Le naturisme et la mode

Du xixe siècle aux années 1970

DOI : 10.54390/modespratiques.369

p. 202-227

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Texte

Sans titre, 2016.

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© Pierre Dumaire

Tout, en apparence, semble opposer le naturisme et la mode. D’un côté le retour revendiqué à la nature1, à l’authenticité et à la pureté incarnée notamment par la nudité des corps, selon une approche philosophique qui se voudrait aou intemporelle, de l’autre, l’artifice, la sophistication, le superficiel consommés à l’échelle du provisoire. En rester là reviendrait cependant à bien mal connaître tant, sur un versant, ce qu’a été l’évolution du naturisme, que sur l’autre, ce que représente la mode, ce que sont ses usages et ses significations. Deux faits dévoilent les liens contradictoires qui unissent ces phénomènes des plus complexes. Au début du xxe siècle, la mode féminine suscite des critiques unanimes chez les promoteurs du naturisme. Le corset, emblème de la féminité bourgeoise, concentre les attaques. Les déformations corporelles qu’il génère et plus largement ses conséquences préjudiciables sur la santé des femmes symbolisent en effet les errements d’une société artificielle, urbaine, qui a perdu la boussole que constitue la nature. Deuxième exemple tout aussi édifiant : le tailleur-chemisier parisien Jean Michou revendique le titre de « fournisseur officiel des naturistes2 » dans la revue Naturisme des docteurs Gaston et André Durville. Il s’intronise à cette occasion « grand spécialiste du pantalon naturiste sans ceinture ni bretelles ».

L’ambigüité qui ressort de ces exemples invite naturellement à s’interroger sur les rapports qu’entretiennent « le naturisme » et « la mode » au fil du temps, à prendre conscience, par exemple, que le corps nu n’est pas la seule voie d’affirmation du naturisme et qu’il existe tout un ensemble de tenues, de vêtements jugés plus ou moins respectueux des valeurs du naturisme. Pour aller plus loin, il convient d’appréhender le naturisme non pas seulement en tant que philosophie, discours idéaliste générateur de pratiques, mais aussi en tant qu’objet de consommation, socialement et temporellement situé.

Cette démarche suppose de tenir ensemble plusieurs fils. Pour être plus précis, il s’agit d’observer comment les adeptes du naturisme, quelle que soit la forme que ce phénomène prend depuis son invention au xviiie siècle, se positionnent face à la mode, vestimentaire en particulier mais pas uniquement, et à la société, de consommation3, qui la sous-tend. Quels sont les discours tenus à ce propos ? Quels sont les rapports entretenus avec les pratiques de consommation ? On le pressent, le corps naturiste n’échappe pas aux phénomènes de modes et la nudité peut s’envisager, l’enveloppe corporelle étant une forme de vêtement, comme sujette aux « modes », à l’image du vêtement4.

Trois temps forts ponctueront ainsi l’exploration de cette relation particulière entre mode et naturisme. À cette occasion, nous observerons que le naturisme impose à ses débuts de rompre avec le diktat de la mode, avec les codes vestimentaires propres à la bourgeoisie au profit d’une hygiène de vie des plus rustiques. Entre les deux guerres, son essor bénéficie sensiblement de phénomènes de mode, avec notamment l’essor du maillot deux-pièces, mais aussi l’engouement croissant pour le corps hâlé, symbole de santé et de vitalité. Son évolution est cependant de plus en plus marquée par une oscillation, une valse-hésitation entre engagement idéaliste de tous les instants et loisir temporaire. Dans les années 1960, le nu est à la mode. Le naturisme est dès lors tiraillé entre d’imposants centres de vacances où la nudité se consomme à grande échelle au détriment de l’esprit naturiste, des clubs locaux qui s’efforcent d’entretenir la flamme idéaliste et une nudité « décomplexée », libérée de tout tabou, et plébiscitée par une part de la jeunesse issue du baby-boom. En parallèle, on assiste à l’écologisation des pratiques de consommations des naturistes, habillement compris.

S’affranchir des conventions vestimentaires pour renouer avec la santé

L’invention du naturisme

L’invention du naturisme, marquée par l’apparition en France du concept de « naturiste » puis de « naturisme » au xviiie siècle, n’a pas grand-chose à voir avec la mode vestimentaire et encore moins avec la nudité. À son origine, le naturisme désigne en effet une approche médicale néo-hippocratique, reposant sur l’idée d’une natura medicatrix, d’une nature médecin des maladies trouvant par elle-même les voies de la guérison. À travers sa formalisation, il s’agit de réaffirmer une tradition en train de se perdre face à l’essor de la médecine allopathique, à la montée en puissance d’une approche interventionniste, adossée à la science et visant à combattre les manifestations de la maladie au moyen d’une pharmacopée chimique toujours plus élaborée.

Le terme de naturisme est en effet créé pour désigner les médecins qui se rattachent à l’héritage hippocratique et plus largement aux auteurs « classiques », qui ont œuvré dans l’Antiquité. Il désigne donc une conception très philosophique de la médecine et qui a largement dominé la médecine européenne et la domine encore au xviiie siècle. Une conception de la maladie, du malade, de son corps, au-delà d’une vision du monde reposant sur l’analogie entre macrocosme et microcosme. La médecine naturiste recouvre également tout un ensemble de pratiques de santé. Nul recours toutefois à la nudité ni aux éléments naturels pour aider la réaction naturelle curatrice, le médecin naturiste joue essentiellement sur les polarités thermiques.

Avec l’essor du positivisme, l’avènement du laboratoire et les nouvelles découvertes, les principes séculaires, millénaires sur lesquels la médecine naturiste repose sont remis en cause. Au final, dans cette querelle entre modernes et anciens, la médecine naturiste semble vouer à disparaître à plus ou moins court terme. Contestée, condamnée par des éminences scientifiques comme Claude Bernard, elle paraît appartenir au mieux au passé, au pire, relever du registre du charlatanisme.

Le corps à l’épreuve de la nature

Le salut du naturisme se dessine outre-Rhin, fait qui démontre, s’il était besoin encore de le souligner, l’importance des circulations culturelles à l’échelle européenne. De facto, sous l’influence de cures naturelles inventées dans certains pays germaniques, le naturisme se constitue au xixe siècle en secteur commercial florissant. Il y gagne une nouvelle jeunesse et une nouvelle panoplie de pratiques, d’applications. Sans renoncer à l’idée première d’une nature curatrice et aux principes hippocratiques, il se décline désormais sous la forme d’une thérapeutique et d’une hygiène de vie basées sur le recours aux éléments naturels – par le biais des bains d’eau, d’air et de soleil – et invite à une nudité plus ou moins importante.

La nouveauté de ces cures ne réside pas tant dans les modalités des traitements mais, en premier lieu, dans le succès phénoménal qu’elles rencontrent auprès d’un public aisé que rien, au premier abord, ne semblait prédisposer à y souscrire. Et pour cause, Prießnitz (1799-1851), considéré comme un des pionniers des cures naturistes, n’est au départ qu’un simple paysan, soignant à l’occasion ses congénères de Gräfenberg, petit village montagnard de Silésie autrichienne, au moyen de sa Wasserkur (cure d’eau). Le succès aidant, il ouvre dans les années 1820 un établissement de cure des plus rustiques, à l’image des traitements qu’il y prodigue et des conditions même de séjour des patients. S’y pressent bientôt les têtes couronnées en provenance de toute l’Europe parmi lesquelles le duc de Nassau, le prince de Liechtenstein, la tante du roi de Prusse, la princesse Gortschakoff… Le roi Louis 1er de Bavière et son homologue de Prusse y envoient au tournant des années 1830 leur délégation médicale afin de pouvoir ouvrir dans leur propre pays des centres de traitement semblables. Et l’on dénombre, dès 1849, 23 établissements de ce type en France.

Comment dès lors expliquer le succès que rencontre l’établissement du guérisseur silésien auprès de la haute aristocratie européenne comme du grand public ? La cure suppose en effet l’abandon de toute notion de confort, notamment vestimentaire. Elle se fonde sur un contact intime avec la nature dans toute sa rudesse, en particulier celles des eaux froides.

Mais le traitement repose tout autant sur la rusticité de la vie que mènent les patients lors de la cure, sur une hygiène de vie stricte faisant fi des distinctions sociales. À Gräfenberg, les patients connaissent le froid, la faim, le saisissement dû aux chocs thermiques, la fatigue et bien plus encore, comme le relate le Dr Bigel qui a été traité par Prießnitz lui-même : « On ne peut éviter, dans le cours de la cure, un malaise général, un sommeil inquiet, un accroissement d’irritabilité, des mouvements fébriles, enfin des éruptions, des abcès, la diarrhée, et quelquefois le vomissement5 ».

Alors que les revues de mode sont toujours plus nombreuses, que le shopping prend son essor avec l’apparition des grands magasins, que le travail sur l’apparence s’affirme pour quiconque veut tenir son rang, la cure naturiste semble être à contre-courant. Les patients doivent ainsi porter des vêtements légers, quelle que soit la saison, afin de favoriser le contact avec l’air des montagnes. La literie est des plus sommaires, les couvertures en nombre limité, sachant que les fenêtres des logements sont toujours ouvertes. Quant au régime alimentaire, il est frugal, composé pour l’essentiel de légumes, de lait, de pain noir. L’eau fraîche est la seule boisson admise.

La cure naturiste : une réponse à l’angoissante modernité6 ?

On peut dès lors penser que ce sont justement ces règles, au premier abord rebutantes pour des individus appartenant à la sphère des privilégiés, qui ont fait le succès des cures naturistes. Ceci peut se comprendre, tout au moins nous en émettons l’hypothèse, au regard des bouleversements que connaissent les états européens. La cure naturiste est in fine une réponse aux angoisses générées par l’avènement de la modernité7, ce dont témoignent la hantise d’une dégénérescence8 et la sensibilité exacerbée face à la pollution industrielle9, au renouvellement de l’air10, à l’urbaphobie11. Industrie et cités, ces « gouffres de l’espèce humaine [où] les races périssent et dégénèrent12 » selon Rousseau, coupent l’individu, croit-on, d’une nature salvatrice. La cure est dès lors une réponse aux interrogations existentielles qui marquent ces générations et se traduisent dans l’essor du romantisme13.

Plus donc que la reconquête de la santé et d’un corps que le confort a par trop amolli, on peut supposer que c’est une quête de repères, de sens, qui amènent les patients dans les hauteurs reculées de Gräfenberg. En s’abandonnant totalement à la Wasserkur, les patients redécouvrent leur corps, se le réapproprient en repoussant ses limites. L’aventure corporelle à laquelle ils se livrent est aussi une aventure intérieure. S’ils y recouvrent la santé, s’ils y gagnent en force et vitalité, ils y trouvent un sentiment d’existence renouvelé et une manière de « ressentir le corps pour mieux creuser le sentiment de soi14 ». En s’abandonnant à la cure, ne s’agit-il pas, comme le note Georges Vigarello, « de rechercher l’inattendu, s’enrichir par la surprise, se mesurer par l’intensité, découvrir de nouveaux terrains de prospection » générateurs de sensations et donc de sentiment de soi ?

