La mode en cendres

Nouvelles collections pour l’au-delà

DOI : 10.54390/modespratiques.324

p. 146-161

Traduction(s) :
Fashion in Ashes

Plan

Texte

Panoplie complète « Lacoste-Rolex-Aurora » en papier, Chinatown, New York, 2013.

Image

© Collection Manuel Charpy. Photographie Manuel Charpy.

En avril 2016, la marque italienne de luxe Gucci adressa des lettres d’avertissement aux magasins de Hong Kong vendant des « copies » en papier de ses produits. Ces objets de luxe en papier exposés dans les vitrines de certaines rues, sont souvent des vêtements, des sacs, et autres objets de mode mais aussi des iPads ou des miniatures de voitures, de villas, en fait achetés pour être finalement brûlés en offrandes aux parents décédés, afin qu’ils en aient l’usage et la commodité dans l’au-delà. La demande pour ces produits est particulièrement élevée au cours de la fête de Qingming (« tombeau de balayage ») qui a lieu à cette période de l’année. Les lettres d’avertissement de Gucci se gardaient de toute menace d’action juridique mais s’inquiétaient du détournement de l’image de la marque et des « contrefaçons » que ce commerce de l’au-delà pouvait encourager2. Malgré les témoignages de respect des coutumes funéraires réitérés par les représentants de la marque, la vague de protestations relayées par les médias et les réseaux sociaux a créé « l’affaire Gucci », une affaire quelque peu surréaliste, mélange d’indignation face à l’irrespect de la piété familiale et de plaisanteries sur le Net quant aux intentions cachées de Gucci d’intervenir dans le marché de l’invisible ou d’ouvrir des succursales dans l’au-delà pour gagner de la « monnaie papier » et de « l’argent de la banque des défunts3 ».

Des catafalques en papier aux tailleurs Chanel

Depuis la relance du marché de la Chine vers l’Occident, en 1997, l’urbanisation et l’importation des produits étrangers jouent un rôle considérable dans la modification des modes de vie dans les grandes villes, les « nouveaux riches » cherchant à adopter le mode de vie occidental, et les grandes marques installant leurs magasins dans toutes les grandes villes. Louis Vuitton installe son premier magasin à Shanghai en 1995, et une vingtaine d’années plus tard il dispose de quarante-sept magasins en Chine. Dans le même temps, Hermès a ouvert pour sa part vingt-et-un magasins et Chanel treize. L’épopée du luxe en Chine a épousé celle de ces grandes marques occidentales. Or chaque année, dans le pays mais aussi à Hongkong et Taiwan, au Vietnam, au Laos, au Cambodge, en Thaïlande et en Indonésie, des millions de vestes, pantalons, complets, chemises et chaussures « de luxe », ou plus loin, passeports et avions4 partent donc en fumée. Cette pratique traditionnelle n’a rien à voir avec des autodafés publics visant à montrer que le pays lutte activement contre le marché des « contrefaçons ». Brûler des objets de papier comme offrandes à destination des défunts, des ancêtres ou des dieux, est une pratique ancestrale qui existe en Chine depuis l’ère impériale. Cette tradition s’est transmise de génération en génération et elle concerne tout le monde : de la noblesse au peuple. Les textes confirment qu’on brûle ces objets de papier lors des occasions importantes : l’enterrement d’un mandarin, l’anniversaire d’un défunt, les jours de fête consacrés aux dieux ou aux esprits, et le Nouvel An.

« Enterrement païen. Le cercueil recouvert d’un catafalque de papier », photographie éditée par la mission apostolique du Sud-Est du Tché-li, administré par les Jésuites, années 1930.

Image

© Collection particulière.

Les missionnaires pouvaient encore observer, à la fin du xixe siècle, avec leurs préjugés et leurs malentendus, toute la pompe, pour eux burlesque, des processions de cercueils dans les rues et le luxe ostentatoire du montage des baldaquins en papier pour l’enterrement des mandarins5. En 1900, Leroy, compilant des lettres de missionnaires jésuites, en donne une description exemplaire :

