L’autrice remercie Guillaume Biard pour sa relecture et ses conseils, ainsi qu’Arianna Esposito pour ses remarques.
L’exercice de « voir l’invisible1 », comme l’a affirmé John Ma, fait souvent partie de l’archéologie classique, et notamment de l’étude de la statuaire honorifique. En effet, bien qu’ils aient représenté la majorité des constructions présentes dans les espaces publics ou cultuels des cités grecques, les monuments honorifiques ont pour la plupart disparu de nos jours. Ces constructions, constituées d’un ensemble cohérent composé d’une base, une inscription et une sculpture, ont longtemps été analysées séparément par les chercheurs se concentrant sur certains aspects des monuments. Il importe d’analyser les éléments constituant ces ensembles en respectant les rapports qui les liaient les uns aux autres, outre leurs spécificités : c’est par conséquent en croisant plusieurs disciplines, notamment l’histoire de l’art, l’archéologie et l’épigraphie, que nous devons analyser les vestiges retrouvés par les archéologues. Seule une telle approche permet, en effet, de reconstituer l’aspect des portraits honorifiques et des monuments qui les offraient aux yeux des spectateurs anciens.
L’île de Cos a livré aux chercheurs un panorama assez complexe pour ce qui concerne le phénomène de la statuaire honorifique. Les nombreuses catastrophes naturelles, ainsi que la pratique du remploi, ont contribué à la dispersion des statues et de leurs bases, et donc à la destruction du contexte d’origine. Il s’agira ici de montrer dans un premier temps comment une étude archéologique détaillée des bases, souvent délaissées dans le passé par les épigraphistes, permet de reconstituer certains aspects visuels des monuments honorifiques. Les spécificités des supports des inscriptions, en effet, nous donnent de nombreuses indications sur les matériaux et les modalités d’exposition des statues. De plus, une reconstitution détaillée du contexte d’exposition originaire permet non seulement d’identifier ce que les décrets désignent comme les épiphanestatoi topoi, les lieux les plus en vue pour l’exposition des portraits, une fois les plans topographiques établis, mais aussi de comprendre pleinement les enjeux des monuments honorifiques et leur rôle social. Dans la deuxième partie de cet article, nous proposerons une étude de cas qui permettra de comprendre comment la restitution d’un monument familial peut être avancée grâce à un examen attentif des inscriptions honorant les membres d’une même famille, ainsi que de leurs supports.
Analyse des matériaux, modalités d’exposition et emplacement des monuments
Les statues honorifiques s’inscrivent dans un contexte vaste et complexe, celui de l’octroi d’honneurs aux bienfaiteurs d’une cité. Dès l’époque hellénistique, l’attribution d’un portrait, au sens ancien du terme2, faisait partie de la série d’honneurs appelée mégistai timai (les très grands honneurs), qui servait à exprimer la gratitude de la communauté envers les individus3. Si l’octroi d’une statue à un évergète restait exceptionnel au début du ive siècle4 et encore assez rare au début du iiie siècle, à partir du début de la basse époque hellénistique, cet usage devint si développé que l’on évoque parfois une « hypertrophie des honneurs5 ». Cela semble avoir été le cas à Cos, où un nombre exceptionnel de sculptures, de haute qualité et très bien conservées, a été retrouvé dans plusieurs pièces de l’odéon romain de la cité (fig. 1), suggérant que le bâtiment est devenu, au cours de la période impériale6, une sorte de dépôt pour les sculptures endommagées ou considérées comme obsolètes7. Ces statues ne peuvent cependant témoigner du panorama des représentations honorifiques de Cos qu’en partie : elles ont été retrouvées hors contexte, ce qui nous empêche de savoir si elles faisaient partie de monuments honorifiques ou funéraires avant leur déplacement. De plus, l’ensemble des statues mises au jour dans l’odéon est en marbre : si nous acceptons l’hypothèse que les sculptures aient été placées dans la cavea du bâtiment après une catastrophe naturelle, il est probable que les statues honorifiques de bronze, bien plus nombreuses, aient été fondues pour remployer le matériel, assez coûteux8.
