un siècle plus tard, les collections croisière n’ont jamais mieux porté leur nom.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

1  Françoise Arnoux, « Croisières, Asiles d’insouciance », Femina, mai 1938.

2  Sylvain Tesson, Sur les chemins noirs, Paris, Gallimard, coll. « NRF », 2016, p. 35-36. « Non contents de tracer un réseau de traverse, les chemins

3  Créée en 1838 par Samuel Cunard, la Cunard a exploité la première ligne transatlantique à vapeur pour passagers en 1840.

4  Par exemple, citons : Coline, « Partons en croisière… », Femme de France, 5 juillet 1936, p. 10-11.

5  Carine Bizet, « Croisière, un défilé de mode sans bateau ni marin », Le Monde, 5 mai 2017.

6  « Petite chronique des Modes », Les Modes, septembre 1908, p. 24.

7  Collection d’affiches P. L. M. (Paris Lyon Méditerranée) sur la Côte d’Azur au début des années 1910.

8  Stéphen Liégeard, La Côte d’Azur, Paris, Maison Quantin, Paris, 1887.

9  Entretien avec Laure Harivel, responsable du patrimoine de la Maison Lanvin.

10  Pierre de Trevières, « Modes masculines. Pyjamas », Les Modes de la femme de France, 26 novembre 1922, p. 48.

11  Ibid.

12  Ibid.

13  « Choses et autres », La Vie parisienne, 9 août 1913, p. 575.

14  Martine Rénier, « La lutte du pyjama contre le déshabillé », Flirt, 15 mai 1922, p. 16-17.

15  Publicité « Lido de Venise. La plage du soleil et des pyjamas » – Compagnie italienne des grands hôtels, parue dans L’Illustration, 11 mai 1927.

16  Robert de Beauplan, « Pyjamapolis », L’Illustration, 22 août 1931.

17  Coline, « Vacances à la mer », La Femme de France, 8 juin 1930.

18  Ibid.

19  Ibid.

20  Huguette Darcy, « Les images de la mode », Les dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour, 12 juin 1932.

21  Coline, « Les pyjamas de plage », La Femme de France, 29 juin 1930.

22  Huguette Darcy, « Les images de la mode », Les dimanches de la femme, supplément de la « Mode du jour », 12 juin 1932.

23  Johanna Zanon, « La face cachée de la Lune : les ateliers de couture de la maison Jean Patou dans l’entredeux-guerres », Apparence(s),vol. 7, juin

24  Livret du Paquebot « France », 1912.

25  Ibid.

26  Ibid.

27  Germaine Beaumont, « Au grand large », Le Temps, 23 mai 1934, p. 6.

28  Ombres blanches dans les mers du sud, film de 1928 réalisé par Robert J. Flaherty et W. S. Van Dyke.

29  Germaine Beaumont, « Au grand large », Le Temps, 23 mai 1934, p. 6.

30  Ibid.

31  Coline, « Partons en croisière… », Femme de France, 05 juillet 1936, p. 10-11.

32  Publicité parue dans Vogue d’avril 1931 : « Hélène Ylandre montrera sa collection de vêtements pour plage, sport, voyage le mardi 7 avril à 2 h 30

33  Constance d’Heigny, « Du short au pantalon », La femme de France, 16 juin 1936, p. 5-6.

34  Ibid.

35  Juliette Lancret, « Élégances de croisière », Le Journal, 22 août 1939.

36  « Les bagages élégants », Femme de France, 16 juin 1937, p. 9.

37  Janvier 1912, embarcation à bord de La Lorraine décrite dans l’ouvrage de Anne et Claire Berest, Gabriële, Paris, Stock, 2017.

38  « Le paquebot “Normandie”, évacué, s’est couché sur le flanc », Journal des débats politiques et littéraires, 11 février 1942, p. 2.

39  « Paquebot Normandie », Art national, février 1936, p. 41 -52. Dossier qui présente le mobilier et la décoration des appartements luxe et

40  Ibid.

41  Jean Antoine, « Normandie », géant des mers, stade flottant », Match, 28 mai 1935, p. 13.

42  Ibid.

43  « Ces messieurs les chiens sont servis », L’Écho d’Alger, 25 juillet 1937, p. 2.

44  M.-M. d’Armagnac, Loin du nid, Paris, Hachette 1933.

45  Mis en service en 1900, La Lorraine est alors le plus luxueux paquebot français (décoration Second Empire).

46  Yann Loranz, « La croisière de “Paris-Soir” à bord de “Normandie” a été marquée par des fêtes splendides », Paris-soir, 23 juillet 1935, p. 5.