Le Père Simon a décrit la pompe d’un enterrement païen à Nankin dans une famille mandarinale. Rien n’est plus riche, mais souvent aussi rien n’est plus grotesque. Vers huit heures et demie du matin la procession commence ; elle est ouverte par une sorte de bedeau en carton-peint qu’un mendiant tire à l’aide d’une ficelle. Suivent six cavaliers sur des chevaux efflanqués ayant dans leurs jambes une quinzaine de gamins sordides. Ces miséreux sont dans tous les cortèges ; leur présence est un témoignage des aumônes que répand sur eux la générosité de la famille en deuil ou en fête. Après ces pieds-nus, viennent quatre géants qu’on dirait égarés en Chine loin des kermesses flamandes. Leurs habits sont superbes, chapeaux et bottes de cérémonie. Ils ont pour mission de défendre les morts contre les esprits malfaisants de la tombe et d’escorter les tablettes des ancêtres. Ces tablettes, les voici au nombre de cinquante ou de soixante ; elles s’avancent superbes de décorations balançant dans les airs les titres de la famille et rappelant ses grandes actions. Le groupe des priants suit celui des porteurs ; soixante bonzes disent et sont censés dire le chapelet bouddhique. Si l’habit fait le moine, à leurs longs vêtements de bure, à leur tête nue, à leur chevelure rasée, on les prendrait pour nos trappistes. Ils précèdent d’autres machines roulantes qu’on ne sait comment appeler. Les nommerons-nous des géants, des tours, des navires ? Il est difficile de qualifier ces constructions bizarres ; parmi elles, se trouve une barque montée par des enfants qui jouent et se disputent ; des groupes de musiciens séparent les chars de cette sorte de cavalcade. Pour associer la nature entière aux funérailles, on tire, toujours par le même procédé à roulettes, quarante des plus grands animaux de la création ; on dirait nos chevaux de bois descendus d’une voiture de forains ; mais ici avec nos seigneurs les chevaux se trouvent les bœufs, les ours, les lions. La marche égayée un instant reprend un aspect sévère. De hauts personnages à cheval, les lettrés, les mandarins de la famille entourent une litière d’une très riche décoration. Le tableau de la défunte y est, comme assis sur des coussins, d’autres bonzes au costume éblouissant sont suivis des prêtres de la raison qui ferment ce groupe austère. La comédie reprend avec quatre marionnettes de grandeur naturelle. La plupart n’ont qu’un pied fixé sur une planche par un pivot facilement agité. Au moindre heurt, toutes ces marionnettes s’entrechoquent, se culbutent et se saluent avec des gestes ridicules. Ce sont, paraît-il, les domestiques du défunt ; ils ont tout lieu de se réjouir parce que leur service ne sera ni encombrant ni difficile6.

Monnaie à brûler, 2016.

Image

© Collection Jing Wang.

Monnaie à brûler, 2016.

Image

© Collection Jing Wang.

On ne peut refaire ici toute l’histoire du sort réservé aux pratiques funéraires traditionnelles d’offrandes de papiers plus ou moins associées aux temples ou aux cimetières. Les missionnaires n’ont jamais été très accommodants par rapport à ces pratiques jugées « païennes ». Le bureau des cultes de l’État chinois républicain lui-même dénonce à partir de 1912 ces pratiques comme des « superstitions », reprenant en cela une catégorie occidentale7. Leur interdiction par le régime communiste chinois en tant que « superstitions », ou plus récemment comme sources de nuisances pour l’environnement, du fait des fumées et des cendres, marque une vraie rupture et a beaucoup perturbé les coutumes familiales. Vincent Gossaert et Fang Ling ont dressé le bilan des lois anti-religion et anti-superstition du régime communiste en Chine qui interdisaient entre autres le fait de brûler des offrandes en papier, tout en imposant à partir des années 1950 la crémation8. Néanmoins depuis les années 1980-1990 le contexte de libéralisation des cultes et l’explosion du marché des biens funéraires ont favorisé leur réactivation et même leur essor y compris sur le marché de la consommation et de la mode comme l’illustre l’affaire Gucci.

La plupart des études consacrées à ce marché des offrandes de papier, comme celle de Janet Scott, ont été menées à partir de Hong Kong et de Taiwan où la pratique rituelle ne fait pas l’objet d’interdits ou de condamnations. Mais il n’en est pas de même en République populaire de Chine. À Qingdao, ma ville natale, des panneaux dressés à l’entrée des cimetières défendent de brûler des papiers pour les morts avec des raisons qui ont beaucoup varié dans le temps (hygiène, pollution, etc.). Mais les gens ont bel et bien continué à brûler ces offrandes, tout en profitant d’un certain flou juridique : les interdictions ont fait l’objet de révisions et de suspension ponctuelle, qui ont entretenu jusqu’à aujourd’hui les incertitudes9.

La pratique des montages et des habillages de papier dans les traditions funéraires des communautés chinoises a été étudiée de longue date par les historiens et anthropologues, et notamment par Dard Hunter, un auteur américain qui publie dès 1937 Chinese Ceremonial Paper: A Monograph Relating to the Fabrication of Paper and Tin Foil10. Plus récemment Ellen Johnston Laing et Helen Hui-Ling ont publié un très beau livre Up in Flames: the Ephemeral Art of Pasted Paper Sculpture in Taïwan11 et C. Fred Blake s’est lui attaché aux enjeux de la « monnaie de papier12 ». Mais l’étude la plus documentée au regard de la collection d’objets – et des « objets de collection » – et des pratiques observées est celle de Janet Lee Scott, For Gods, Ghost and Ancestors. The Chinese Tradition of Paper Offerings qui s’intéresse autant aux fabricants, aux commerçants et aux clients fidèles, qu’aux motivations des parents et descendants13.