1. Plan des épiphanestatoi topoi de la ville de Cos à l’époque impériale, d’après Giorgio Rocco et Monica Livadiotti, « The Agora of Kos » (voir n. 21), 2011, p. 385.
© Matilde Bertoncelli, 2022 / Giorgio Rocco et Monica Liviadiotti, 2011.
Pour comprendre quel matériau était privilégié pour les portraits honorifiques, nous devons donc en premier lieu étudier les inscriptions, qui n’indiquent cependant que rarement si la statue qui les surmontait était en bronze ou en marbre9. Les décrets honorifiques nous aident davantage, car le matériau de la statue était décidé par le Conseil10 : cette information faisait partie du texte officiel, souvent gravé sur une stèle. Par exemple, un décret du dème d’Antimachia datant du iie siècle atteste la décision d’honorer un médecin avec une statue de bronze et une couronne dorée11. Néanmoins, le plus souvent, ce sont les bases des statues présentant une face supérieure intacte qui peuvent nous aider à identifier le matériau du portrait : pour cela, il faut prêter attention aux caractéristiques techniques des socles, telles que les mortaises ou les cuvettes d’encastrement. À Cos, parmi le corpus de bases étudiées par Kerstin Höghammar12, treize portaient des statues en marbre13, tandis que vingt sculptures étaient en bronze14, une était en bronze doré15 et une autre en basalte noir égyptien16 : cela semble suivre sans exception ce qui a été remarqué dans les autres poleis grecques. En effet, pendant la haute époque hellénistique, le matériel de prédilection pour les statues était le bronze, tandis que le marbre, dont la polychromie était plus fragile17, était plutôt employé pour les statues divines, parmi les seules à être abritées par un écrin architectural. Avec le changement des pratiques d’exposition des statues à la basse époque, et notamment dès le deuxième quart du iie siècle, qui vit la multiplication de niches et une utilisation plus fréquente des bâtiments pour abriter les représentations honorifiques18, le marbre commença à être employé de manière croissante, sans doute aussi pour des raisons économiques.
Tout comme pour le matériau, c’était le Conseil de la cité qui décidait de l’emplacement et, par conséquent, du mode d’exposition de la statue19. On exposait, par exemple, des portraits sous des portiques ou à l’abri de niches : des statues au dos grossièrement travaillé, ou présentant à l’arrière un tenon pour les fixer contre une paroi, confirment que cette dernière méthode d’exposition était sûrement employée à Cos dès la haute époque hellénistique20. Les représentations honorifiques ne pouvaient pas être installées partout : chaque cité et chaque sanctuaire possédaient des endroits spécifiques, réservés à la mise en place des portraits. L’emplacement des sculptures honorifiques était crucial pour de nombreuses raisons : il contribuait à souligner la grandeur de la personne représentée, mais aidait aussi à la distinguer de toutes celles honorées avant elle. En même temps, il était fondamental pour un gouvernement démocratique de contrôler la propagation de quelque chose qui aurait pu être considérée comme antidémocratique, comme la dédicace d’un portrait à un citoyen particulier. Conserver l’ensemble de ces sculptures dans les mêmes endroits était un moyen pour les institutions de la cité à la fois d’amplifier la reconnaissance accordée à ses bienfaiteurs et de rappeler et réaffirmer sa démocratie et son contrôle. Cos, comme toutes les autres villes grecques, avait ses propres épiphanestatoi topoi : malheureusement, la pratique du remploi, très courante sur l’île depuis l’Antiquité tardive, rend difficile la connaissance de l’emplacement originaire des sculptures, notamment pour ce qui concerne l’espace intra-muros. Cependant, le château des chevaliers, bâti à l’entrée du port entre la fin du xive et le début du xvie siècle de notre ère par les Chevaliers hospitaliers, abrite un dépôt accueillant de nombreuses pierres portant des inscriptions mises au jour dans les alentours, dans le centre-ville de Cos. Les blocs anciens remployés lors de la construction du bâtiment sont encore visibles dans les murs : il est fortement probable que ces bases aient été prélevées à proximité immédiate du château, bâti près de l’emplacement de l’agora monumentale d’époque hellénistique et du complexe de sanctuaires qui se trouvait juste à côté de cette dernière21. En effet, les statues honorifiques étaient normalement rassemblées dans les endroits les plus marquant de l’espace public : il est vraisemblable que les centres du pouvoir démocratique et de la vie publique de la cité de Cos, et particulièrement l’agora dans son secteur sud où se dressait un portique, constituaient des lieux privilégiés d’exposition.