47  Anne et Claire Berest, Gabriële, Paris, Stock, 2017.

48  Julien Burri, « En première classe sur un transatlantique des années 1920 », Le Temps, 9 septembre 2017.

49  Huguette Darcy, « Les images de la mode », Les dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour, 12 juin 1932.

50  Pascal Ory, L’invention du bronzage, Ed. Complexe, 2008.

51  Catherine Örmen, L’art de la mode, Citadelles & Mazenod, 2015.

52  « Élégances », La Vie parisienne, 25 août 1928, p. 700.

53  Catherine Örmen, L’art de la mode, Citadelles & Mazenod, 2015.

54  The Evening Independent, 1929. Dans les années 1930, on trouve plusieurs agences dont Vendôme Tourisme, 14 rue de Castiglione, Paris, qui propose

55  Yves Holbec, « Les grands voyages du printemps et de l’été », Revue moderne des arts et de la vie, 10 avril 1908, p. 13-14.

56  Publicité de 1928 des Croisières Fabre.

57  Françoise Arnoux, « Croisières, Asiles d’insouciance », Femina, mai 1938.

58  Il est notamment l’auteur de l’affiche la plus célèbre du Normandie datant de 1935 avec la proue du navire en face à face.

59  Denis Jallat, « Le tourisme polaire et sa construction dans l’histoire : regard centré sur les années 1930 », Téoros, 2009, p. 21-28.

60  L’offre touristique vers l’Antarctique débute, elle, en 1958, année où 500 touristes débarquent sur les îles Shetland du Sud.

61  Françoise Arnoux, « L’été au Spitzberg », Femina, 24 avril 1932, p. 29-30.

62  Ibid.

63  Denis Jallat, op.cit.

64  Alice Théron, « Vers le soleil de minuit », Je sais tout, juin 1932.

65  Denis Jallat, op.cit.

66  Ibid.

67  « L’hiver à la ville », Vogue, novembre 1935.

68  Jessica Michault, « Mais à quoi servent les collections croisière ? », L’Officiel, novembre 2017.

69  Ibid.

70  Lanvin possédait des succursales à Nice, Barcelone, Biarritz, Deauville, Le Touquet, Cannes et Rio de Janeiro.

71  Emmanuelle Polle, Jean Patou : une vie sur mesure, Paris, Flammarion, 2013.

72  « Pour partir en croisière, deux solutions d’élégance », Vogue, 1956.

73  « John Galliano crée sa ligne pour les croisières », Le journal du textile, 30 juin 1997.

74  Carine Bizet, « Croisière, un défilé de mode sans bateau ni marin », Le Monde, 5 mai 2017.

75  Jessica Michault « Mais à quoi servent les collections croisière ? », L’Officiel, novembre 2017.

76  200 artisans ont été réquisitionnés pour bâtir cette scénographie de rêve.

77  Maud Gabrielson, « Avec Chanel, la croisière s’amuse », M Le Magazine du Monde, 20 mai 2018.

Notes

1  Françoise Arnoux, « Croisières, Asiles d’insouciance », Femina, mai 1938.

2  Sylvain Tesson, Sur les chemins noirs, Paris, Gallimard, coll. « NRF », 2016, p. 35-36. « Non contents de tracer un réseau de traverse, les chemins noirs pouvaient aussi définir les cheminements mentaux que nous emprunterions pour nous soustraire à l’époque. Dessinés sur la carte et serpentant au sol, ils se prolongeraient ainsi en nous-mêmes, composeraient une cartographie mentale de l’esquive. Il ne s’agirait pas de mépriser le monde, ni de manifester l’outrecuidance de le changer. Non ! Il suffirait de ne rien avoir de commun avec lui. L’évitement me paraissait le mariage de la force avec l’élégance. […] En somme, se détourner. Mieux encore ! Disparaître. ».

3  Créée en 1838 par Samuel Cunard, la Cunard a exploité la première ligne transatlantique à vapeur pour passagers en 1840.

4  Par exemple, citons : Coline, « Partons en croisière… », Femme de France, 5 juillet 1936, p. 10-11.

5  Carine Bizet, « Croisière, un défilé de mode sans bateau ni marin », Le Monde, 5 mai 2017.

6  « Petite chronique des Modes », Les Modes, septembre 1908, p. 24.