En finir avec l’habillement contre-nature

S’ils amènent leur lot d’innovations, les prolongateurs de Prießnitz les plus connus et influents, que ce soit Johan Schroth, l’abbé Sébastian Kneipp ou encore Arnold Rikli, ne dérogent pas à la règle fondamentale que constitue la rusticité de la vie des patients. A. Rikli, promoteur en complément des applications d’eau, de bains d’air et de lumière fait ainsi construire des habitations dénuées de façade dans son établissement implanté à Veldes en Silésie autrichienne qu’il dénomme « huttes d’air ». À Wörishofen (Bavière), Kneipp qui ne cesse de déplorer la « mollesse » nouvelle de ses contemporains, préconise la marche pieds nus dans la rosée du matin15.

Les obligations vestimentaires sont particulièrement pointées du doigt, comme l’exprime un des disciples de Kneipp, l’abbé Nicolas Neuens, mettant en exergue le fait que les individus « sont convaincus que leur habillement est parfait, parce qu’il tient chaud et protège contre les intempéries, et ils ne se doutent pas que leur manière de vivre et de s’habiller est contre nature16 ». Comme le souligne Arnaud Baubérot, c’est « l’ensemble des codes vestimentaires par lesquels les normes de savoir-vivre de la bourgeoisie assurent le maintien et la contention du corps17 » qui sont remis en cause : « les chapeaux, les cravates, les écharpes, les manches et manchettes […] les multiples couches de vêtements, les jarretières, les guêtres, les souliers étroits et pointus, les talons hauts18 » se voient définitivement condamnés.

Les pionniers du naturisme déploient ainsi une part importante de leur énergie à diffuser leur thérapeutique mais aussi une hygiène de vie permettant de prévenir l’apparition des maladies, et par-delà, de régénérer la race. Les cures naturelles donnent lieu à un vaste mouvement populaire de réforme qui touche la plupart des États allemands. Dès les années 1830, les cures naturelles sont largement diffusées au sein d’associations, les Naturheilvereine, qui se fédèrent progressivement et ouvrent des centres à la lisière des villes où pratiquer au quotidien les bains d’air, d’eau et de soleil.

Cette diffusion s’accompagne de nouvelles évolutions. Concernant le dévêtissement l’argument sanitaire se voit complété et parfois dépassé par des considérations d’ordre plus philosophiques faisant de la nudité la condition nécessaire à « l’affranchissement des déterminations historiques et sociales, jugées aliénantes19 ». Le vêtement, dans ses déclinaisons de plus en plus confortables et sophistiquées, est dès lors perçu par certains comme une entrave à la régénérescence de la race allemande, et par d’autres, comme un obstacle à la liberté, selon une perspective libérale pour ne pas dire libertaire. Ce faisant le naturisme allemand s’engage dans la voie de la réforme de la vie. Les mouvements qui s’affirment à l’orée du xxe siècle visent explicitement à modifier le mode de vie des individus, à changer la société. Ils promeuvent de véritables programmes politiques réformistes.

La promotion du « costume naturiste »

Cela étant, l’évolution des cures naturelles n’est pas exempte de contradictions. L’essor des traitements naturels est en effet indissociable du développement des stations balnéaires, thermales et climatiques. Nombre d’entre elles vont d’ailleurs inclure dans leur arsenal de traitements la cure d’eau de Prießnitz et ses déclinaisons. En contrepartie, elles influencent les établissements naturistes qui s’ouvrent dans la lignée de celui de Gräfenberg. Dynamisées par la fréquentation de l’aristocratie viennoise, les cures naturelles sont rapidement à la mode. Ce faisant, elles empruntent progressivement le même chemin que celui des grandes stations climatiques. À la rusticité des locaux succède le luxe d’installations monumentales comme c’est le cas avec l’établissement ouvert par Friedrich Eduard Bilz en Saxe, à Dresde Radebeul vers 1890. Le slogan affiché sur les prospectus du Naturheilanstalt doit d’ailleurs dissiper la réputation éprouvante de la cure de Prießnitz : « Cures heureuses20 ». Restauration de qualité, jeux, animations rapprochent ainsi les établissements naturistes des centres de vacances, de loisirs où l’on vient chercher en plus d’une meilleure santé, divertissement et exotisme.

La cure naturelle renoue ainsi avec les codes bourgeois et aristocratiques. Les établissements naturistes deviennent à leur tour des lieux où l’aristocratie se donne à voir, où les tenues à la mode s’affichent entre les séances de traitement. En conséquence de quoi les traitements eux-mêmes perdent en intensité. À l’action brute de l’eau froide succède une multitude d’applications partielles, accessibles à un large public, notamment féminin et enfantin. La nature est domestiquée, mise en ordre, organisée, tant à l’intérieur de l’établissement que dans son environnement immédiat. Son action est réglée, contrôlée, paramétrée de façon toujours plus précise. Malgré la disparition de Prießnitz, de Rikli et de Kneipp, les établissements de cures naturelles prospèrent et font désormais partie d’une industrie de la santé, du bien-être et du divertissement21.

En parallèle se développe tout un commerce lucratif relatif aux produits naturistes, en particulier ceux conseillés par l’abbé Kneipp. Des magasins se spécialisent ainsi dans la vente de vêtements, d’aliments, de teintures, d’ouvrages naturistes. Les procédés de fabrication sont validés par les « maîtres » du naturisme et attestés par le biais de certificats d’authenticité. Kneipp, en effet, est « contre les habits de laine en contact immédiat avec le corps22 ». Il y préfère la toile sèche et solide de lin ou de chanvre, comme second épiderme [car] elle n’amollit pas la peau, mais lui procure de bonnes frictions23 ». La sandale Kneipp, portée en toute saison, devient un des accessoires emblématiques de tout naturiste qui se respecte.

En France, c’est le pharmacien naturiste Jean Favrichon qui règne sur ce secteur commercial. En 1893, il installe une usine à Saint-Symphorien de Lay pour la préparation d’aliments et de produits pharmaceutiques selon les préceptes de Kneipp, qu’il a rencontré. À l’aube du xxe siècle, il est déjà à la tête de plusieurs magasins de détail à Lyon et Bordeaux et d’un réseau de 300 correspondants.

Des médecins hygiénistes à l’avant-garde

Si dans les pays germaniques le naturisme se développe en grande partie en marge de la médecine officielle et donne lieu à une prise en charge populaire précoce, il n’en va pas de même en France. Ou plutôt, cela se produit plus tardivement. La diffusion du naturisme s’opère essentiellement en France par le biais et sous le contrôle de médecins hygiénistes, adhérant à la doctrine néohippocratique. Le succès économique qui accompagne l’essor du secteur des soins et des traitements par la nature n’est sans nul doute pas étranger à ce phénomène, tout comme un contexte politique et socio-économique marqué par les crises, les tensions.

C’est notamment à la faveur de l’essor des préoccupations politiques relatives à l’hygiène et la santé des populations que le naturisme connaît un nouvel essor. Tant et si bien qu’il est difficile, à l’orée du xxe siècle, de dissocier l’hygiénisme des thèses naturistes, en particulier de la conviction d’un nécessaire retour à la nature comme le fait remarquer le Dr Baradat lors du premier congrès de climatothérapie et d’hygiène urbaine, tenu en 1904 : « “De la nature partout”, clament de tous les côtés les hygiénistes et les médecins. “Éloignons de nos villes nos malades et nos prédisposés, rendons-les à cette bonne vie naturelle où ils trouveront à profusion l’air et la lumière24” ». Est ainsi envisagée la désadaptation de l’individu aux conditions naturelles de vie25. En 1913, le Dr Rouhet se fait le porte-parole de cette conviction qui court sur tout le xixe siècle et qui veut que la société industrielle moderne ne soit pas favorable au développement de l’espèce. Se donnant des accents de prophète, il s’interroge :

Que penser de cette civilisation qui nous promet, dans un avenir plus ou moins rapproché, une race de nains, avec des muscles mous et sans énergie, des membres grêles, des visages d’anthropoïdes inférieurs et des têtes grosses comme des hydrocéphales, incapables bientôt de se mouvoir par eux-mêmes, ne parcourant la terre que grimpés sur des bicyclettes, blottis dans des automobiles, étendus nonchalamment sur les couchettes des sleeping-cars, ou perchés sur des biplans26.

Les discours et les pratiques élaborées outre-Rhin sont repris, font l’objet d’une appropriation. Marqués par le néolamarckisme, les médecins naturistes et hygiénistes considèrent en effet que le salut de la race passe par une hygiène de vie respectueuse des lois de la nature. Et c’est fort de cette conviction et d’un arsenal thérapeutique et hygiénique renouvelé qu’ils publient articles et ouvrages, ouvrent des instituts de traitements. En s’appuyant sur leur domaine d’expertise, ils s’en prennent à leur tour à certaines pratiques de consommation, dont l’habillement. Une fois encore, le port du corset, propre à la bourgeoisie cristallise la vindicte naturiste et hygiéniste. Le Dr Albert Monteuuis s’attaque ainsi à « la situation hygiénique de la femme aisée qui s’astreint aux exigences de la toilette et aux coutumes meurtrières de sa position de fortune27 ». Parmi ces dernières, le port du corset vient en premier, puis la vie sédentaire, la mauvaise hygiène alimentaire…

Vivre intégralement : La Nudité, ses bienfaits esthétiques, physiologiques, moraux et sociaux, no hors-série 1, 3e année, 1930.

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Cette réflexion se porte naturellement vers les enfants, avenir de la race. La réforme de l’école qu’appelle de leurs vœux nombre d’hygiénistes passe ainsi par le recours aux bains d’air et de soleil en classe, la pratique de la gymnastique et de jeux en plein air mais aussi des costumes scolaires plus adaptés. En Allemagne les écoles de la forêt (Waldschule), en Suisse les écoles au soleil du Dr Auguste Rollier et les premières écoles de plein air françaises témoignent de la prise en compte institutionnelle de ces recommandations. Certaines méthodes d’éducation physique, comme la Méthode Naturelle de Georges Hébert28, fondent leur originalité sur la tenue sommaire des élèves : caleçons pour les garçons, tunique pour les filles.

L’alimentation tient également une place centrale dans les préoccupations des médecins naturistes. On définit les « aliments meurtriers » : sucre, viande, alcool29. On professe un régime à dominante végétarienne. Au tournant du xixe siècle, le naturisme rime ainsi avec l’hygiénisme et le végétarisme. À ce propos, vecteur clé de la diffusion dans le corps médical des thèses naturistes, la Société Végétarienne de Paris est fondée en 1880 par le Dr Hureau de Villeneuve. Présidée au début du xxe siècle par le Dr Jules Grand, elle édite la revue La réforme alimentaire. En 1899, la création de la Société Végétarienne de France témoigne de l’intérêt grandissant que le végétarisme suscite.