Certains monuments honorifiques étaient sûrement placés à proximité d’importants bâtiments publics. Par exemple, les vestiges d’un monument22 mis au jour en remploi dans une fontaine près de l’ancien théâtre ou encore les bases retrouvées en remploi dans des constructions aux alentours du bâtiment23 indiquent que le théâtre était un épiphanestatos topos, au moins à l’époque impériale24. En outre, de nombreuses bases ont été mises au jour dans les thermes centraux de la ville et dans l’odéon romain25.
En dehors de la ville de Cos, l’Asclépiéion de l’île (fig. 2), dont la phase la plus ancienne remonte à la fin du ive siècle26, était l’un des endroits les plus importants pour l’érection de monuments honorifiques. Les fouilles menées par Rudolf Herzog au début des années 1920 ont révélé la présence d’un nombre considérable de bases témoignant de l’existence de portraits honorant des monarques hellénistiques, ainsi que plusieurs magistrats et bienfaiteurs romains. Cela confirme le prestige et le rôle international que le sanctuaire joua dès la haute époque hellénistique. Encore une fois, les dégâts causés par les catastrophes naturelles, outre ceux causés par la pratique du remploi, rendent difficile de comprendre où les sculptures honorifiques étaient placées dans le sanctuaire, mais il faut souligner qu’une importante quantité de bases a été mise au jour sur les deuxième et troisième terrasses. Quant aux autres dèmes, il est encore malaisé d’établir où les monuments honorifiques y étaient placés, l’urbanisme de ces agglomérations étant encore totalement inconnu. Néanmoins, de nombreuses inscriptions honorifiques et votives honorant l’empereur et les membres de la famille impériale ont été découvertes dans le territoire du dème d’Halasarna, provenant probablement du sanctuaire d’Apollon27.
2. Plan de l’Asclépiéion de l’île de Cos au iiie siècle après J.-C., publié dans Kerstin Höghammar, Sculpture and Society (voir n. 12), p. 210, fig. 2.
© Kerstin Höghammar, 1993.
Caius Stertinius Xenophôn et le monument familial en son honneur
Caius Stertinius Xenophôn fut l’un des citoyens les plus honorés de l’histoire de la cité de Cos. Né probablement autour de l’année 10 sur l’île de Cos28, ce médecin obtint le droit de cité romain et s’installa à Rome, où il pratiqua son art pour une clientèle appartenant à l’élite sénatoriale. Dès le règne de Tibère, il commença à travailler en tant que médecin à la cour impériale29, où il fut nommé archiatros (médecin-chef) de l’empereur et de sa famille. Il débuta sa carrière équestre sous le règne de Claude, auquel il était très lié30.
Le dossier d’inscriptions retrouvées à Cos mentionnant C. Stertinius Xenophôn, parmi les plus riches de l’époque impériale, rassemble plus de quatre-vingt-dix inscriptions, dont des inscriptions honorifiques publiques, mais aussi et surtout des dédicaces privées et votives en son honneur. Une de ces inscriptions31, retrouvée dans le chef-lieu de Cos en remploi dans une fontaine d’époque ottomane par Marcel Dubois au début des années 188032 et désormais perdue, commémore la dédicace d’une exèdre à C. Stertinius Xenophôn. Ce type de monument, qui pouvait être semi-circulaire ou en forme de Π (pi), comportait un banc et supportait éventuellement une ou plusieurs statues honorifiques ou funéraires33, notamment des groupes familiaux34. Sur le monument mis au jour par Dubois, le médecin est assimilé aux héros fondateurs, ce qui a fait affirmer à l’auteur35, ainsi qu’à René M. Briau36, que le bloc appartenait au monument funéraire de C. Stertinius Xenophôn. Cependant, l’assimilation du personnage à un héros n’implique pas nécessairement que le monument est funéraire, car ce titre lui a été décerné de son vivant37. Qui plus est, une autre inscription, gravée sur un bloc d’orthostate en marbre gris retrouvé dans la ville de Cos38, lui décerne les mêmes titres : C. Stertinius Xenophôn y est désigné comme le bienfaiteur par excellence de sa patrie. Une fois de plus, le formulaire pourrait faire penser à un monument funéraire39. Cependant, comme l’indique Klaus Hallof40, la base a pu porter une effigie de l’honorandus appartenant à un monument commémoratif public comprenant d’autres portraits des membres de la famille du médecin, érigé après la mort de ce dernier et peut-être installé dans l’exèdre offerte par le peuple de Cos. Il s’agirait donc non d’un monument funéraire, mais d’un monument public installé dans la ville même.