7  Collection d’affiches P. L. M. (Paris Lyon Méditerranée) sur la Côte d’Azur au début des années 1910.

8  Stéphen Liégeard, La Côte d’Azur, Paris, Maison Quantin, Paris, 1887.

9  Entretien avec Laure Harivel, responsable du patrimoine de la Maison Lanvin.

10  Pierre de Trevières, « Modes masculines. Pyjamas », Les Modes de la femme de France, 26 novembre 1922, p. 48.

11  Ibid.

12  Ibid.

13  « Choses et autres », La Vie parisienne, 9 août 1913, p. 575.

14  Martine Rénier, « La lutte du pyjama contre le déshabillé », Flirt, 15 mai 1922, p. 16-17.

15  Publicité « Lido de Venise. La plage du soleil et des pyjamas » – Compagnie italienne des grands hôtels, parue dans L’Illustration, 11 mai 1927. Extrait : « Venise… Le Lido… la vie s’y passe en maillot, en peignoir ou en pyjama sans que la correction ou l’élégance les plus raffinées y perdent leurs droits ».

16  Robert de Beauplan, « Pyjamapolis », L’Illustration, 22 août 1931.

17  Coline, « Vacances à la mer », La Femme de France, 8 juin 1930.

18  Ibid.

19  Ibid.

20  Huguette Darcy, « Les images de la mode », Les dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour, 12 juin 1932.

21  Coline, « Les pyjamas de plage », La Femme de France, 29 juin 1930.

22  Huguette Darcy, « Les images de la mode », Les dimanches de la femme, supplément de la « Mode du jour », 12 juin 1932.

23  Johanna Zanon, « La face cachée de la Lune : les ateliers de couture de la maison Jean Patou dans l’entredeux-guerres », Apparence(s), vol. 7, juin 2017. Source citée par l’auteur : Contrat du 1er décembre 1931, dossier du personnel de Renée Bonnefont, Archives Patou.

24  Livret du Paquebot « France », 1912.

25  Ibid.

26  Ibid.

27  Germaine Beaumont, « Au grand large », Le Temps, 23 mai 1934, p. 6.

28  Ombres blanches dans les mers du sud, film de 1928 réalisé par Robert J. Flaherty et W. S. Van Dyke.

29  Germaine Beaumont, « Au grand large », Le Temps, 23 mai 1934, p. 6.

30  Ibid.

31  Coline, « Partons en croisière… », Femme de France, 05 juillet 1936, p. 10-11.

32  Publicité parue dans Vogue d’avril 1931 : « Hélène Ylandre montrera sa collection de vêtements pour plage, sport, voyage le mardi 7 avril à 2 h 30 ».

33  Constance d’Heigny, « Du short au pantalon », La femme de France, 16 juin 1936, p. 5-6.

34  Ibid.

35  Juliette Lancret, « Élégances de croisière », Le Journal, 22 août 1939.

36  « Les bagages élégants », Femme de France, 16 juin 1937, p. 9.

37  Janvier 1912, embarcation à bord de La Lorraine décrite dans l’ouvrage de Anne et Claire Berest, Gabriële, Paris, Stock, 2017.

38  « Le paquebot “Normandie”, évacué, s’est couché sur le flanc », Journal des débats politiques et littéraires, 11 février 1942, p. 2.

39  « Paquebot Normandie », Art national, février 1936, p. 41 -52. Dossier qui présente le mobilier et la décoration des appartements luxe et demi-luxe.

40  Ibid.

41  Jean Antoine, « Normandie », géant des mers, stade flottant », Match, 28 mai 1935, p. 13.

42  Ibid.

43  « Ces messieurs les chiens sont servis », L’Écho d’Alger, 25 juillet 1937, p. 2.

44  M.-M. d’Armagnac, Loin du nid, Paris, Hachette 1933.

45  Mis en service en 1900, La Lorraine est alors le plus luxueux paquebot français (décoration Second Empire).

46  Yann Loranz, « La croisière de “Paris-Soir” à bord de “Normandie” a été marquée par des fêtes splendides », Paris-soir, 23 juillet 1935, p. 5.

47  Anne et Claire Berest, Gabriële, Paris, Stock, 2017.

48  Julien Burri, « En première classe sur un transatlantique des années 1920 », Le Temps, 9 septembre 2017.

49  Huguette Darcy, « Les images de la mode », Les dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour, 12 juin 1932.

50  Pascal Ory, L’invention du bronzage, Ed. Complexe, 2008.

51  Catherine Örmen, L’art de la mode, Citadelles & Mazenod, 2015.

52  « Élégances », La Vie parisienne, 25 août 1928, p. 700.