Les programmes hygiénistes annoncent la naissance en France de projets de réforme des modes de vie. Ceux-ci commencent à se développer dès la fin du xixe siècle dans les milieux végétariens mais aussi libertaires. Dans ce dernier cas, l’hygiène naturiste est perçue comme le moyen de s’affranchir de la société capitaliste, de restreindre au minimum ses besoins et d’accéder à l’autosuffisance, condition d’une liberté totale et d’une émancipation définitive d’avec la société bourgeoise. La lutte des classes peut passer par le naturisme. Il faut cependant attendre le début des années 1920 pour que le naturisme prenne véritablement le tournant de la « réforme de la vie ».

Corps naturel et canons de beauté entre les deux guerres

Pour en finir avec « la civilisation artificielle des cités enfumées30 »

Si le naturisme de l’entre-deux-guerres s’extrait de sa gangue médicale qui le canalisait, il ne rompt pas pour autant avec les principes, les pratiques et les argumentaires issus du xixe siècle. Bien au contraire, on assiste à une cristallisation des critiques. En 1935, sur près de 129 pages d’un chapitre intitulé « conditions antinaturelles de la vie moderne31 », les docteurs Gaston et Albert Daniel livrent une synthèse détaillée de cet argumentaire critique qui caractérise la pensée naturiste de l’entre-deux-guerres.

Le premier conflit mondial a en effet servi de catalyseur au naturisme. Marqué par l’anéantissement de millions d’êtres innocents, il est, en quelque sorte, venu prouver la véracité des thèses naturistes, la justesse des prophéties énoncées concernant la décadence des sociétés européennes. Le progrès scientifique a amené avec lui la mort de masse, industrielle. Selon les naturistes français, un tel drame n’a pu se produire que parce que les hommes se sont coupés de la nature, en ignorent ses lois, ses enseignements les plus simples. Pour le Dr Paul Carton, fondateur en 1921 de la Société naturiste française, « ceux qui savaient les ravages exercés par l’alcoolisme et l’irréligion, ces deux fléaux des temps modernes, […] pressentaient et prédisaient l’imminence de la catastrophe32 ».

Dès lors, les tergiversations ne sont plus de mise. Il faut convaincre, persuader le grand public et les dirigeants des erreurs dans lesquelles ils se complaisent. Il faut libérer l’individu des codes délétères qui ne pourront que conduire à un nouveau désastre, émanciper les corps de l’emprise des lobbys industriels, des errements des politiciens, d’une conception de la médecine erronée et dévoyée. En 1935, les membres de chaque centre naturiste affilié à la Ligue Vivre, fédération pro-nudiste, sont sommés de lutter « dans chaque ville contre les spéculateurs et les commerçants vendant des produits falsifiés ou d’origine douteuse33 ». Parmi les principaux leaders qui se dressent alors, on peut faire cas de Jacques Demarquette fondateur en 1912 du Trait d’Union, du Dr Carton qui entretient des relations étroites avec Hébert et son mouvement hébertiste, des docteurs Durville, qui ont lancé en 1927 leur Société naturiste. On citera enfin Marcel Kienné de Mongeot, qui rassemble autour de lui et de sa Ligue Vivre, créée en 1927, les prosélytes d’une nudité intégrale, sans concession. Tous lancent des revues et multiplient les conférences.

Reste qu’en fonction des opinions politiques et des sensibilités des chefs de file du naturisme, la définition de la société naturelle à instaurer diffère. Pour le Dr Carton, c’est à une société patriarcale, fondée sur le respect de la religion catholique qu’il convient de retourner. Point de vue qu’il partage avec Hébert qui cautionne systématiquement ses écrits et en reprend des éléments pour fonder son propre système naturiste. À l’opposé, Jacques Demarquette plaide pour une société de type socialiste, internationaliste, et par nombre d’aspects, libertaire.

Bien avant la mode du bikini lancé en 1946, les naturistes d’Héliopolis, surnommée « l’île des seins nus », ont opté vers la fin des années 1930 pour le minimum, nom que l’on donne alors au cache-sexe, tenu par une ficelle que portent hommes et femmes. Être naturiste ne rime pas alors avec nudité totale, sauf pour les membres de la Ligue vivre. Et il est tout aussi important, au début des années 1920 de modifier son alimentation, de s’exercer physiquement que de se dénuder partiellement.

De fait, s’il s’agit bien de rompre radicalement avec un mode de vie, de se libérer du vêtement, d’une certaine conception de la pudeur, c’est le plus souvent pour mieux adhérer à des nouvelles règles, de nouvelles lois34 qui ne souffrent aucun écart. Le 15 janvier 1929, Kienné de Mongeot expose aux lecteurs de sa revue les préceptes à respecter strictement :

Ne pas boire d’alcool, ni de boissons alcoolisées, ne pas fumer, ne pas s’enfermer sans nécessité réelle dans des locaux où le cube d’air est insuffisant pour le nombre de personnes qu’ils contiennent (café, théâtre, cinéma, etc.). Au réveil, exécuter quelques exercices physiques en état de nudité complète […]. Faire suivre la séance de gymnastique d’ablutions et de frictions. Petit-déjeuner : fruits, potage de légume (le café et le thé sont des excitants néfastes). Se rendre à son travail à pied en marchand vite ou en courant au pas de gymnastique. […] Déjeuner et dîner frugaux, de préférence végétariens et fruitariens. (Ne manger, en tout cas, chaque jour qu’une fois ou des œufs, ou du poisson, ou de la viande). Avant le repas du soir, petite séance de gymnastique, ablutions et frictions comme le matin. Dormir la fenêtre ouverte. Coucher sans chemise et seul dans son lit et dans sa chambre. La communauté du lit est antihygiénique. Se coucher tôt et se lever tôt. Ne pas oublier que l’activité physique tient lieu de vêtements. Occuper ses repos et loisirs par des promenades à la campagne et/ou par des lectures saines et instructives. Cultiver les arts qui font partie de la vie naturiste […]35 

Tout naturiste a ainsi le devoir de se développer tant physiquement que moralement, comme en témoigne la devise d’Hébert : « Être fort pour être utile ». La logique ascétique l’emporte ainsi dans la vulgate naturiste. On peut y voir certes une stratégie de légitimation alors que la nudité, même partielle, suscite encore la réprobation et tombe, en public, sous le coup de la loi et des ligues de moralité publique. L’abbé Louis Bethléem, directeur de la très influente Revue des lectures, fait de la lutte contre le nudo-naturisme et plus largement « l’immoralité des plages36 » un combat de premier plan dans les années 1930. Quoi qu’il en soit, le rigorisme naturiste témoigne du désir de quitter un statut encore marginal, alternatif à celui de la normalité.

Contre les « hideurs de la mode »

Initiée par les naturistes du xixe siècle, la critique concernant le vêtement se durcit entre les deux guerres. Les traités naturistes comportent systématiquement des chapitres dédiés si ce n’est au vêtement tout au moins aux bains d’air et de soleil où ce sujet est nécessairement abordé. Le Dr Pierre Vachet, collaborateur de Kienné de Mongeot, résume l’opinion générale en vigueur dans le milieu naturiste :

Le vêtement, mauvais conducteur d’électricité, empêche notre organisme de bénéficier comme il le faudrait de ces ondes cosmiques (qui forment l’énergie solaire). Il est à remarquer que les peuples civilisés ne tardent pas à dégénérer, à s’affaiblir ; les races modernes sont notamment moins grandes et moins robustes que les races de jadis37.

Reprenant les recommandations des pionniers du naturisme, Edmond Corval souligne en 1922 la nécessité de « supprimer les vêtements et accessoires inutiles et qui gênent la respiration et les mouvements du corps, plus de faux cols carcans, plus de manchettes, plus de cravates, de caleçons collants, de chaussettes, de souliers étroits et de formes ridicules. Pour les femmes, plus de corsets, plus de hauts talons, plus de jupes longues et enfin plus de chapeaux inutiles et d’ailleurs fort coûteux38 ». Le costume naturiste doit rester un pantalon de toile court et large, une chemise américaine à poches et une paire de sandales. La mode, surtout féminine, est combattue avec une âpreté renouvelée, désignée comme étant une des causes majeures de dégénérescence. En 1927, Hébert publie ainsi dans sa revue L’éducation physique un article intitulé « Les hideurs de la mode – Comment la femme moderne conçoit la beauté plastique39 ». S’il y reprend les idées de son ouvrage Muscle et beauté plastique féminine, consacré en 1919 à l’éducation physique de la femme 40, son discours se radicalise.

Hébert s’en prend ainsi aux « mannequins vivants de la haute couture 41 ». Il dénonce les « catalogues des grandes maisons de nouveautés, les journaux de mode et en tête les organes officiels de la haute couture » car, diffusés à « des milliers d’exemplaires […] aucune femme n’échappe à leur suggestion ». Il vilipende tout support visuel, artificiel, virtuel qui contribue à fausser le regard, à instaurer une esthétique antinaturelle : mannequins de cire, gravures et dessins. Au « canon éternel de beauté » incarné par la statuaire antique auquel il souscrit, la mode préfère en effet les femmes « qui atteignent un certain degré de maigreur, ou qui prennent des poses avachies ou séniles ». Hébert poursuit de ses foudres « la silhouette extra-plate vue de profil qui nécessite une atrophie musculaire générale [et] les épaules tombantes pour s’accorder sans doute avec la taille des robes ridiculement placées sous les hanches ». Les docteurs Durville, quant à eux, observent avec un œil tout aussi critique l’évolution des canons de beauté féminins : « Pendant un temps, on relevait les seins en plateforme ; et il les fallait énormes ; aujourd’hui il est beau de ne n’en plus avoir. Tantôt la taille doit être celle d’une guêpe, tantôt elle s’élève sous les aisselles, ou bien elle disparaît tout à fait42 ».

La vigueur des propos révèle l’importance accordée à la beauté, à l’esthétique par les naturistes. C’est par ce biais-là que les leaders du naturisme escomptent aussi changer les comportements et banaliser le dévêtissement.

Kienné de Mongeot est également parmi les plus virulents sur le sujet. Il déplore à son tour la perte du sens de l’harmonie et de la beauté, conséquence principalement de la « dégénérescence physique43 », de « la mode » et « d’une stupide morale ». Selon lui, 99 % de la population n’offre ainsi qu’un « spectacle pitoyable de difformités ou d’accoutrements grotesques ».