Quels autres portraits se dressaient sur cette exèdre à côté de l’effigie du médecin de Claude ? L’importance de C. Stertinius Xenophôn au niveau local lui permit de faire jouir ses proches de certains privilèges, parmi lesquels de nombreuses statues honorifiques décernées par les institutions de l’île de Cos. Parmi les inscriptions honorifiques célébrant un proche du renommé médecin, certains textes, avec leurs supports, semblent être liés à l’existence d’un monument familial que l’on peut par hypothèse rapprocher de l’exèdre. C’est le cas notamment de l’inscription IG XII 4,2, 967, honorant un ancêtre de C. Stertinius Xenophôn dont l’identité est inconnue à cause des lacunes du texte, qui daterait de la seconde moitié du ier, voire du iie siècle après J.-C. Quel autre contexte imaginer à ce portrait d’un homme ayant vécu plusieurs décennies ou siècles auparavant, honoré – à ce que l’on sait – uniquement pour son lien avec le médecin, qu’un groupe visant à célébrer la gloire de la famille de ce dernier ? On aurait donc exalté sur l’exèdre le lignage du célèbre médecin. Quant aux autres portraits faisant partie du monument, certains étaient peut-être en remploi. Cela expliquerait le destin assez singulier d’une base41 honorant la mère de C. Stertinius Xenophôn : au iie siècle après J.-C., l’inscription la plus ancienne portée par le bloc, datée du règne de Claude, gravée sur la face antérieure initiale, a été recopiée, après que la pierre a été retournée, sur celle qui était à l’origine la face supérieure. Le texte a été recopié verbatim, en modifiant seulement la distribution des mots dans les lignes. La statue et sa base ont peut-être été déplacées afin de rejoindre les autres portraits des membres de la famille de C. Stertinius Xenophôn qui se dressaient sur l’exèdre : la base, à cause de ses imposantes dimensions, aurait alors été retournée sur le côté pour être adaptée à son nouveau contexte architectural. D’autres inscriptions, gravées sur des bases mises au jour dans la ville de Cos, peuvent avoir fait partie du monument, telle celle portant l’inscription IG XII 4,2, 961, honorant la femme de C. Stertinius Xenophôn. Si aucun élément matériel n’appuie cette hypothèse, le formulaire se référant au médecin comme au bienfaiteur de la patrie pourrait défendre une telle supposition. Il est malheureusement impossible d’affirmer avec précision quels autres portraits faisaient partie de ce monument familial, car il est tout à fait probable que certaines effigies aient été incluses bien après leur érection42. De plus, les bases ayant pu appartenir au monument ont été mises au jour dans des endroits assez éloignés, et nous ne pouvons que supposer les liens qui les associaient.
3. Partie inférieure d’une statue masculine portant un Hüftmantel, début du iie siècle avant J.-C., marbre, Cos, Musée archéologique (no 11).
4. Statue masculine drapée plus grande que nature, dite « d’Hippocrate », dernier tiers du ive siècle avant J.-C., marbre, Cos, Musée archéologique (Γ3141).
© Eva-Maria Czakó, DAI.
