Né en 1973 à New York dans une famille issue de la diaspora juive irakienne, Michael Rakowitz explore la manière dont les objets apparaissent, se déplacent et se transforment. Depuis 2007, l’artiste travaille à la série The Invisible Enemy Should Not Exist1, projet titanesque, avec pour ambition de faire réapparaître – et non de reproduire – l’ensemble des 7 000 objets archéologiques pillés au Musée national d’Irak à Bagdad à la suite de l’invasion états-unienne en 2003. Ces objets, allant du sceau-cylindre à des statues monumentales, sont conçus à l’échelle 1/1 à partir des données rendues disponibles par Interpol ou l’Oriental Institute of the University of Chicago2 et produits à partir de papiers d’emballage ou de journaux du Moyen-Orient collectés par l’artiste et son studio depuis les États-Unis. Ils sont accompagnés d’un cartel précis renvoyant à l’artefact d’origine (numéro d’inventaire, provenance, date, matériaux, dimensions…), dans la plus grande rigueur scientifique, auquel s’ajoute une citation liée à la destruction du patrimoine irakien.
Avec cette série, dont la minutie du travail manuel rompt avec les nombreuses reconstitutions 3D entreprises par des pays occidentaux en réaction aux pillages, l’artiste rend visible des objets culturellement invisibilisés qui sous-tendent des rapports de domination voire de colonisation pluriséculaires. « Conçue comme le berceau de la civilisation, Babylone constitue alors l’exemple de la réappropriation non seulement du patrimoine matériel, mais du récit historique d’une civilisation par une autre sous couvert de protéger un patrimoine universel. Ses propres répliques [celles de Rakowitz] témoignent alors de l’impossibilité de reconstruire, de restituer ; elles relèvent d’une forme de “copie molle”, d’une synthèse imparfaite où l’on distingue clairement chacun des éléments du tout3. »
Dans la continuité de ce projet, Rakowitz a entamé en 2018 une série d’une ampleur toute aussi conséquente – The Invisible Enemy Should Not Exist (Northwest Palace of Nimrud) – visant à restituer les bas-reliefs du palais Nord-Ouest d’Assurnasirpal II à Nimroud (actuel sud de Mossoul), détruits par Daech en 2015. L’artiste s’emploie à respecter les couleurs chatoyantes des bas-reliefs du ixe siècle avant J.-C. à partir de papiers d’emballage sans dissimuler leur origine, laissant percevoir dans la frange d’une tunique ou sur la corne d’une tiare quelques mots d’arabe ou le logo d’une marque produisant du jus de datte4. Par cette série célébrant l’expression artistique assyrienne, l’artiste essaye de recréer un espace d’hospitalité en hommage aux personnes issues de la région de Mossoul subissant les conflits actuels. Par les matériaux utilisés, il souligne en même temps certains enjeux économiques liés au contexte géopolitique international, et notamment la situation de l’industrie alimentaire irakienne, qui était avant l’invasion états-unienne la deuxième source d’exportation la plus rentable après le pétrole et est aujourd’hui ravagée.
Le portfolio qui suit présente plusieurs vues de la première exposition personnelle de l’artiste en France, « Michael Rakowitz – Réapparitions », qui s’est tenue du 25 février au 14 août 2022 au 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine, à Metz, sous le commissariat de sa directrice Fanny Gonella, et présentait plusieurs pièces des deux séries emblématiques.
Michael Rakowitz, The Invisible Enemy Should Not Exist (Room G, Northwest Palace of Nimrud), 2019.
© Michael Rakowitz / © Courtesy Galerie Barbara Wien, Berlin, phot. Fred Dott.
Michael Rakowitz, The Invisible Enemy Should Not Exist (Room G, Northwest Palace of Nimrud), 2019.
Nimroud
G-c-1
G-c-1 (partie supérieure avec tête)
Emplacement : Bagdad, Musée national d’Irak
Année d’excavation : 1846
Année d’acquisition : inconnue
Numéro d’inventaire : IM 29053
© Michael Rakowitz / © Courtesy Galerie Barbara Wien, Berlin, phot. Fred Dott.