Économie du papier « à brûler »

Dans les villes et les villages de Chine le magasin où sont vendus les objets de papier a toujours été le lieu d’un négoce très profitable. La « biographie » de ces articles proposés est aujourd’hui liée à leurs modes de fabrication, aux sources d’inspiration des diverses entreprises et aux types de magasins. Elle dépend des relations que les clientèles nouent avec les commerçants quant au choix des objets, aux lieux et aux moments d’utilisation par les acheteurs mais aussi de l’évolution des significations et sentiments accordés à ces objets singuliers. La diversité des offrandes reflète le marché de la consommation et les aspirations (ou les rêves) des consommateurs (vivants ou morts). On trouve donc de plus en plus des marques de grand prestige technologique aussi bien que des produits de luxe qui incarnent l’image de la « belle vie ». Les billets de banque représentant de grosses sommes d’argent occupent une place importante sur ce « marché » des offrandes.

Selon la typologie de Janet Scott les commerçants de ces objets se distinguent par leur taille et leur capacité : grossiste, vente au détail, stand avec licence, stand mobile saisonnier… Mis à part les grossistes qui ont à Taiwan des fournisseurs en Chine continentale ou en Asie du Sud-Est, pour le reste la chaîne de fabrication et de vente est essentiellement familiale. Les magasins de vente au détail vont de l’échoppe de trois mètres sur deux jusqu’à l’immeuble privé de deux étages ou encore au rez-de-chaussée de grande surface allant jusqu’à 200 m2 qui donne la troublante impression de se retrouver face à un grand supermarché, mais de papier. À ces magasins fixes, s’ajoutent les colporteurs qui vendent, dans la rue, ces articles en papier exposés sur des petites voitures à bras, avec ou sans licence commerciale. Ils se tiennent le plus souvent à proximité des grands cimetières urbains, en particulier à l’occasion des fêtes.

Magasin d'offrandes en papier, quelques jours avant la fête du Têt au marché Buoi, Hanoï, janvier 2012.

Image

© Salomé Gilles.

Fête du Têt chez des particuliers brûlant des vêtements pour le génie tutélaire de la maison, Hanoï, 22 janvier 2012.

Image

© Salomé Gilles.

Récipient dans lequel on brûle les lingots d’or en papier, rue d’Hanoï, 23 janvier 2012.

Image

© Salomé Gilles.

Les clients fidèles de ces offrandes de papier se répartissent en deux groupes. D’une part, ceux qui se greffent sur les temples : sachant que certains « temples-clients » servent de relais et achètent du papier en gros, pour la revente à des ateliers de confection ou aux particuliers. D’autre part, des individus isolés mais très nombreux compte tenu du fait que brûler des offrandes en papiers à proximité des temples est devenu une pratique généralisée.

Le développement urbain et le coût des loyers en centre-ville conduisent les grands magasins à déménager vers la périphérie, les petits magasins de type familial restant eux au centre. La production de l’atelier et la vente sont divisées entre les membres de la famille, plutôt adultes, mais parfois les enfants viennent aider les parents pour la période des fêtes lorsque le nombre des clients double ou triple. Un ancien magasin qui résiste dans le centre-ville doit sa longévité au lien de confiance noué avec ses clients. L’attachement à la valeur de ces objets de papier à destination des ancêtres s’étend au vendeur lui-même qui bénéficie du respect qu’impose la célébration des défunts de la famille ou des dieux.

Vie des objets et valeur de la marque

Mais quelle que soit la banalité ordinaire ou le luxe ostentatoire de ces objets, leur destin se termine inexorablement par la « mort » des artefacts de papier, consumés par les flammes. Pour les croyants ou pratiquants de cette « crémation », il s’agit en réalité d’une mutation d’être ou d’un rite de passage dans une vie nouvelle qui se poursuit dans un autre monde, celui des dieux, des « fantômes » et des ancêtres. Le paradoxe est en effet que cette destruction ou disparition de l’objet papier opère en fait une transformation de leur matérialité et de leur nature et leur confère une existence qui transcende les cendres qui restent ou la fumée qui s’élève dans le ciel. La plupart de ces objets artificiels sont des reproductions de « vrais objets » de la vie quotidienne des vivants – des vêtements aux dentiers en passant par l’électroménager – et sont censés faciliter et accompagner la vie matérielle de ceux qui « vivent » désormais dans un autre monde, à la fois lointain et très proche. Chaque objet a une « vie » et les acheteurs s’approprient les objets en personnalisant la signification symbolique des « objets à brûler » selon leurs émotions individuelles. Un acheteur qui connaît bien le commerçant, peut exprimer librement ses émotions ou ses souhaits au vendeur afin de trouver un article qui correspond exactement à ses sentiments et à ses vœux.