La violence des propos est à lire au regard d’éléments rhétoriques nouveaux que forgent alors les défenseurs du nudo-naturisme. Et pour cause, la nudité intégrale est censée garantir non seulement une meilleure vitalité grâce à l’irradiation des organes génitaux44 mais elle est la condition nécessaire à une éducation sexuelle salutaire. Et c’est là l’intérêt ultime, le bénéfice essentiel du nudo-naturisme. En effet, pour les dirigeants de la Ligue Vivre, les maux dont souffre l’humanité ont pour origine essentielle les perversions sexuelles et les névroses générées par une morale judéo-chrétienne pudibonde et hypocrite : guerres, crimes, viols, prostitution sont le lot des pays où la conception erronée de la pudeur véhiculée par l’Église a modifié et compliqué l’instinct sexuel primitif. Et c’est par ce prisme que la mode vestimentaire est jugée. La sentence est dès lors sans appel : alors que « le nu intégral ne laisse aucune liberté à l’imagination45 », qu’il est, de fait, « moins évocateur d’images perverses que le déshabillé. […], les vêtements, les robes des couturiers sont des chefs-d’œuvre de psychologie libertine 46 ».

L’esthétique corporelle naturiste

La lutte contre l’influence d’une mode dévoyée a pour corollaire l’instauration de nouvelles normes esthétiques, censées respecter les lois de la nature, mais qui font bien souvent appel aux canons antiques. Les ouvrages naturistes qui se multiplient consacrent de longs développements à la beauté et à la présentation de ce que doit être un corps naturel. Outre l’ouvrage d’Hébert sur l’éducation physique féminine, Beauté et libre-culture de Kienné de Mongeot47 ou Fais ton corps48, livre consacré par les docteurs Durville au corps féminin, rencontrent le succès.

Reprenant les armes de leurs ennemis, les leaders du naturisme s’appuient sur les médias en plaçant au centre l’iconographie : dessin, photographie, cinéma… Tous les mouvements disposent ainsi de leur revue illustrée, les chefs de file n’hésitant pas à exposer leur corps comme preuves et illustrations.

Qu’en est-il dès lors du modèle corporel prôné ? Outre le teint hâlé, signe de vitalité et de force, le corps naturiste est avant tout un corps athlétique, intégralement développé mais aussi lisse. Les Durville n’ont ainsi de cesse de rappeler dans leurs écrits que « l’être normal, c’est l’athlète49 », autrement dit « musclé et sans graisse50 ». Dans ce cadre, les femmes aussi accèdent à des attributs longtemps considérés comme l’apanage de l’homme : la force, des muscles saillants, visibles et une silhouette découpée.

Le culte de la nudité

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Roger Salardenne, Le culte de la nudité. Sensationnel reportage en Allemagne, Paris, Prima, 1929

Il existe cependant des nuances entre les différents naturismes. Pour Hébert et Kienné de Mongeot, il n’est pas question de confusion des genres. Se référant une fois encore à la statuaire antique, ce dernier s’évertue à « montrer à la femme l’erreur qu’elle commet en cherchant à se masculiniser51 ! » Il n’en demeure pas moins que les illustrations de sa revue mettent en avant le morphotype de la Garçonne, de la sylphide moderne52. Arnaud Baubérot remarque ainsi que dans les illustrations de Vivre intégralement, « les femmes ont les cheveux courts, des corps fins, des hanches étroites et des poitrines peu développées53 ». Le modèle corporel auquel se rattachent les Durville – présenté sous forme d’esquisse – est lui encore plus androgyne.

Il faut dire que les centres naturistes de l'entre-deux-guerres sont aussi des centres d’éducation physique. La vie s’y organise autour du stade et de la piscine, et les naturistes construisent en pleine nature des installations sportives d’athlétisme, de volleyball, de tennis… Dans leurs ouvrages, les Durville indiquent comment construire sur 4 m un « stade chez soi54 ». Tournois, championnats, initiations sportives et entraînements collectifs scandent les journées et Naturisme signale, outre les résultats, la présence de culturistes venus parfaire leur teint comme Marcel Rouet, élu « Apollon 1935 » et « Plus bel athlète de France » de 1936 à 1943.

Les naturistes promeuvent ainsi des modèles corporels sources de complexes, comme en témoigne le courrier des lecteurs. En s’intéressant de plus en plus aux mensurations, ils participent à l’affirmation d’un « regard chiffré » sur le corps55. L’attention se porte notamment sur la poitrine, que les vêtements ne dissimulent plus ou qu’ils épousent. Les Durville multiplient les couvertures et les articles sur le sujet dans Naturisme dès le milieu des années 193056. Faisant appel à l’expertise du Dr A. Achpise, ils présentent les bienfaits de la chirurgie esthétique afin de redonner à la poitrine des femmes sa forme naturelle57. La science médicale dans ce qu’elle a de plus artificiel est mise au service de la quête du naturel.

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

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© Collection particulière.

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

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La plage, des naturistes devant un groupe de tentes

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L’Agence des Arbousiers,

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« L’avenue du Château »

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Des naturistes embarquent dans une jeep pour aller à la plage.

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© Collection particulière.

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

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© Collection particulière.

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

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© Collection particulière.

La mode du bronzage au secours du naturisme

Avec l’entre-deux-guerres, le naturisme français connaît un premier âge d’or, comme une réponse à des interrogations existentielles et identitaires qui naissent de la guerre comme des angoisses déclinistes. La nature éternelle, seule source de vérité, apparaît comme une matrice génératrice de sens et de repères stables. Mais pris également dans la consommation, le naturisme n’échappe pas aux phénomènes de mode. Réservé aux oisifs au xixe siècle, le naturisme touche toutes les classes sociales dans les années 1930. On peut alors se risquer à estimer à plus d’une centaine de mille le nombre d’adhérents aux organisations naturistes. Quelles que soient les exagérations des leaders, l’audience du naturisme est bien plus large. Les tirages des revues et les rééditions des ouvrages l’indiquent : chaque numéro de l’hebdomadaire Naturisme est tiré à 50 000 exemplaires. En outre, la presse généraliste nationale comme régionale s’intéresse de plus en plus au naturisme, tout comme les revues sportives, le célèbre magazine L’Auto consacrant entre décembre 1931 et septembre 1932 pas moins de treize articles au naturisme.

La diffusion du naturisme est telle qu’il n’échappe pas à la satire. En août 1930, le Canard enchaîné « se paye » les naturistes58. En 1933, c’est le chansonnier Georgius qui chante avec dérision Vive le nu, chanson retransmise par la TSF. Fleurissent également les romans grivois prenant le naturisme pour décor, comme Le monsieur tout nu, ou le naturiste ingénu, de Marcel Vigier, ouvrage au sein duquel il alterne parodie de la rhétorique naturiste et évocations érotiques59.

La montée des loisirs et du plein air, notamment avec le Front populaire, offre les conditions propices au naturisme. Les préoccupations hygiéniques, eugéniques et esthétiques banalisent thèmes et thèses naturistes. Les corps se libèrent et les normes de pudeur évoluent comme le remarque en 1935 Louise-Marie Ferré :

Mais, sur certains terrains de sport, en piscine, etc., il devient courant pour les hommes d’évoluer torse nu, pour les femmes en maillot largement échancré. Au Stade des Tourelles [à Paris], notamment, on peut voir des athlètes et des athlètesses bronzés, véritablement naturistes dans le meilleur sens du terme, bien que la plupart n’adhèrent sans doute à aucun groupe60.

La mode de la garçonne illustre également cette évolution et les nouvelles reines de beauté doivent s’astreindre à l’entraînement physique61.

Si les corps se libèrent des couches de vêtements, c’est pour mieux s’assujettir à un travail de modelage, s’habiller de muscles et de couleurs. Les années 1930 voient ainsi le teint hâlé s’imposer, notamment dans l’influente revue Marie-Claire62. Régime épidermique autrefois dévalorisé socialement, la peau bronzée devient synonyme de santé et de beauté, conviction que défendent les naturistes depuis de longues années, confortés par les études médicales portant sur le traitement de la tuberculose grâce à l’héliothérapie. Les années 1930 consacrent ainsi les huiles solaires.

Les naturistes bénéficient directement de ces évolutions mais y ont aussi contribué. Journaux féminins et revues de mode font ainsi une place au corps naturiste. En 1919, Les modes, revue mensuelle illustrée des arts décoratifs appliqués à la femme, présente en couverture une élève d’Hébert, portant la tunique règlementaire et s’exerçant au lancer du poids. La photographie, sous-titrée « Type d’athlétesse moderne », est suivie d’un article d’un des disciples du maître de la Méthode naturelle sur l’athlétisme féminin et son influence sur la beauté63. Plaidoirie pour la beauté naturelle et tenues de soirée se côtoient. En 1920, la revue récidive avec un article sur la « Musique rythmique64 » qui présente la « Palestre de Deauville », centre ouvert par Hébert pour les jeunes filles de bonne famille. Le corps naturiste, tant dans son esthétique que dans ses postures, est érigé au rang de modèle.

Autre exemple, en 1932, Les Dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour aborde le sujet à maintes occasions. Lors d’un article sur les sports d’hiver65, le journaliste souligne que les skieurs vont dans les montagnes suisses pour se dénuder et profiter des « bienfaits du soleil et de la neige […] sur la peau humaine66 ». Dans la rubrique actualités féminines, on apprend que le « naturisme vient d’être officiellement admis en France, par le Ministre de l’hygiène67 ». Et on le retrouve jusque dans le courrier des lecteurs68.

Le naturisme est ainsi perçu et vendu comme une fabrique de santé et de beauté. La promotion de grands centres naturistes tels que Physiopolis dans la banlieue parisienne ou Héliopolis sur l’île du levant joue sur ce ressort. En parallèle, les instituts de cure naturiste diversifient leurs activités, au point de se transformer parfois en instituts de beauté. Le corps naturiste impose de nouveaux vêtements et accessoires. Le tailleur Michou se fait dans les années 1930 le spécialiste des « slips naturistes et cache-seins », ainsi que du pantalon naturiste, « modèle déposé69 ». « Élégante, sportive, naturelle », la coupe est présentée comme le moyen le plus sûr pour les naturistes de se reconnaître dans un contexte urbain et professionnel. Autre marque déposée, la « Levantine », la « seule sandale naturiste », fabriquée sur l’île du Levant par l’artisan P. Parsonneau70. Les naturistes deviennent aussi une cible pour les fabricants de crèmes solaire et de beauté71 et de cire épilatoire. La publicité jusque pour l’électroménager n’hésite pas à mobiliser les thèmes naturistes, Frigélux annonçant :

Nous voici en pleine période de vacances ayant abandonné l’atmosphère viciée de la grande ville, vous vous grisez d’air pur, « rôtissez » consciencieusement votre épiderme au bienfaisant soleil d’été… Frigélux conserve les aliments aussi frais que lors de la cueillette72.

Le corps médical participe de cette démocratisation à travers les mesures de prévention et de lutte contre la tuberculose qui font la part belle à l’exposition à l’air et au soleil. Se dessine également un regain d’intérêt pour la médecine néo-hippocratique, couronné par le Premier congrès de médecine néo-hippocratique en 1937.