G-c-1 (partie centrale)
Emplacement : disparu
G-c-1 (partie basse avec pieds et mollets et partie droite de la dalle)
Emplacement : in situ ; détruit par ISIS en 2015
Les dégâts causés à Nimroud font partie d’une destruction catastrophique et continue du patrimoine culturel irakien. Une grande partie de cette destruction a eu lieu immédiatement après 2003, lors de gros pillages dans des sites archéologiques du sud de l’Irak et au Musée national à Bagdad. — John Beck
Michael Rakowitz, The Invisible Enemy Should Not Exist (MR S003), 2020, objets en carton d’emballage et journaux du Moyen-Orient, colle, cartels de musée, dimensions variables.
© Michael Rakowitz / © Courtesy Galerie Barbara Wien, Berlin, phot. Fred Dott.
Michael Rakowitz, Panneau c-1 (détail), de la série The Invisible Enemy Should Not Exist (Room G, Northwest Palace of Nimrud), 2019, carton d’emballage et journaux du Moyen-Orient, colle, carton sur structures en bois, cartels de musée, 237 × 74 × 85 cm et 237 × 183 × 8 cm.
© Michael Rakowitz / © Courtesy Galerie Barbara Wien, Berlin, phot. Fred Dott.
Michael Rakowitz, Panneau 20 (détail), de la série The Invisible Enemy Should Not Exist (Room G, Northwest Palace of Nimrud), 2019, carton d’emballage et journaux du Moyen-Orient, colle, carton sur structures en bois, cartels de musée, 237 × 74 × 85 cm et 237 × 183 × 8 cm.
© Michael Rakowitz / © Courtesy Galerie Barbara Wien, Berlin, phot. Fred Dott.
Michael Rakowitz, Sceau-cylindre, de la série The Invisible Enemy Should Not Exist, 2021-2022, carton d’emballage et journaux du Moyen-Orient, colle, cartels de musée.
© Michael Rakowitz / © Courtesy Galerie Barbara Wien, Berlin, phot. Fred Dott.
Michael Rakowitz, Sceau-cylindre, de la série The Invisible Enemy Should Not Exist, 2021-2022, carton d’emballage et journaux du Moyen-Orient, colle, cartels de musée.
© Michael Rakowitz / © Courtesy Galerie Barbara Wien, Berlin, phot. Fred Dott.
Michael Rakowitz, Sceau-cylindre, de la série The Invisible Enemy Should Not Exist, 2021-2022, carton d’emballage et journaux du Moyen-Orient, colle, cartels de musée.
© Michael Rakowitz / © Courtesy Galerie Barbara Wien, Berlin, phot. Fred Dott.
Michael Rakowitz, Sceau-cylindre, de la série The Invisible Enemy Should Not Exist, 2021-2022, carton d’emballage et journaux du Moyen-Orient, colle, cartels de musée.
© Michael Rakowitz / © Courtesy Galerie Barbara Wien, Berlin, phot. Fred Dott.
Michael Rakowitz, Sceau-cylindre, de la série The Invisible Enemy Should Not Exist, 2021-2022, carton d’emballage et journaux du Moyen-Orient, colle, cartels de musée.
Sceau-cylindre Kh. VI 340
Numéro d’inventaire : inconnu
Numéro de fouille : Kh. VI 340
Provenance : Khafaje
Dimensions : 4 × 1,3 cm
Composition : stéatite émaillée
Période : Jemdet Nasr (vers 3000-2800 avant J.-C.)
Description : motif géométrique
Statut : suspicion de vol
© Michael Rakowitz / © Courtesy Galerie Barbara Wien, Berlin, phot. Fred Dott.
Les cylindres représentaient une innovation au moment où l’écriture s’est répandue et que les tablettes commençaient à être utilisées, car le cylindre, une fois roulé sur l’argile, recouvrait une surface bien plus grande qu’un sceau-cachet. — Diana McDonald
Michael Rakowitz, Stela Fragment; Relief Carving Shows Two Men Wearing Skirt and a Head Band and Four Animals (Lions), 2016-007, 2016, carton d’emballage, journaux du Moyen-Orient, colle, cartel de musée, 104 × 70 × 52 cm.
© Michael Rakowitz / © Courtesy Galerie Barbara Wien, Berlin, phot. Fred Dott.