Si la matière est toute simple et toujours la même puisqu’il s’agit essentiellement de papier, ces « copies » se différencient par la qualité de leur matière première, leur traitement de surface et le type de dessins imprimés, ainsi que par leurs significations symboliques. Les objets qui sont des « porte-bonheur » obéissent aux conventions sociales, culturelles et symboliques : les « ailes d’un moulin à vent » entendent signifier que tout se passe bien pour les proches à l’image du vent qui fait tourner les ailes d’un moulin. Les objets « porte-bonheur » sont pour les dieux et les motifs de protection visent à empêcher les monstres de se manifester. Il y a aussi des objets d’offrandes pour les divinités. On note des degrés ou des niveaux différents dans l’art de l’imitation : on « reproduit » la matière (le pull en laine) et les motifs avec parfois des figurations plus abstraites. De même pour les dentelles, les boutons – en plastique.

Célébration de la fête de Qing Ming, Chine, 2015.

Image

© Collection particulière.

Coffret de l’ensemble : la montre Cartier, le collier, l’IPhone, le bracelet et le lingot d’or pour femme ; les billets de la banque des Enfers ; et l’enveloppe décorée des figures anciennes dans laquelle l’on met les offrandes à brûler. Hong Kong, 2016.

Image

© Collection et photographies, Jing Wang.

Deux enveloppes extrêmement colorées, l’une pour « homme » et l’autre pour « femme », dans lesquelles il y a des « vêtements en papier brut ». Les motifs des enveloppes sont envahis par les couleurs vives : vert, rouge, jaune, orange, les fleurs pivoines (la fleur pour l’impératrice. « Qui ne sont plus à la mode », selon les vendeurs). Hong Kong, 2016.

Image

© Photographies Jing Wang.

Chaussures en carton et papier, Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

Image

© Photographie Manuel Charpy.

Vêtements en carton et papier, Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

Image

© Photographie Manuel Charpy.

Vêtements en carton et papier, Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

Image

© Photographie Manuel Charpy.

Cependant, la relation entre le prix d’achat d’un objet papier et la valeur symbolique et affective qui lui est attachée est très complexe. Le prix des objets en papier est infime au regard de la valeur monétaire des articles imités. Le prix de vente final est lié au coût de la matière première, mais la compétence et le savoir-faire des artisans, le temps de la fabrication ont aussi un coût « réel », surtout si l’on fait entrer dans ce calcul du coût la location des lieux ou les salaires de la main-d’œuvre. Bien plus, le prix de l’article réel sur le marché des biens de consommation, par exemple le prix de la valeur d’une vraie montre Rolex, n’est pas sans influence sur l’évaluation du prix de l’objet d’offrande, en l’occurrence le prix du papier imprimé du simple motif « montre Rolex ». Il en est de même des vêtements ou des chaussures de marque Chanel, Gucci…, qui respectent grosso modo les tailles de référence du marché. Pour les billets de papier-monnaie, on ne peut pas dire simplement qu’il s’agit de « fausse monnaie » puisque les imitations sont vendues en proportion du montant des coupures. Par ailleurs, la valeur monétaire se fixe une fois pour toutes au moment de l’échange entre le client et le commerçant, mais elle ne pourra plus fluctuer en fonction du marché car la circulation d’un objet papier est limitée et presque nulle dans le monde des vivants : on ne peut ni l’utiliser, ni le revendre, ni l’échanger pour un autre article14. Dans le monde des esprits, des dieux, ou des fantômes qui est celui des morts, au contraire, selon le principe de transmutation, la valeur monétaire des objets papier est équivalente à celle de la valeur de l’article réel que l’objet représente. Ainsi une « montre Rolex » en papier imprimé n’a pas de valeur monétaire pour un vivant mais dans le monde des défunts elle à la même valeur que la montre Rolex sur le marché des biens de consommation de l’au-delà.

Le luxe dans l’autre monde15 ou la vie en double

Le succès relativement récent des objets de luxe et de marque lié à l’ouverture au marché capitaliste influence néanmoins le marché de la valeur des objets de papier et les enjeux sociaux des offrandes en misant sur les ambiguïtés de la double vie des objets. On ne peut plus soutenir qu’il s’agit seulement d’assurer aux défunts une vie matérielle équivalente à celle qu’ils ont connue puisque la plupart des défunts concernés n’ont jamais eu accès, sous le régime communiste comme aujourd’hui, à de tels objets. Il s’agit donc d’offrir « réellement » aux défunts des objets qui représentent le sommet des objets convoités par les consommateurs actuels et le symbole de la richesse et du bien-être. Il y a par ailleurs un véritable enjeu autour de la « marque » – de la valeur plus que symbolique mais également marchande de l’emblème –, des signes et du design. La marque italienne Gucci, dans sa mise en garde concernant la vente de « contrefaçons » portant sa « marque », soulève à juste titre la question de la « propriété intellectuelle de la marque ». Dans une société où on consomme aussi, sinon principalement, des « apparences » ou des chimères, les « marques » au double sens du terme définissent la valeur. La Chine est aujourd’hui perçue dans les médias occidentaux comme un pays dans lequel la richesse devient presque le seul repère pour juger de la valeur de chacun. Les produits de luxe deviennent non seulement des marqueurs de capacité financière, mais aussi des facteurs de jugement dans les relations interpersonnelles. Certains « riches » s’habillent en T-shirt et pantalons tamponnés de logo Gucci des pieds à la tête et affirment ainsi de façon ostensible leur maîtrise des codes et leur capacité d’achat.