Forts de cette écoute, les naturistes obtiennent une reconnaissance institutionnelle au sein de l’école publique, avec les écoles de plein air73, dans le champ de l’éducation physique, et auprès des hommes politiques, en particulier sous le Front populaire. Les prises de position des ligues de défense de la famille, de certains membres de l’Église dont l’abbé Bethléem, échouent à enrayer ce phénomène. Signe des temps, après son frère, décoré en 1933, c’est au tour du Dr André Durville d’être fait chevalier de la Légion d’Honneur au titre de l’éducation physique, des sports et des loisirs en 1937. Reste qu’en matière de nudité intégrale, la loi n’a pas changé. Être vu nu revient à commettre un « outrage public à la pudeur » passible de trois mois à deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 13 à 200 fr. selon l’article 330 du Code pénal.

Le naturisme dans la société de consommation : une nudité à la mode

L’avènement des centres de vacances : un naturisme consommé à grande échelle

Avec les années 1960-1970, le naturisme franchit une nouvelle étape comme objet de consommation. Fruit du contexte des sixties marqué par la montée des jeunes et l’essor des contre-cultures, de l’avènement de la société de consommation, cette évolution a été préparée de longue date au sein de la Fédération Française de Naturisme (FFN), fondée en 1950. À sa création, ses dirigeants ont pour objectif de démocratiser le naturisme en l’associant à la nudité intégrale et aux vacances74. Ils sont ainsi amenés à transiger avec les valeurs d’ascétisme et de responsabilité qui prévalaient entre les deux guerres. L’eugénisme, rengaine obsédante de l’entre-deux-guerres, est remplacé par l’hédonisme. Ils démultiplient ainsi les actions de communication dont la participation à tous les salons relatifs au plein air, au camping et aux vacances, en particulier les salons Nature et santé. En parallèle, ils complètent le réseau des clubs naturistes locaux par la création de grands centres de vacances, avec, en guise de locomotive, le Centre hélio-marin (CHM) de Guyenne-Montalivet (Gironde), lancé en 1951. Vitrines publicitaires, ces centres doivent servir de lieu d’initiation. Dix ans plus tard, Héliomonde, le « montalivet parisien », ouvre ses portes à Saint-Chéron, dans 70 hectares de bois et de plaines sablonneuses. Entre-temps, en 1956, le CHM du Cap d’Agde a vu le jour sous l’impulsion des frères Oltra. L’île du Levant, même si elle est indépendante de la FFN, vient compléter cette offre. Après des débuts mitigés, le succès est au rendez-vous dans les années 1960 et se confirme dans les années 1970. Le CHM de Montalivet passe ainsi le cap des 10 000 personnes dès 1959 puis des 20000 en 1970. En 1976, la fréquentation du centre du cap d’Agde se situe autour de 25 000 en été – le double sur l’année. Dans les années 1960, Héliopolis se taille la part du lion avec près 70 000 personnes débarquées sur l’île du Levant en 196975. Ces succès font des émules : en 1970, la FFN peut ainsi s’appuyer sur 21 centres. Ces centres permettent de nourrir la fédération de nouveaux licenciés : seulement 8 229 en 1960, ils sont plus de 20 000 en 1967, et 74 000 en 1979. L’embellie économique des Trente Glorieuses bénéfice au naturisme, le chiffre d’affaires annuel de certains grands centres s’élevant à plusieurs milliards de francs76.

Pour autant, le tournant commercial et démocratique soulève des contestations. Kienné de Mongeot critique ainsi Albert Lecocq qui se garde alors de « publier dans sa revue des nus intégraux espérant toucher ainsi un public plus important77 ». Il promeut sa propre organisation, la Société Gymnosophique Internationale, créée en 1945. Autre épisode délicat, la FFN voit s’affronter en son sein les dirigeants des centres de vacances et des clubs locaux. Dans certains centres de vacances, les attentes des clients et les loisirs semblent en effet l’emporter progressivement sur les valeurs naturistes des réformateurs des années 1920. En juillet 1971, le retour à la nature se décline au cap d’Agde dans un immense village-amphithéâtre bâti autour d’un port et réservé aux naturistes : Port Ambonne. De façon corollaire, le naturisme indoor se développe de plus en plus suscitant interrogations et controverses.

Finalement, la FFN modifie en 1972 ses statuts et met en place un comité dédié aux centres de vacances. Mais le problème de l’identité du naturisme face notamment aux nouveaux « consommateurs » du nu n’est pas pour autant résolu. Les tensions persistent avant de ressurgir avec force dans les années 1980 et de se conclure par la scission en 2002 des principaux centres d’avec la fédération.

Le Domaine de Physiopolis (Île des Naturistes) à Villennes-sur-Seine, Seine-et-Oise. Le premier bugalow, en fibro-ciment, celui du Comité d’Organisation, fut construit au printemps 1929.

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© Collection particulière.

Le terrain de basket, carte postale.

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© Collection particulière.

Publicité pour Physiopolis parue dans Naturisme, N°368, mars 1936.

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Le naturisme à la conquête des plages : de la mode des seins nus… au naturisme sauvage

Après la guerre et des années 1950 en demi-teinte où de nombreuses associations se délitent, le naturisme est de nouveau à la mode répondant à la soif de liberté de la jeunesse issue du baby-boom. Comme au lendemain de la Première Guerre mondiale, le naturisme est vu comme une matrice de sens capable de guider l’existence. La critique de la société capitaliste et des institutions qui la légitiment réactive alors le mythe du retour à la nature. Le regain des médecines naturelles avec la naturopathie, directement héritière des cures naturistes du xixe siècle, et les débuts de l’agriculture biologique en témoignent78. Par ailleurs, si l’on soulève les pavés des rues parisiennes en mai 1968, c’est pour mieux retrouver la plage, autrement dit retourner à une nature authentique.

La jeunesse, revendiquant son droit à la différence face aux aînés, remet en cause les normes relatives à la pudeur et à la sexualité, rencontrant de ce fait les revendications des naturistes79. Les seuils de pudeur évoluent et la nudité devient le symbole de la liberté et une forme de contestation. Les arts, notamment cinématographiques, lui donnent une voie d’expression et une caisse de résonance inédite80. Et non sans paradoxe, comme la nudité fait vendre, elle est propulsée au cœur de la société de consommation, y compris la nudité naturiste dont le projet est pourtant de se défaire de la société. Certaines revues naturistes participent de cela, plus ou moins volontairement. Dans la revue Naturisme 51, les articles de Jean Bassaud, « L’usine à beau garçon81 » ou de Nick Darmont82, associent la pratique du naturisme à la séduction, au plaisir sensuel.

Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde. Partie de mini-golf, carte postale

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Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, vue aérienne du centre de vacances, carte postale

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Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, concours de châteaux de sable, carte postale

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Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, séance de culture physique, carte postale

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Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, commerces. Cartes postales, carte postale

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Autrefois vu comme un pervers, un exhibitionniste, le nudo-naturiste devient une figure sympathique, jeune, positive. C’est tout au moins l’image qui ressort de la saga à grand succès du Gendarme de Saint-Tropez, dont le premier épisode sort en salle en 1964 et le dernier en 1982. En 1974, un sondage réalisé par l’IFOP pour France-Soir confirme la bonne opinion que les Français ont désormais de la pratique de la nudité, 41 % des personnes interrogées de plus de vingt ans se prononçant pour le « droit de se baigner nu sans maillot de bain83 » sur les plages. Et pour cause, depuis une dizaine d’années, la mode des seins nus, mis sous le feu des projecteurs à Saint-Tropez, gagne le littoral français. Malgré la loi et les arrêtés préfectoraux, les autorités publiques se révèlent impuissantes à endiguer le phénomène. En août 1970, ce « demi naturisme » a déjà gagné tout le golfe tropézien et fait même la renommée de plusieurs établissements de plage comme La Voile rouge84.

Concurremment, la pratique du naturisme sauvage se développe, marquée une fois encore par les tensions entre adeptes et autorités publiques. Le premier volet du Gendarme de Saint-Tropez est inspiré des heurts entre les forces de l’ordre et les naturistes sauvages sur la plage de Pampelonne (Ramatuelle) qui scandent le début des années 1960. Le naturisme sauvage est cependant source d’inquiétude pour une FFN en quête de légitimité et qui n’est pas encore reconnue d’intérêt public. Les néonaturistes s’émancipent en effet des règlements et des normes naturistes. Au moment où la virilité est remise en question sur l’autel du pacifisme et du refus de l’autorité, ils ignorent le diktat du corps athlétique. Ils s’affranchissent également de la retenue en matière de mœurs qui prévalait jusqu’alors dans les centres, souvent aux règlements rigides. Si la sexualité est abordée au sein des revues, c’est pour mieux éviter ses manifestations dans les centres, la plupart des adhérents ayant « une position de retrait et de méfiance85 » vis-à-vis de la libération sexuelle. C’est également leur corps qui est différent, parfois dérangeant, avec l’essor des marques corporelles (tatouages, piercings…) et autres signes d’affirmation identitaire86. Ce que le costume conférait autrefois aux personnes, c’est au corps de le faire désormais.

Naturisme et people : le cas de l’île du Levant

Le cas d’Héliopolis est emblématique des évolutions, contradictions et tensions que connaît alors le naturisme. Depuis les années 1950 s’y côtoient plus ou moins difficilement plusieurs familles de naturistes. En raison de sa situation géographique et de l’imaginaire qui l’entoure, elle se révèle un lieu transgressif et donc à la mode.

On distingue ainsi les adeptes du minimum, tenue officielle depuis la fin des années 1930, les nudo-naturistes qui se rassemblent sur la plage des grottes et chassent sans pitié tous ceux qui ne quittent pas leur tenue, minimum compris, mais aussi des commerçants et des touristes pour qui la nudité ne se conçoit que lors de la toilette. On y découvre une pléthore d’acteurs, comédiens, chanteurs, peintres, écrivains : Michel Simon, Madeleine Renaud, Jean-Louis Barrault, Simone Valère, Guy Béart, Louis Moyano, Charles Devismes… Les stars américaines ne dédaignent pas également se montrer à Héliopolis, à l’instar d’Errol Flynn ou de Jayne Mansfield. Mannequins, avec Joëlle Monnin, et starlettes montantes fréquentent aussi la place et contribuent à donner un parfum de scandale et d’érotisme au lieu, ce que ne vient pas démentir la présence de Rita Renoir, comédienne mais aussi pionnière du strip-tease en France. Parmi la faune présente à Héliopolis, bien que certains soient d’authentiques naturistes venus parfaire leur corps et leur santé sous un climat favorable, d’autres sont davantage en soif d’expériences nouvelles et excentriques. Les établissements de nuits et autres cabarets, comme La paillote, Le couvent, La caravelle ou Le stock, s’adaptent à ce public, organisant des soirées où la nudité se fait plus érotique. À la Paillote, on danse le corps habillé uniquement de « peintures » lors des « nuits cannibales ». Une certaine liberté sexuelle, voire un libertinage certain, trouve ainsi sa place. Comme le remarque un observateur de l’époque, l’île accueille ainsi « les couples rangés, les naturistes endurcis, les célibataires à l’affût, les homosexuels des deux sexes, les échangistes, les noceurs », affichant « effrontément sa marginalité, sa volonté d’ouverture et son goût pour la liberté87 ».