De même, nous ne pouvons pas avancer d’hypothèses au sujet de l’iconographie des portraits inclus dans le monument. Les bases ici analysées ne présentent pas de mortaises ou de cuvettes d’encastrement permettant de déterminer le matériau des statues, ni leurs positions. Pour nous faire une idée de l’iconographie des portraits de Cos à cette époque, il faut alors se tourner vers les œuvres en marbre conservées : les effigies des bienfaiteurs de la famille du médecin présentaient probablement une iconographie similaire43. En effet, l’apparence d’une sculpture honorifique devait représenter les valeurs de toute la société accordant l’honneur à ses bienfaiteurs. Le type d’iconographie employé pour les portraits honorifiques était donc choisi par l’institution octroyant la statue. Différentes possibilités de représentation étaient acceptées, à la fois concernant la pose de l’individu et ses vêtements : l’iconographie du citoyen parfait était celle qui représentait au mieux la communauté civique et ses valeurs. Plusieurs torses appartenant à des statues masculines portant un manteau drapé sur les hanches (Hüftmantel dans la terminologie allemande) ont été mis au jour sur l’île44 (fig. 3). En outre, diverses sculptures présentaient une iconographie dite du « type de Cos45 » (fig. 4) : les personnages portent un himation enveloppant le corps, mais le laissant assez libre et leur donnant une pose plus dynamique par rapport au Normaltypus, le type le plus courant dans la représentation honorifique masculine, également attesté à Cos46 (fig. 5). Dans ce cas, l’individu représenté est serré dans son himation, le bras droit ramené contre sa poitrine47. Comme pour la statuaire masculine, il existait différents types iconographiques de la citoyenne par excellence : les statues féminines découvertes sur l’île présentent des femmes habillées des coae vestes, composées de trois étoffes superposées48 (fig. 6) : une tunique de tissu épais, un vêtement très fin qui se distingue du premier par ses plis et un manteau très fin, couvrant les cuisses et le haut du corps. Un drapé particulièrement enveloppant et ne laissant rien voir du corps du personnage représenté, mis à part la tête et les mains (fig. 7), aujourd’hui appelé arm-sling type, caractérise certains de ces portraits féminins mis au jour à Cos49.
5. Statue masculine drapée plus grande que nature, Cos, milieu du ier siècle après J.-C., marbre, Rhodes, Musée archéologique (E695, 13576).
6. Partie inférieure d’une statue féminine plus grande que nature, iie-ier siècle avant J.-C., marbre, Cos, Musée archéologique (Γ3116).
© Eva-Maria Czakó, DAI.
7. Statue féminine drapée plus grande que nature, fin du iie siècle avant J.-C., marbre, Cos, Musée archéologique (Γ3115).
L’archéologie classique et l’histoire de l’art ancien peuvent être considérées comme étant des « science[s] des ruines, des fragments et des traces textuelles d’œuvres anciennes et de mondes perdus50 », notamment dans le cas de l’étude des monuments honorifiques. La destruction du contexte d’origine et la dispersion des parties constituant ces ensembles, souvenues au long des siècles, ont contribué à créer les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui dans l’étude de la statuaire honorifique. Afin de pouvoir proposer une restitution de ces constructions, c’est donc vers les bases de ces dernières que nous devons nous tourner : souvent négligées dans le passé, celles-ci sont importantes non seulement car elles présentent des inscriptions, mais aussi car, grâce à l’analyse de leurs caractéristiques techniques, elles nous permettent d’en apprendre davantage sur l’ensemble dont elles faisaient partie.
Nos connaissances sur le phénomène de la statuaire honorifique à Cos ne sont pas très avancées : le passé de l’île, particulièrement touchée par des calamités naturelles, et l’urbanisme actuel nous empêchent en effet d’avoir une représentation exacte de l’urbanisme ancien, ainsi que de l’iconographie des monuments célébrant les bienfaiteurs locaux. Toutefois, une étude attentive des supports des sculptures et de leurs lieux de trouvaille, croisée avec les études architecturelles et urbanistiques de la cité de Cos, nous a permis d’avancer des hypothèses sur l’emplacement des monuments honorifiques dans les espaces civiques et d’en restituer certains aspects, tels que les modalités d’expositions des portraits. L’étude de cas présentée est un exemple indicatif montrant le travail nécessaire à la restitution d’un groupe statuaire aujourd’hui perdu. Ce n’est que grâce à l’archéologie et à l’épigraphie que nous avons pu proposer cette restitution d’un monument honorifique ayant sûrement eu une importance considérable lors de son érection, entre la deuxième moitié du ier et le iie siècle de notre ère.