Espace pour brûler des offrandes devant un cimetière, 2014.

Image

© Photographie Jing Wang.

La valeur symbolique et affective attachée à l’objet papier dépasse finalement sa valeur monétaire par le rôle de « médiateur » qu’on lui confie dans la transmission des vœux et des hommages aux morts ou aux dieux par les vivants, et c’est pourquoi il n’y a pas de conversion simple de la valeur des biens « symboliques ». L’achat intentionnel d’un produit de luxe témoigne de l’estime de celui qui offre pour celui qui reçoit. Mais le choix alternatif d’une montre ou d’un vêtement sans marque peut exprimer l’idée que c’est le sentiment qui prime et que cette affection peut se manifester par la modicité du coût de l’objet, une façon très personnelle de prendre ses distances par rapport à la coutume mais aussi par rapport au luxe promu par la société de consommation.

Piété familiale et promesse de renaissance

L’autre aspect fondamental est que le rite qui consiste à brûler des objets de papier atteste de la persistance d’une croyance « métaphysique » partagée sur ce qu’est la vie après la mort. La vie d’un objet de papier est sans doute bien courte au regard du temps qui sépare sa fabrication de sa mise en cendres, mais elle est bien longue au regard de son devenir dans l’autre monde puisqu’elle est censée exister pour toujours et se prolonger à l’infini dans le monde des ancêtres qui en ont besoin pour « vivre ». Le rituel par lequel les objets brûlent et disparaissent lentement et progressivement dans les flammes du feu est un processus de transmutation de leur mode d’existence qui appelle le respect de certaines attitudes : il suppose par exemple que l’on ne quitte pas des yeux les flammes pendant que les objets brûlent et se décomposent en cendres. Il faut insister sur le fait que les objets doivent être complètement brûlés pour être sûr que les ancêtres ont « entièrement » reçu les articles. Les objets perdent leur morphologie première, leur figure matérielle, mais par la promesse de leur renaissance, ils acquièrent une beauté, une fonction et une valeur inédite.

En contrepartie, de tels vœux semblent traduire l’attente d’un contre-don, un souhait de réciprocité formulé par les vivants à l’adresse des dieux, des ancêtres ou des esprits, la demande implicite ou l’attente explicite de recevoir en échange d’une protection. Les lectures en termes de don et de contre-don de ce « sacrifice » ne manquent pas : on détruit ici des objets qui disparaissent en fumée alors qu’ils ont un coût de fabrication et d’achat comme, selon Mauss, on laisse mourir les fleurs fanées ou pourrir des aliments consacrés pour faire advenir en échange, à leur place, un don vivant et réel aux proches de l’au-delà qui appelle un contre-don des ancêtres ou des dieux.

Refusant de s’en tenir aux lectures en termes d’hommage rituel, de vénération ou de commémoration formelle rendus aux défunts aussi bien qu’à celles qui n’y voient qu’attente de profits en retour et calculs d’intérêt, on est conduit à suivre l’anthropologue Janet Scott qui laisse entendre que ces offrandes de papier perdurent pour remplir une autre finalité : celle de créer et de faire exister de manière concrète l’autre monde dans lequel les ancêtres sont appelés à résider et à vivre désormais. En un mot l’autre monde n’existe pas en soi et le passage n’a rien d’automatique, les morts ont besoin de l’attachement, de l’attention et du soin des vivants. « Dans de tels échanges, écrit-elle, l’idéologie de la piété filiale prend une forme authentiquement concrète au point que les ancêtres sont approvisionnés par les offrandes (ce qui fait des Enfers un lieu moins horrible). Cet autre monde est activement créé et les pratiquants de Hong Kong sont tout sauf passifs dans leur culte et leur détermination à façonner le monde de l’au-delà16. Les pratiquants sont soucieux de fournir des matériaux non seulement en quantité mais aussi en variété, et du dernier cri en matière de technologie et de mode, de façon à ce que le monde tel qu’il est connu par le défunt soit reproduit de manière crédible et tenue à jour. C’est dans une telle logique que la puissance des objets matériels à objectiver et à créer des mondes entiers peut se comprendre au mieux17. »