Cette situation ne dure pas. Les conflits entre les naturistes et les consommateurs du nu finissent par se solder, dans le courant des années 1970, par une règlementation qui vient décourager l’expression d’une nudité libertaire et libertine. La temporalité de la mode explique aussi le départ des vedettes et célébrités pour d’autres lieux, notamment Saint-Tropez. Quant à la nudité libertine, elle trouve au Cap d’Agde et sur certaines plages de nouveaux espaces privilégiés88.

La FFN tente par la suite de profiter de l’écoute favorable que le naturisme obtient auprès de personnalités en vues. Son organe officiel, La Vie au soleil, interviewe ainsi Marielle Goitschel, championne olympique de ski en 1968, pour qui le naturisme est tout simplement « fantastique89 ». En 1975, le navigateur Éric Tabarly révèle dans ses colonnes vivre totalement nu pendant ses longues traversées sous les tropiques90. Pascal Lainé, prix Goncourt 1975 et Jacques Médecin, secrétaire d’État au tourisme, apportent à leur tour leur caution lors de l’année 197691.

Afin également d’asseoir l’identité de leur mouvement, de la renforcer face notamment aux nouvelles générations, les responsables de la FFN s’efforcent de faire prendre au naturisme le tournant de l’écologie, sujet alors des plus à la mode. Reste que, fondamentalement, l’écologie répond aux valeurs naturistes et à l’esprit réformiste des pionniers du mouvement. LaVieausoleilengage ainsi ses lecteurs à soutenir les organisations écologistes et à consommer différemment, aussi bien pour l’alimentation, l’habillement que le logement, en soutenant l’agriculture biologique, les économies d’énergie, et de participer à la protection de la nature, de la faune et de la flore.

 

L’aperçu de ces relations entre mode et naturisme, souligne oh combien celles-ci furent étroites et ambiguës. Étroites, car peu de temps après son invention le naturisme est pris dans une logique commerciale, notamment pour le vêtement, qui ne se démentira pas. De la sandale Kneipp au pull-over artisanal en laine naturelle en passant par les slips de bains et autres costumesnaturistes, il existe bien un vêtement naturiste permettant aux adeptes du retour à la nature de ne pas rompre avec leur engagement, y compris dans la vie quotidienne.

Des relations étroites encore car la mode est prise pour cible par les naturistes, en tant qu’expression la plus visible du caractère absurde voire dangereux des conventions sociales auxquelles ils opposent une nature intemporelle. Le naturisme se construit tout au long de son histoire contre la mode, en particulier vestimentaire, ses propagandistes s’attaquant à la prison corporelle que constitue le vêtement, métaphore de la société artificielle au sein de laquelle l’individu est enfermé. Quitter la mode est le premier pas vers une rupture avec la ville puis avec une civilisation toute entière, trop détachée de la nature.

Des relations également ambiguës car, comme les grandes idéologies et utopies nées en même temps que lui, le naturisme est tiraillé entre des orientations idéalistes, militantes, parfois élitistes, d’une part, et son exploitation commerciale et sa démocratisation d’autre part. Il fait ainsi l’objet de phénomènes de mode alors même que ses penseurs prônent l’atemporalité de ces valeurs. Avec le temps et l’évolution des mœurs les tenues naturistes se banalisent, sont même à la mode, que l’on prenne le cas du maillot deux-pièces, du monokini ou encore du minimum. Lors des années 1960-70 c’est la nudité elle-même qui est concernée, ce qui ne va pas sans susciter des conflits entre les nouvelles générations de naturistes et leurs aînés. Le naturisme oscille ainsi en permanence entre ascétisme et hédonisme qui forment dès lors les bornes d’un continuum de pratiques et d’approches qui toujours, butent sur les modes ou les épousent.

1 Voir Sylvain Villaret, Histoire du naturisme en France depuis le siècle des Lumières, Paris, Vuibert, 2005, et Arnaud Baubérot, Histoire du

2 « Petites annonces. Le fournisseur des naturistes, J. Michou », Naturisme, le grand magazine de culture humaine, no 377, 15 juillet 1936, p. 15.

3 Marie-Emmanuelle Chessel, Histoire de la consommation, Paris, La Découverte, « Repères », 2012.

4 Voir David Le Breton, Anthropologie du corps et modernité, Paris, PUF, 1998.

5 J. Bigel, Manuel d’hydrosudopathie ou traitement des maladies par l’eau froide, la sueur, l’exercice et le régime suivant la méthode employée par V

6 Christophe Charle, Discordance des temps, Une brève histoire de la modernité, Paris, Armand Colin, 2011.

7 Emmanuel Fureix et François Jarrige, La modernité désenchantée. Relire l’histoire du xixe siècle, Paris, La découverte, 2015.

8 Pour le cas de la France, Émile Zola révèle la banalisation de ce thème, de cette hantise à travers notamment sa saga portant sur la lignée des

9 On se reportera avec profit à l’ouvrage de Geneviève Massard Guilbaud, Histoire de la pollution industrielle. France 1789-1914, Paris, Éditions

10 Voir à ce propos Alain Corbin, Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social xviiie-xixe siècles, Paris, Flammarion, 1986, p. 190.

11 Arnaud Baubérot et Florence Bourillon, Urbaphobie. La détestation des villes aux xixe et xxe siècles, Paris, Bière, 2009.

12 Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l’éducation, Paris, Flammarion, 1966 (1re éd. 1762), p. 66.

13 L’œuvre de Friedrich Nietzche ou de Richard Wagner révèle ces tensions.

14 Georges Vigarello, Le sentiment de soi, Paris, Le Seuil, 2014, p. 132 et sq.

15 Sébastian Kneipp, Ma cure d’eau ou hygiène et médication pour la guérison des maladies et la conservation dela santé, Paris, Rétaux et Fils, 1892

16 Nicolas Neuens, Médication interne de M. l’abbé S. Kneipp, Régime, hygiène alimentaire et plantes médicinales, Paris, Lethielleux, 1893, p. VII.

17 Arnaud Baubérot, op. cit., p. 91.

18 Ibid., p. 91-92.

19 Marc Cluet, La libre-culture : le mouvement nudiste en Allemagne depuis les origines jusqu’à l’arrivée d’Hitler au pouvoir (1905-1933), Thèse pour

20 Friedrich Eduard Bilz, La nouvelle médication naturelle, traité et aide mémoire de médication et d’hygiène naturelle, Paris, F. E. Bilz, 1898

21 L’établissement existe encore sous l’appellation Prießnitz Spa Ressort à Jesenik (anciennement Gräfenberg), en République tchèque.

22 Sébastian Kneipp, Ma cure d’eau ou hygiène et médication pour la guérison des maladies et la conservation de la santé, Paris, Rétaux et fils, 1892

23 Idem.

24 Dr Baradat, « L’éducation physique de la jeunesse dans la lutte anti-tuberculeuse », in 1ercongrès de climatothérapie et d’hygiène urbaine, Monaco

25 Voir Anne Carol, Histoire de l'eugénisme en France. Les médecins et la procréation xixe-xxe siècles, Paris, Le Seuil, 1995.

26 Georges Rouhet, Revenons à la nature et régénérons-nous, Paris, Berger-Levrault, 1913, p. 7.

27 Dr Albert Monteuuis, Les abdominales méconnues. Les déséquilibrés du ventre sans ptose. Thérapeutique pathogénique, Paris, Baillière, 1903, p. 12.

28 Jean-Michel Delaplace, Georges Hébert, sculpteur de corps, Paris, Vuibert, 2005.

29 Paul Carton, Les trois aliments meurtriers, Paris, Maloine, 1912.

30 « La cité de vacances. L’île du levant », Naturisme, no 234, jeudi 15 décembre 1932, p. 16.

31 Docteurs Gaston et Albert Daniel, Arts et technique de la santé, Paris, Doin & Cie, 1937, p. 9-135.

32 Dr Paul Carton, Les lois de la vie saine, Paris, Maloine, 1922, p. 143-144.

33 Directives aux futurs présidents régionaux de la CROISADE contre les fléaux sociaux, Vivre-Santé, supplément littéraire, no 192 bis, 15 avril 1936

34 Paul Carton, Les lois de la vie saine, op. cit.

35 Marcel Kienné de Mongeot, « La doctrine de “Vivre” », Vivre intégralement, no 37, 15 janvier 1929, p. 3.

36 Voir Jean-Yves Mollier, La mise au pas des écrivains. L’impossible mission de l’abbé Bethléem au xxe siècle, Paris, Fayard, 2014, p. 244-249.

37 Dr Pierre Vachet, La nudité et la physiologie sexuelle (comprenant l’éducation sexuelle), Paris, Éditions de Vivre intégralement, 1928, p. 6.

38 Edmond Corval, Le naturisme ou la meilleure manière de combattre la vie chère. Œuvre de propagande pour la régénération humaine par la Vie

39 Georges Hébert, « Les hideurs de la mode. Comment la femme moderne conçoit la beauté plastique », L’éducation physique, no 4, oct. 1927, p. 

40 Ibid., p. 270.

41 Ibid., p. 272 et sq.

42 Dr Gaston Duville, La cure naturiste. Pour entretenir sa vigueur et guérir sans médicaments, Paris, Éditions de naturisme, 1931, p. 123.

43 Marcel Kienné de Mongeot, Beauté et libre culture, Paris, Édition de Vivre, 1931, p. 46, et sq.

44 Dr François Fougérat de David de Lastours, L’homme et la lumière. Contribution à l’étude de l’insolation. Moyen de traitement et d’hygiène, Thèse

45 Dr Pierre Vachet, La nudité et la physiologie sexuelle, Paris, Vivre intégralement, 1928, p. 12.

46 Idem.

47 Marcel Kienné de Mongeot, Beauté et libre-culture, Paris, Éditions de Vivre, 1931.

48 Docteurs Gaston et André Durville,Fais ton corps, Paris, Éditions de naturisme, 1935, p. 19.

49 Ibid.

50 Dr Gaston Durville, La cure naturiste. Pour entretenir sa vigueur et se guérir sans médicaments, tome 2, Paris, Éditions de naturisme, 1931, p. 