53  Catherine Örmen, L’art de la mode, Citadelles & Mazenod, 2015.

54  The Evening Independent, 1929. Dans les années 1930, on trouve plusieurs agences dont Vendôme Tourisme, 14 rue de Castiglione, Paris, qui propose aussi bien des séjours aux sports d’hiver que des croisières en Égypte. L’agence fait de la publicité dans les revues de l’époque, notamment dans L’Officiel.

55  Yves Holbec, « Les grands voyages du printemps et de l’été », Revue moderne des arts et de la vie, 10 avril 1908, p. 13-14.

56  Publicité de 1928 des Croisières Fabre.

57  Françoise Arnoux, « Croisières, Asiles d’insouciance », Femina, mai 1938.

58  Il est notamment l’auteur de l’affiche la plus célèbre du Normandie datant de 1935 avec la proue du navire en face à face.

59  Denis Jallat, « Le tourisme polaire et sa construction dans l’histoire : regard centré sur les années 1930 », Téoros, 2009, p. 21-28.

60  L’offre touristique vers l’Antarctique débute, elle, en 1958, année où 500 touristes débarquent sur les îles Shetland du Sud.

61  Françoise Arnoux, « L’été au Spitzberg », Femina, 24 avril 1932, p. 29-30.

62  Ibid.

63  Denis Jallat, op. cit.

64  Alice Théron, « Vers le soleil de minuit », Je sais tout, juin 1932.

65  Denis Jallat, op. cit.

66  Ibid.

67  « L’hiver à la ville », Vogue, novembre 1935.

68  Jessica Michault, « Mais à quoi servent les collections croisière ? », L’Officiel, novembre 2017.

69  Ibid.

70  Lanvin possédait des succursales à Nice, Barcelone, Biarritz, Deauville, Le Touquet, Cannes et Rio de Janeiro.

71  Emmanuelle Polle, Jean Patou : une vie sur mesure, Paris, Flammarion, 2013.

72  « Pour partir en croisière, deux solutions d’élégance », Vogue, 1956.

73  « John Galliano crée sa ligne pour les croisières », Le journal du textile, 30 juin 1997.

74  Carine Bizet, « Croisière, un défilé de mode sans bateau ni marin », Le Monde, 5 mai 2017.

75  Jessica Michault « Mais à quoi servent les collections croisière ? », L’Officiel, novembre 2017.

76  200 artisans ont été réquisitionnés pour bâtir cette scénographie de rêve.

77  Maud Gabrielson, « Avec Chanel, la croisière s’amuse », M Le Magazine du Monde, 20 mai 2018.

Illustrations

Le Sundeck du paquebot Le Normandie, 1935. Illustration Paul Iribe pour la plaquette publicitaire de présentation du bateau lors de son lancement.

Le Sundeck du paquebot Le Normandie, 1935. Illustration Paul Iribe pour la plaquette publicitaire de présentation du bateau lors de son lancement.

© Collection Kharbine-Tapabor.

Couverture de la liste des passagers pour un voyage en bateau de la Compagnie Générale Transatlantique, 1925.

Couverture de la liste des passagers pour un voyage en bateau de la Compagnie Générale Transatlantique, 1925.

© Collection Kharbine-Tapabor.

« En croisière », Le Petit Écho de la Mode, 28 août 1933.

« En croisière », Le Petit Écho de la Mode, 28 août 1933.

© Collection Modes pratiques.

« A rua principal », Hall principal du bateau. Brochure publicitaire portugaise pour le paquebot L’Atlantique, vers 1930.

« A rua principal », Hall principal du bateau. Brochure publicitaire portugaise pour le paquebot L’Atlantique, vers 1930.

© Collection Kharbine-Tapabor.

Sans titre

Sans titre

Cette photographie anonyme et les suivantes ont été prises par des croisiéristes parisiens, en croisière d’été et en croisière d’hiver, entre la fin des années 1910 et le milieu des années 1930.

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Sans titre

Sans titre

© Collection Modes pratiques.

Citer cet article

Référence papier

Sophie Abriat, « Une saison au large », Modes pratiques, 3 | 2018, 100-117.

Référence électronique

Sophie Abriat, « Une saison au large », Modes pratiques [En ligne], 3 | 2018, mis en ligne le 18 septembre 2023, consulté le 12 décembre 2024. URL : https://devisu.inha.fr/modespratiques/396

Auteur

Sophie Abriat