Consommation, révolution et rédemption

Le succès des imitations de produits de luxe suscite dans la Chine moderne de nombreuses réserves et critiques au nom de l’idéologie officielle de l’égalitarisme communiste même si la croissance des dernières décennies repose aussi sur l’industrie et le commerce de ces produits du capitalisme. À l’inverse on peut penser que la production d’objets papiers qui restent à la portée de tous compense dans l’imaginaire les inégalités présentes et comporte la promesse du rétablissement de l’égalité entre riches et pauvres dans l’au-delà comme l’annoncent traditionnellement les religions chrétiennes – comme le communisme. Sur le plan religieux, puisqu’il est bien question par le confort apporté aux défunts de « raccourcir le temps jusqu’à la renaissance des défunts18 », il faut dire que la bouddhisation, et encore plus la christianisation des croyances traditionnelles, introduisent avec le thème de la « réincarnation » ou de la « rédemption », un enjeu supplémentaire dans la reconduction des offrandes et l’entretien des échanges avec les défunts. Comme le note aussi Vincent Gossaert : « Complétant le culte confucianiste aux ancêtres, le bouddhisme a, dès les premiers siècles de son implantation en Chine, ouvert la possibilité d’un culte supplémentaire – avec la médiation des moines –, grâce auquel les défunts voyaient leur sort posthume amélioré par le mérite qu’on leur apportait. Cette concession bouddhique à la piété filiale accrut encore les devoirs des endeuillés. Elle était justifiée par l’invention d’un assez long séjour-procès en purgatoire entre la mort et la réincarnation, pendant lequel les défunts avaient besoin du soutien de leurs héritiers19. » Le mythe exotisant de l’altérité chinoise sur le terrain des préoccupations spirituelles comme de la matérialité de l’invisible est à revisiter comme y invitent les vêtements de papier, simulacres de la vie matérielle contemporaine20.

Image

© Photographie Manuel Charpy.

Pull de la marque « vêtements des Enfers 冥府服装 » en papier et billets de cinquante Yuan des Enfers. Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

Image

1 Le terme de « collections », on le comprendra, fait ici référence autant aux connotations « ethnographiques » d’un corpus d’objets anthropologiques

2 Entre autres : http://www.bbc.com/news/world-asia-china-36167062 ; https://walkingvibes.com/2016/01/23/press-review-2/ ; Après les excuses de Gucci

3 Selon la légende, à l’origine on utilisait des objets en pierres précieuses, ou des « lingots d’or », et puis de l’argent. Ce serait l’empereur

4 Fabrication des articles d’offrandes au Vietnam : https://www. youtube.com/watch?v=NODKaBfOd Xg&feature=player_embedded.

5 L’entreprise d’édition de cartes postales par les missionnaires catholiques qui démarre en 1880 est mondiale et très riche en documentation pour

6 Henri-Joseph Leroy, En Chine, au Tché-ly S.-E., une mission d’après les missionnaires, par le P. Henri-Joseph Leroy, Paris, Société de St Augustin

7 Vincent Goossaert et Fang Ling, « Les réformes funéraires et la politique religieuse de l’État chinois : 1900-2008 », Archives de Sciences Sociales

8 Ibid. p. 54.

9 Jing Wang, « Où sont passés les ancêtres ? Morts et vivants dans une famille chinoise d’aujourd’hui », L’Homme, 2015/2 no 214, p. 75-106.

10 Dard Hunter, Chinese ceremonial paper: a monograph relating to the fabrication of paper and tin foil and the use of paper in Chinese rites and

11 Ellen Johnston Laing and Helen Hui-Ling, Up in Flames: the Ephemeral Art of Pasted Paper Sculpture in Taïwan, Standford, Standford University

12 C. Fred Blake, Burning Money: The Material Spirit of the Chinese Lifeworld, Honolulu, University of Hawai’i Press, 2011.

13 Janet Lee Scott, For Gods, Ghost and Ancestors. The Chinese Tradition of Paper Offerings, Seattle, University of Washington Press, 2007.

14 Sur cet enjeu de la monnaie papier, on peut se référer à C. Fred Blake, Burning Money: The Material Spirit of the Chinese Life world, Honolulu

15 La notion de l’au-delà est souvent traduite sous l’influence de l’imaginaire occidental par Enfer (Hell) ou les Enfers (la porte des Enfers, l’

16 Selon Rubbie Watson : “According to Chinese eschatology the dead have not one soul (or aspect) but many. In the New Territoires [Hong Kong], the

17 Janet Lee Scott, For Gods, Ghost and Ancestors…, op. cit., p. 249.

18 Ibid.

19 Vincent Gossaert, Dans les. Histoire des cultes, Vie des communautés, Paris, Albin Michel, 2000, p. 110-111.

20 Voir Anne Cheng, « Pour en finir avec le mythe de l’altérité », in Anne Cheng (dir), La pensée en Chine aujourd’hui, Paris, Gallimard, 2007, p. 

Notes

1 Le terme de « collections », on le comprendra, fait ici référence autant aux connotations « ethnographiques » d’un corpus d’objets anthropologiques qu’aux prestations du monde de la mode.