51 Marcel Kienné de Mongeot, op. cit., 1931, p. 47.

52 Christine Bard, Les Garçonnes. Modes et fantasmes des Années folles, Paris, Flammarion, 1998 et Georges Vigarello, Histoire de la beauté. Le corps

53 Arnaud Baubérot, Le naturisme et la société française, une approche socioculturelle du corps (fin xixe siècle-1939), mémoire de D.E.A. d’Histoire

54 Dr Gaston Durville, La cure naturiste…, op. cit., p. 221.

55 Georges Vigarello, Histoire de la beauté, op. cit., p. 199.

56 Voir « Les moyens naturistes pour lutter contre les imperfections mammaires », Naturisme, no 381, 15 sept. 1936, p. 10-11 ; « L’insuffisance

57 Dr A. Achpise, « Quand doit être pratiquée la chirurgie esthétique des seins », Naturisme, no 390, 1er février 1937, p. 5-6.

58 Le Canard nudiste, Supplément naturiste et occasionnel du « Canard enchaîné », 20 août 1930.

59 Marcel Vigier, Le monsieur tout nu. Ou le naturiste ingénu, Paris, Prima, 1931, p. 8.

60 Louise-Marie Ferré, Ce qu’il faut savoir du naturisme, Paris, Maloine, 1935, p. 62.

61 Christine Bard, Les femmes dans la société française au xxe siècle, Paris, Armand Colin, 2004, p. 18-120., voir aussi Thomas Bauer, La sportive

62 Pascal, Ory L’invention du bronzage, Paris, Édition Complexe, 2008.

63 David Strohl, « L’athlétisme féminin. Son influence sur la beauté plastique », Les modes, 1919, no 187, p. 2-5.

64 David Strohl, « Musique rythmique », Les modes, 1920, no 197, p. 3-4.

65 Henry Musnik, « Sports d’hiver », Les dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour, no 513, 3 janvier 1932, p. 3.

66 Idem.

67 « Actualités féminines », Les dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour, no 493, 16 août 1931, p. 3.

68 « Fabiola, I.7140 », Les Dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour, no 656, 30 septembre, p. 14.

69 Publicités, Naturisme, 15 mai 1938, no 421, dernière de couverture.

70 Naturisme, no 373, 15 mai 1936, p. 14.

71 Voir « Crème sport “REGENEX” », ibid., p. 14.

72 « Annonces, Frigélux (électrolux) », L’Illustration, no 4720, 19 août 1933, p. X.

73 Voir Anne-Marie Chatelet, Le souffle du plein air. Histoire d’un projet pédagogique et architectural novateur (1904-1952), Paris, MetisPresses

74 Albert Lecocq, secrétaire général de la FFN, joue un rôle déterminant dans cette orientation.

75 André Burnat, « Le paradis des nudistes envahi par les Belges », L’Aurore, 26 juillet 1969.

76 Jean-Louis Bessière, « Le centre naturiste du cap d’Agde tête d’affiche pour le littoral », Les Échos, 20 juillet 1976.

77 Marcel Kienné de Mongeot, « Trente-trois ans de lutte et d’expérience nous autorisent à parler franc », Vivre d’abord, série 4, no 62393, p. 3.

78 Voir Thomas Sandoz, Histoires parallèles de la médecine. Des Fleurs de Bach à l’ostéopathie, Paris, Le Seuil, 2005 et Jean Boucher, Précis

79 Jean-François Sirinelli, Les baby-boomers, Paris, Fayard, 2003.

80 Voir Yves Michaud, « Visualisation. Le corps et les arts visuels », in Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello, Histoire du corps

81 Jean Bassaud, « L’usine à beau garçon », Naturisme 51, 16 août 1951, p. 14-16.

82 Nick Darmont, « Modelez votre corps », Naturisme 51, 17 novembre 1951, p. 16-17.

83 Michel Caillaud, « 14 millions de Français, ça compte ! », La Vie au soleil, no 32, août 1974, p. 5.

84 « Le deux-piècesde plus en plus rare sur la Côte ! », Le Figaro, 7 août 1970.

85 L. Miesseroff, Étude exploratoire du naturisme à travers ses usagers. FFN, 1973-74, p. 22.

86 David Le Breton, Signes d'identité. Tatouages, piercings et autres marques corporelles, Paris, Métailié, 2002.

87 Jean Miaille, « Bribes Levantines », Cahiers du levant, no 1, 1998, p. 26 et p. 6.

88 Francine Barthe-Deloisy, Géographie de la nudité. Être nu quelque part, Paris, Bréal, 2003, p. 117-118.

89 Dominique Vadel, « Entretien avec Marielle Goitschel. Le naturisme : fantastique ! », La Vie au soleil, no 40, septembre-octobre 1975, p. 11-13.

90 Dominique Vadel, « Entretien avec Éric Tabarly, “Nautisme et naturisme” », La vie au soleil, no 36, janvier-février 1975, p. 10-11.

91 Dominique Vadel, « Entretien exclusif avec Pascal Lainé. Un naturiste prix Goncourt », ibid., p. 16-18 et « Entretien avec Jacques Médecin. Le

Notes

1 Voir Sylvain Villaret, Histoire du naturisme en France depuis le siècle des Lumières, Paris, Vuibert, 2005, et Arnaud Baubérot, Histoire du Naturisme, Rennes, PUR, 2004.

2 « Petites annonces. Le fournisseur des naturistes, J. Michou », Naturisme, le grand magazine de culture humaine, no 377, 15 juillet 1936, p. 15.

3 Marie-Emmanuelle Chessel, Histoire de la consommation, Paris, La Découverte, « Repères », 2012.

4 Voir David Le Breton, Anthropologie du corps et modernité, Paris, PUF, 1998.

5 J. Bigel, Manuel d’hydrosudopathie ou traitement des maladies par l’eau froide, la sueur, l’exercice et le régime suivant la méthode employée par V. Priessnitz, à Gräfenberg, Bruxelles, F. Parent, 1841, 6e édition, p. 86.

6 Christophe Charle, Discordance des temps, Une brève histoire de la modernité, Paris, Armand Colin, 2011.

7 Emmanuel Fureix et François Jarrige, La modernité désenchantée. Relire l’histoire du xixe siècle, Paris, La découverte, 2015.

8 Pour le cas de la France, Émile Zola révèle la banalisation de ce thème, de cette hantise à travers notamment sa saga portant sur la lignée des Rougon-Macquart.

9 On se reportera avec profit à l’ouvrage de Geneviève Massard Guilbaud, Histoire de la pollution industrielle. France 1789-1914, Paris, Éditions EHESS, 2010 ainsi qu’à l’ouvrage de Jean-Baptiste Fressoz, L’apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Paris, Le Seuil, 2012.

10 Voir à ce propos Alain Corbin, Le miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social xviiie-xixe siècles, Paris, Flammarion, 1986, p. 190.

11 Arnaud Baubérot et Florence Bourillon, Urbaphobie. La détestation des villes aux xixe et xxe siècles, Paris, Bière, 2009.

12 Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l’éducation, Paris, Flammarion, 1966 (1re éd. 1762), p. 66.

13 L’œuvre de Friedrich Nietzche ou de Richard Wagner révèle ces tensions.

14 Georges Vigarello, Le sentiment de soi, Paris, Le Seuil, 2014, p. 132 et sq.

15 Sébastian Kneipp, Ma cure d’eau ou hygiène et médication pour la guérison des maladies et la conservation dela santé, Paris, Rétaux et Fils, 1892, p. 12.

16 Nicolas Neuens, Médication interne de M. l’abbé S. Kneipp, Régime, hygiène alimentaire et plantes médicinales, Paris, Lethielleux, 1893, p. VII.

17 Arnaud Baubérot, op. cit., p. 91.

18 Ibid., p. 91-92.

19 Marc Cluet, La libre-culture : le mouvement nudiste en Allemagne depuis les origines jusqu’à l’arrivée d’Hitler au pouvoir (1905-1933), Thèse pour le doctorat d’histoire contemporaine, Université de Paris IV, 1999, p. 26.

20 Friedrich Eduard Bilz, La nouvelle médication naturelle, traité et aide mémoire de médication et d’hygiène naturelle, Paris, F. E. Bilz, 1898, tome 1, p. 19-81.

21 L’établissement existe encore sous l’appellation Prießnitz Spa Ressort à Jesenik (anciennement Gräfenberg), en République tchèque.

22 Sébastian Kneipp, Ma cure d’eau ou hygiène et médication pour la guérison des maladies et la conservation de la santé, Paris, Rétaux et fils, 1892, p. 14.

23 Idem.

24 Dr Baradat, « L’éducation physique de la jeunesse dans la lutte anti-tuberculeuse », in 1ercongrès de climatothérapie et d’hygiène urbaine, Monaco, imprimerie de Monaco, 1904, p. 854.

25 Voir Anne Carol, Histoire de l'eugénisme en France. Les médecins et la procréation xixe-xxe siècles, Paris, Le Seuil, 1995.

26 Georges Rouhet, Revenons à la nature et régénérons-nous, Paris, Berger-Levrault, 1913, p. 7.

27 Dr Albert Monteuuis, Les abdominales méconnues. Les déséquilibrés du ventre sans ptose. Thérapeutique pathogénique, Paris, Baillière, 1903, p. 12.

28 Jean-Michel Delaplace, Georges Hébert, sculpteur de corps, Paris, Vuibert, 2005.

29 Paul Carton, Les trois aliments meurtriers, Paris, Maloine, 1912.

30 « La cité de vacances. L’île du levant », Naturisme, no 234, jeudi 15 décembre 1932, p. 16.

31 Docteurs Gaston et Albert Daniel, Arts et technique de la santé, Paris, Doin & Cie, 1937, p. 9-135.

32 Dr Paul Carton, Les lois de la vie saine, Paris, Maloine, 1922, p. 143-144.

33 Directives aux futurs présidents régionaux de la CROISADE contre les fléaux sociaux, Vivre-Santé, supplément littéraire, no 192 bis, 15 avril 1936.

34 Paul Carton, Les lois de la vie saine, op. cit.

35 Marcel Kienné de Mongeot, « La doctrine de “Vivre” », Vivre intégralement, no 37, 15 janvier 1929, p. 3.

36 Voir Jean-Yves Mollier, La mise au pas des écrivains. L’impossible mission de l’abbé Bethléem au xxe siècle, Paris, Fayard, 2014, p. 244-249.

37 Dr Pierre Vachet, La nudité et la physiologie sexuelle (comprenant l’éducation sexuelle), Paris, Éditions de Vivre intégralement, 1928, p. 6.

38 Edmond Corval, Le naturisme ou la meilleure manière de combattre la vie chère. Œuvre de propagande pour la régénération humaine par la Vie primitive et la théosophie, Paris, Kosmos, 1922, p. 17.

39 Georges Hébert, « Les hideurs de la mode. Comment la femme moderne conçoit la beauté plastique », L’éducation physique, no 4, oct. 1927, p. 169-172.

40 Ibid., p. 270.

41 Ibid., p. 272 et sq.

42 Dr Gaston Duville, La cure naturiste. Pour entretenir sa vigueur et guérir sans médicaments, Paris, Éditions de naturisme, 1931, p. 123.