2 Entre autres : http://www.bbc.com/news/world-asia-china-36167062 ; https://walkingvibes.com/2016/01/23/press-review-2/ ; Après les excuses de Gucci auprès des Hongkongais, d’autres articles de presse se sont intéressés au sujet :http://www.straitstimes.com/lifestyle/fashion/rest-in-peace-but-not-in-guccihttp://www.lexpress.fr/actualites/1/styles/rites-funeraires-a-hong-kong-gu-cci-s-excuse_1789608.htm ; www.bbc.com/news/world-asia-chi- na-36167062 ; http://bfmbusiness. bfmtv.com/entreprise/la-grosse- maladresse-de-gucci-a-hong- kong-972262.html

3 Selon la légende, à l’origine on utilisait des objets en pierres précieuses, ou des « lingots d’or », et puis de l’argent. Ce serait l’empereur Tang Xuanzong (en l’an 738), considérant que l’emploi de la monnaie était trop dispendieux, qui aurait autorisé de faire la « monnaie papier » pour remplacer l’argent véritable.

4 Fabrication des articles d’offrandes au Vietnam : https://www. youtube.com/watch?v=NODKaBfOd Xg&feature=player_embedded.

5 L’entreprise d’édition de cartes postales par les missionnaires catholiques qui démarre en 1880 est mondiale et très riche en documentation pour les historiens d’aujourd’hui. Les missions catholiques ont découpé le territoire de la Chine en « vicariats » dont celui du Tché-ly du Sud est occupé par les Jésuites. Le vicariat du Tchéli septentrional, celui de Pékin, fait partie des six vicariats qui vont quadriller l’espace catholique chinois.

6 Henri-Joseph Leroy, En Chine, au Tché-ly S.-E., une mission d’après les missionnaires, par le P. Henri-Joseph Leroy, Paris, Société de St Augustin, 1900, chapitre VIII « Mœurs et coutumes », p. 383. L’ouvrage est une compilation de lettres de missionnaires jésuites de la fin du XIXe en Chine. On trouve dans l’ouvrage une gravure de cérémonie de mariage qui pourrait évoquer directement celle du catafalque de papier de la cérémonie funéraire.

7 Vincent Goossaert et Fang Ling, « Les réformes funéraires et la politique religieuse de l’État chinois : 1900-2008 », Archives de Sciences Sociales des Religions, no 144, octdéc 2008.

8 Ibid. p. 54.

9 Jing Wang, « Où sont passés les ancêtres ? Morts et vivants dans une famille chinoise d’aujourd’hui », L’Homme, 2015/2 no 214, p. 75-106.

10 Dard Hunter, Chinese ceremonial paper: a monograph relating to the fabrication of paper and tin foil and the use of paper in Chinese rites and religious ceremonies, Chillicothe, The Mountain House Press, 1937.

11 Ellen Johnston Laing and Helen Hui-Ling, Up in Flames: the Ephemeral Art of Pasted Paper Sculpture in Taïwan, Standford, Standford University Press, 2004.

12 C. Fred Blake, Burning Money: The Material Spirit of the Chinese Lifeworld, Honolulu, University of Hawai’i Press, 2011.

13 Janet Lee Scott, For Gods, Ghost and Ancestors. The Chinese Tradition of Paper Offerings, Seattle, University of Washington Press, 2007.

14 Sur cet enjeu de la monnaie papier, on peut se référer à C. Fred Blake, Burning Money: The Material Spirit of the Chinese Life world, Honolulu, University of Hawaii Press, 2011.

15 La notion de l’au-delà est souvent traduite sous l’influence de l’imaginaire occidental par Enfer (Hell) ou les Enfers (la porte des Enfers, l’argent des Enfers) mais ce monde comprend tous les êtres invisibles, les divinités, les esprits, les fantômes, et les morts bienheureux aussi bien que les défunts errants liés à la « mal mort ». Néanmoins les ancêtres gardent un lien organique, nominal et statutaire avec leur communauté familiale et leurs relations sont de même nature que celles qui existent entre les vivants.

16 Selon Rubbie Watson : “According to Chinese eschatology the dead have not one soul (or aspect) but many. In the New Territoires [Hong Kong], the treatment of the dead implies a threefold division of the soul: one is found in the grave, one in the ancestral tablet, and the third is in the underworld. Immediately after death the spirit of the deceased remains close to the living”, R S. Watson “Remembering the Dead: Graves and Politics in Southern China”, in J. L. Watson et R. S. Watson Village Life in Hong Kong, Hong Kong, The Chinese University Press, 2004, p. 329.

17 Janet Lee Scott, For Gods, Ghost and Ancestors…, op. cit., p. 249.

18 Ibid.

19 Vincent Gossaert, Dans les. Histoire des cultes, Vie des communautés, Paris, Albin Michel, 2000, p. 110-111.

20 Voir Anne Cheng, « Pour en finir avec le mythe de l’altérité », in Anne Cheng (dir), La pensée en Chine aujourd’hui, Paris, Gallimard, 2007, p. 7-18.

Illustrations

Panoplie complète « Lacoste-Rolex-Aurora » en papier, Chinatown, New York, 2013.

Panoplie complète « Lacoste-Rolex-Aurora » en papier, Chinatown, New York, 2013.

© Collection Manuel Charpy. Photographie Manuel Charpy.

« Enterrement païen. Le cercueil recouvert d’un catafalque de papier », photographie éditée par la mission apostolique du Sud-Est du Tché-li, administré par les Jésuites, années 1930.

« Enterrement païen. Le cercueil recouvert d’un catafalque de papier », photographie éditée par la mission apostolique du Sud-Est du Tché-li, administré par les Jésuites, années 1930.

© Collection particulière.

Monnaie à brûler, 2016.

Monnaie à brûler, 2016.

© Collection Jing Wang.

Monnaie à brûler, 2016.

Monnaie à brûler, 2016.

© Collection Jing Wang.

Magasin d'offrandes en papier, quelques jours avant la fête du Têt au marché Buoi, Hanoï, janvier 2012.

Magasin d'offrandes en papier, quelques jours avant la fête du Têt au marché Buoi, Hanoï, janvier 2012.

© Salomé Gilles.

Fête du Têt chez des particuliers brûlant des vêtements pour le génie tutélaire de la maison, Hanoï, 22 janvier 2012.

Fête du Têt chez des particuliers brûlant des vêtements pour le génie tutélaire de la maison, Hanoï, 22 janvier 2012.

© Salomé Gilles.

Récipient dans lequel on brûle les lingots d’or en papier, rue d’Hanoï, 23 janvier 2012.

Récipient dans lequel on brûle les lingots d’or en papier, rue d’Hanoï, 23 janvier 2012.

© Salomé Gilles.

Célébration de la fête de Qing Ming, Chine, 2015.

Célébration de la fête de Qing Ming, Chine, 2015.

© Collection particulière.

Coffret de l’ensemble : la montre Cartier, le collier, l’IPhone, le bracelet et le lingot d’or pour femme ; les billets de la banque des Enfers ; et l’enveloppe décorée des figures anciennes dans laquelle l’on met les offrandes à brûler. Hong Kong, 2016.

Coffret de l’ensemble : la montre Cartier, le collier, l’IPhone, le bracelet et le lingot d’or pour femme ; les billets de la banque des Enfers ; et l’enveloppe décorée des figures anciennes dans laquelle l’on met les offrandes à brûler. Hong Kong, 2016.

© Collection et photographies, Jing Wang.

Deux enveloppes extrêmement colorées, l’une pour « homme » et l’autre pour « femme », dans lesquelles il y a des « vêtements en papier brut ». Les motifs des enveloppes sont envahis par les couleurs vives : vert, rouge, jaune, orange, les fleurs pivoines (la fleur pour l’impératrice. « Qui ne sont plus à la mode », selon les vendeurs). Hong Kong, 2016.

Deux enveloppes extrêmement colorées, l’une pour « homme » et l’autre pour « femme », dans lesquelles il y a des « vêtements en papier brut ». Les motifs des enveloppes sont envahis par les couleurs vives : vert, rouge, jaune, orange, les fleurs pivoines (la fleur pour l’impératrice. « Qui ne sont plus à la mode », selon les vendeurs). Hong Kong, 2016.

© Photographies Jing Wang.

Chaussures en carton et papier, Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

Chaussures en carton et papier, Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

© Photographie Manuel Charpy.

Vêtements en carton et papier, Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

Vêtements en carton et papier, Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

© Photographie Manuel Charpy.

Vêtements en carton et papier, Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

Vêtements en carton et papier, Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

© Photographie Manuel Charpy.

Espace pour brûler des offrandes devant un cimetière, 2014.

Espace pour brûler des offrandes devant un cimetière, 2014.

© Photographie Jing Wang.

Pull de la marque « vêtements des Enfers 冥府服装 » en papier et billets de cinquante Yuan des Enfers. Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

Pull de la marque « vêtements des Enfers 冥府服装 » en papier et billets de cinquante Yuan des Enfers. Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

© Photographie Manuel Charpy.

Pull de la marque « vêtements des Enfers 冥府服装 » en papier et billets de cinquante Yuan des Enfers. Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

Pull de la marque « vêtements des Enfers 冥府服装 » en papier et billets de cinquante Yuan des Enfers. Hong Kong, collection Jing Wang, 2016.

Citer cet article

Référence papier

Wang Jing, « La mode en cendres », Modes pratiques, 2 | 2017, 146-161.

Référence électronique

Wang Jing, « La mode en cendres », Modes pratiques [En ligne], 2 | 2017, mis en ligne le 14 février 2023, consulté le 19 avril 2024. URL : https://devisu.inha.fr/modespratiques/324

Auteur

Wang Jing