43 Marcel Kienné de Mongeot, Beauté et libre culture, Paris, Édition de Vivre, 1931, p. 46, et sq.

44 Dr François Fougérat de David de Lastours, L’homme et la lumière. Contribution à l’étude de l’insolation. Moyen de traitement et d’hygiène, Thèse de médecine, no 324, Paris, Amédée Legrand, 1925.

45 Dr Pierre Vachet, La nudité et la physiologie sexuelle, Paris, Vivre intégralement, 1928, p. 12.

46 Idem.

47 Marcel Kienné de Mongeot, Beauté et libre-culture, Paris, Éditions de Vivre, 1931.

48 Docteurs Gaston et André Durville, Fais ton corps, Paris, Éditions de naturisme, 1935, p. 19.

49 Ibid.

50 Dr Gaston Durville, La cure naturiste. Pour entretenir sa vigueur et se guérir sans médicaments, tome 2, Paris, Éditions de naturisme, 1931, p. 123.

51 Marcel Kienné de Mongeot, op. cit., 1931, p. 47.

52 Christine Bard, Les Garçonnes. Modes et fantasmes des Années folles, Paris, Flammarion, 1998 et Georges Vigarello, Histoire de la beauté. Le corps et l’art d’embellir de la Renaissance à nos jours, Paris, Le Seuil, 2004, p. 191.

53 Arnaud Baubérot, Le naturisme et la société française, une approche socioculturelle du corps (fin xixe siècle-1939), mémoire de D.E.A. d’Histoire contemporaine, Université de Paris XII-Val de Marne, juin 1997, p. 61.

54 Dr Gaston Durville, La cure naturiste…, op. cit., p. 221.

55 Georges Vigarello, Histoire de la beauté, op. cit., p. 199.

56 Voir « Les moyens naturistes pour lutter contre les imperfections mammaires », Naturisme, no 381, 15 sept. 1936, p. 10-11 ; « L’insuffisance mammaire. Peut-on développer les seins ? », Naturisme, no 344, 1er mars 1935, p. 13.

57 Dr A. Achpise, « Quand doit être pratiquée la chirurgie esthétique des seins », Naturisme, no 390, 1er février 1937, p. 5-6.

58 Le Canard nudiste, Supplément naturiste et occasionnel du « Canard enchaîné », 20 août 1930.

59 Marcel Vigier, Le monsieur tout nu. Ou le naturiste ingénu, Paris, Prima, 1931, p. 8.

60 Louise-Marie Ferré, Ce qu’il faut savoir du naturisme, Paris, Maloine, 1935, p. 62.

61 Christine Bard, Les femmes dans la société française au xxe siècle, Paris, Armand Colin, 2004, p. 18-120., voir aussi Thomas Bauer, La sportive dans la littérature française des années folles, Paris, Presses universitaires du Septentrion, 2011, p. 199.

62 Pascal, Ory L’invention du bronzage, Paris, Édition Complexe, 2008.

63 David Strohl, « L’athlétisme féminin. Son influence sur la beauté plastique », Les modes, 1919, no 187, p. 2-5.

64 David Strohl, « Musique rythmique », Les modes, 1920, no 197, p. 3-4.

65 Henry Musnik, « Sports d’hiver », Les dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour, no 513, 3 janvier 1932, p. 3.

66 Idem.

67 « Actualités féminines », Les dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour, no 493, 16 août 1931, p. 3.

68 « Fabiola, I.7140 », Les Dimanches de la femme, supplément de la Mode du jour, no 656, 30 septembre, p. 14.

69 Publicités, Naturisme, 15 mai 1938, no 421, dernière de couverture.

70 Naturisme, no 373, 15 mai 1936, p. 14.

71 Voir « Crème sport “REGENEX” », ibid., p. 14.

72 « Annonces, Frigélux (électrolux) », L’Illustration, no 4720, 19 août 1933, p. X.

73 Voir Anne-Marie Chatelet, Le souffle du plein air. Histoire d’un projet pédagogique et architectural novateur (1904-1952), Paris, MetisPresses, 2011.

74 Albert Lecocq, secrétaire général de la FFN, joue un rôle déterminant dans cette orientation.

75 André Burnat, « Le paradis des nudistes envahi par les Belges », L’Aurore, 26 juillet 1969.

76 Jean-Louis Bessière, « Le centre naturiste du cap d’Agde tête d’affiche pour le littoral », Les Échos, 20 juillet 1976.

77 Marcel Kienné de Mongeot, « Trente-trois ans de lutte et d’expérience nous autorisent à parler franc », Vivre d’abord, série 4, no 62393, p. 3.

78 Voir Thomas Sandoz, Histoires parallèles de la médecine. Des Fleurs de Bach à l’ostéopathie, Paris, Le Seuil, 2005 et Jean Boucher, Précis scientifique et pratique de culture biologique. Méthode Lemaire-Boucher, Angers, Éditions Agriculture et vie, 1968.

79 Jean-François Sirinelli, Les baby-boomers, Paris, Fayard, 2003.

80 Voir Yves Michaud, « Visualisation. Le corps et les arts visuels », in Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello, Histoire du corps, t. 3. Les mutations du regard. Le xxe siècle, Paris, Le Seuil, p. 428-430.

81 Jean Bassaud, « L’usine à beau garçon », Naturisme 51, 16 août 1951, p. 14-16.

82 Nick Darmont, « Modelez votre corps », Naturisme 51, 17 novembre 1951, p. 16-17.

83 Michel Caillaud, « 14 millions de Français, ça compte ! », La Vie au soleil, no 32, août 1974, p. 5.

84 « Le deux-pièces de plus en plus rare sur la Côte ! », Le Figaro, 7 août 1970.

85 L. Miesseroff, Étude exploratoire du naturisme à travers ses usagers. FFN, 1973-74, p. 22.

86 David Le Breton, Signes d'identité. Tatouages, piercings et autres marques corporelles, Paris, Métailié, 2002.

87 Jean Miaille, « Bribes Levantines », Cahiers du levant, no 1, 1998, p. 26 et p. 6.

88 Francine Barthe-Deloisy, Géographie de la nudité. Être nu quelque part, Paris, Bréal, 2003, p. 117-118.

89 Dominique Vadel, « Entretien avec Marielle Goitschel. Le naturisme : fantastique ! », La Vie au soleil, no 40, septembre-octobre 1975, p. 11-13.

90 Dominique Vadel, « Entretien avec Éric Tabarly, “Nautisme et naturisme” », La vie au soleil, no 36, janvier-février 1975, p. 10-11.

91 Dominique Vadel, « Entretien exclusif avec Pascal Lainé. Un naturiste prix Goncourt », ibid., p. 16-18 et « Entretien avec Jacques Médecin. Le naturisme répond à un besoin indiscutable de l’homme », La vie au soleil, no 46, juillet-août 1976, p. 4-6.

Illustrations

Sans titre, 2016.

Sans titre, 2016.

© Pierre Dumaire

Vivre intégralement : La Nudité, ses bienfaits esthétiques, physiologiques, moraux et sociaux, no hors-série 1, 3e année, 1930.

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Vivre intégralement : La Nudité, ses bienfaits esthétiques, physiologiques, moraux et sociaux, no hors-série 1, 3e année, 1930.

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Vivre intégralement : La Nudité, ses bienfaits esthétiques, physiologiques, moraux et sociaux, no hors-série 1, 3e année, 1930.

Vivre intégralement : La Nudité, ses bienfaits esthétiques, physiologiques, moraux et sociaux, no hors-série 1, 3e année, 1930.

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Vivre intégralement : La Nudité, ses bienfaits esthétiques, physiologiques, moraux et sociaux, no hors-série 1, 3e année, 1930.

Vivre intégralement : La Nudité, ses bienfaits esthétiques, physiologiques, moraux et sociaux, no hors-série 1, 3e année, 1930.

Vivre intégralement : La Nudité, ses bienfaits esthétiques, physiologiques, moraux et sociaux, no hors-série 1, 3e année, 1930.

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Vivre intégralement : La Nudité, ses bienfaits esthétiques, physiologiques, moraux et sociaux, no hors-série 1, 3e année, 1930.

Vivre intégralement : La Nudité, ses bienfaits esthétiques, physiologiques, moraux et sociaux, no hors-série 1, 3e année, 1930.

Le culte de la nudité

Le culte de la nudité

Roger Salardenne, Le culte de la nudité. Sensationnel reportage en Allemagne, Paris, Prima, 1929

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

© Collection particulière.

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

© Collection particulière.

La plage, des naturistes devant un groupe de tentes

La plage, des naturistes devant un groupe de tentes

© Collection particulière.

L’Agence des Arbousiers,

L’Agence des Arbousiers,

© Collection particulière.

« L’avenue du Château »

« L’avenue du Château »

© Collection particulière.

Des naturistes embarquent dans une jeep pour aller à la plage.

Des naturistes embarquent dans une jeep pour aller à la plage.

© Collection particulière.

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

© Collection particulière.

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

La Cité naturiste d’Héliopolis et l’Île du Levant (commune d’Hyères), années 1950.

© Collection particulière.

Le Domaine de Physiopolis (Île des Naturistes) à Villennes-sur-Seine, Seine-et-Oise. Le premier bugalow, en fibro-ciment, celui du Comité d’Organisation, fut construit au printemps 1929.

Le Domaine de Physiopolis (Île des Naturistes) à Villennes-sur-Seine, Seine-et-Oise. Le premier bugalow, en fibro-ciment, celui du Comité d’Organisation, fut construit au printemps 1929.

© Collection particulière.

Le terrain de basket, carte postale.

Le terrain de basket, carte postale.

© Collection particulière.

Publicité pour Physiopolis parue dans Naturisme, N°368, mars 1936.

Publicité pour Physiopolis parue dans Naturisme, N°368, mars 1936.

© Collection particulière.

Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde. Partie de mini-golf, carte postale

Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde. Partie de mini-golf, carte postale

© Collection particulière.

Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, vue aérienne du centre de vacances, carte postale

Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, vue aérienne du centre de vacances, carte postale

© Collection particulière.

Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, concours de châteaux de sable, carte postale

Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, concours de châteaux de sable, carte postale

© Collection particulière.

Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, séance de culture physique, carte postale

Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, séance de culture physique, carte postale

© Collection particulière.

Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, commerces. Cartes postales, carte postale

Le Centre héliomarin de Vendays-Montalivet (dit CHM ou « Monta »), Gironde, commerces. Cartes postales, carte postale

© Collection particulière.

Citer cet article

Référence papier

Sylvain Villaret, « Le naturisme et la mode », Modes pratiques, 2 | 2017, 202-227.

Référence électronique

Sylvain Villaret, « Le naturisme et la mode », Modes pratiques [En ligne], 2 | 2017, mis en ligne le 04 avril 2023, consulté le 16 avril 2024. URL : https://devisu.inha.fr/modespratiques/369

Auteur

Sylvain Villaret